Treize ans que Jane's Addiction n'avait plus sorti d'album. A l'époque, " Ritual de lo Habitual " posait les bases du mouvement grunge, et même davantage, en osant mixer psychédélisme, folk, métal, progressif et spiritualisme. Autant dire qu'il s'agit ici du come-back de l'année, mais en rien une reformation de vieux rockeurs juste prêts à renflouer leur tiroir-caisse. Parce que ce " Strays " surprend par sa qualité et sa prestance : on croirait avoir quitté Jane's Addiction seulement hier, tant ces 11 nouvelles chansons respirent la jeunesse et le groove. Le temps semble n'avoir aucune prise sur Perry Farrell, Dave Navarro et Stephen Perkins (à la basse, un petit nouveau, Chris Chaney).
Le rock n'est pas mort, on le sait. Jane's Addiction n'en a jamais douté : il suffit d'entendre les soli démoniaques de Navarro pour s'en rendre compte. " Here We Go ! ", gueule Farrell avant que la machine s'élance, dévastatrice. Jeff Beck, Jimi Hendrix et Kurt Cobain les regardent se défouler du septième ciel. Ca mouline du côté du playboy tatoué, tandis que Farrell hulule comme un possédé défoncé au patchouli, de cette voix androgyne reconnaissable entre mille. A l'heure où les guitares reviennent en force, celles de Jane's Addiction s'avèrent toujours les plus flamboyantes. Treize ans, mais rien n'a changé : le rock de Jane n'a pas déclaré forfait. Comme ces pales d'hélicoptère que l'on entend en intro, la musique de Jane's Addiction nous donne le tournis : la claque ! Un disque à écouter plein tube, pour se persuader qu'on est bien vivant. Même les titres plus calmes dissimulent une énergie maligne, en témoignent " Price I Pay " et " The Riches ", sans doute les deux meilleurs morceaux du lot. Mais le reste est du même tonneau, machiavélique, aérodynamique (" Just Because ", " Hypersonic ", " Superhero ", sur lequel Farrell s'essaie au flow rap), sculpté dans le meilleur bois (vert) par le meilleur des luthiers (Bob Ezrin à la production, l'homme derrière " The Wall ", " Berlin ", " School's Out ", pas moins). Qu'un groupe qu'on croyait mort ressurgisse avec un disque pareil et nous mette sur les genoux, c'est franchement balèze. De cette addiction-là, c'est sûr, on n'est pas prêt de décrocher.