10 ans déjà ! Et si l’on regarde de très près, on peut encore observer les traces de la claque envoyée sur la joue de quiconque aurait succombé aux joies du rock après avoir glissé cet « Irresistible Bliss » dans sa sono. Du pur génie. Un génie qui se fait sentir dès les premières notes de « Super Bon Bon » et de sa terrible ligne de basse, marque de fabrique des compos de Soul Coughing. Embrasés par la voix radiale de l’énigmatique M. Doughty et la langue déjà à terre après une bouchée seulement, on se laisse aller à déguster tour à tour « Soft Serve », « 4 Out Of 5 » et « Soundtrack To Mary » avant de se surprendre à en redemander, tel un junkie pathétique prêt à tout pour obtenir son graal. C’est que cette œuvre machiavélique pousserait presque à souhaiter que grand mal s’abatte sur tous ceux qui hésiteraient à abandonner toute once de dignité au profit de l’angoissant « Sleepless », du prodigieux « Lazybones » ou du kitsh jazz-cabaret de « Disseminated ». En guise de final, « How Many Cans ? » se dévore, des idées noires plein la tête et idéalement accompagné de quelques bouteilles de whisky ingurgitées au préalable. Intelligent, précis, terrifiant, addictif, jouissif, « Irresistible Bliss » n’aurait pas pu porter meilleur titre. L’aventure Soul Coughing, qui s'est achevée en 2000, aura duré l’espace de trois albums studio et bien que le quartet new-yorkais n’est aujourd’hui qu’une sombre et infime miette de l’histoire du rock, il aura eu le mérite de laisser derrière lui ce régal auditif qui se ressert sans fin. Aujourd’hui, après avoir récupéré les dernières lettres de son prénom et perdu le voile de mystère qui enveloppait son personnage, Mike Doughty officie tout seul comme un grand. Sans atteindre le perfectionnisme ou l'obscurantisme des travaux de son ancienne formation, son nouvel album, « Haughty Melodic », ne devrait pas déplaire aux nostalgiques en manque.