Personnage culte de l’underground disco/no wave new-yorkais, Arthur Russell s'est imposé dans les années 80 comme l’un des précurseurs du digital dub, de la house garage et de la ‘minimal’ techno en vogue à l’heure actuelle. De Superpitcher à Rhythm & Sound, de DFA à Raster-Noton, nombreux sont les esthètes du beat contemporain qui doivent à ce génie, mort du SIDA en 1992, leur sens du BPM qui dure et de la nappe qui s’étire. ‘C’est la ouate’, comme on dit, et ce « World of Echo » en est la saisissante traduction sonore. Enregistré en 1985-86, cet album méconnu mais séminal est enfin réédité par Rough Trade, en même temps que sort chez Soul Jazz une compile de ses ‘tubes’ écrits sous différents alias (Lola, Dinosaur L, Loose Joint). Compagnon de (dé)route d’Allen Ginsberg, de David Byrne et de Rhys Chatham, Arthur Russell s’est évertué toute sa carrière à remuer l’espace, le temps, en usant de l’écho ou de la reverb comme d’un instrument à part entière. Cette dynamique nouvelle, empruntant à la fois ses idées aux minimalistes (Glass, Reich, Riley) et aux premiers DJ’s (Levan, Kevorkian, Mancuso), provoque à l’audition cette sensation de vague à l’âme extrême, d’étrange dilatation. De l’art de la dilution, de la réminiscence : celle d’un monde prénatal, comme baigné dans un liquide amniotique, qui sauve des maladies. L’oreille ainsi plongée dans un autre espace-temps, ne reste plus qu’au cerveau de divaguer à l’aise, ses synapses caressées par ce ‘cello’ qui vibre. Et la dance, dans tout ça ? Elle frétille sous le panégyrique : si Russell est comparé parfois à un théoricien disco, aimé seulement des têtes chercheuses, sa musique invite aussi nos pieds à taper la cadence. Une cadence étrange, peut-être, mais d’une puissance le plus souvent mystique.