A l'instar de Bonnie Lee, Zora Young, Big Time Sarah et Karen Carroll, Miss Johnson est une de ces nombreuses ambassadrices du Chicago Blues de la dernière génération (NDR : encore qu'elle écume la scène des clubs de la Cité des Vents, depuis quelques années). Shirley est née en 1949. En Virginie. Au cours de sa tendre jeunesse elle y chante le gospel. A l'église. Elle ne découvrira le blues et la soul music que bien plus tard. En 1983, elle se fixe à Chicago. Pour y chanter le blues. En compagnie de Buster Benton, Artie "Blues Boy" White et même Professor Longhair. Elle est devenue, depuis, l'une des attractions du club Blue Chicago.
L'enregistrement de cet album a été découpé en plusieurs sessions. Elles datent pour la plupart de 2000 et de 2001. Pour la circonstance, elle est parvenue à s'entourer de musiciens réputés, dont cinq différents guitaristes ainsi que les claviéristes Roosevelt Purifoy et Allen Batts.
L'album s'ouvre par "Not for the love of you", une ballade soutenue, très cuivrée. Mais ce qui frappe instantanément, c'est sa voix grave, profonde, caractérisée indéniablement par ce soupçon de vécu. Au passage, on reconnaît les sonorités frêles des cordes de Maurice John Vaughan. Une fragilité qui persiste tout au long de la plage maître, nonobstant le solo du blanc Rockin' Jimmy concédé devant le redoutable Johnny B. Moore et les claviers d'Allan Batts. "You turn to cry" est une nouvelle ballade mélodique. Ecrite par Twist Turner, elle permet à Robert Ward de révéler son talent à la guitare : sa maîtrise, sa technique et son feeling contenu. Il reprend magistralement le célèbre "Somebody have mercy" de Sam Cooke, un morceau qui met en exergue un bijou de solo blues accordé par John Primer. Cet excellent opus nous réserve encore d'autres bons moments. Et je pense tout particulièrement à la reprise somptueuse du célèbre "As the years go passing by", fruit d'une session antérieure (NDR : millésimée février 1996 !), conduite par les cordes de Johnny B. Moore, au chatoyant Chicago shuffle "Hard lovin' mama", ainsi qu'à "The blues is all I've got"…