Ce qu’il peut être parfois agaçant ce Lapointe.
On aimerait quelquefois pouvoir lui formuler un reproche, lui balancer un uppercut ou un swing dans les dents. Une critique virulente qui permettrait de conclure : ‘Ah là, le Québécois s’est viandé’.
Ben non, pas possible. Chaque nouvelle suscite le respect, s’écoute en silence et provoque l’admiration pour ses paroles envoûtantes et d’une infinie beauté.
Il reste donc peu de place à la réprobation, face à cet artiste confirmé, cet auteur/compositeur à la plume hallucinante, ce musicien talentueux...
Et pourtant…
« Paris tristesse » avait de quoi justifier une attaque en règle. Le titre, tout d’abord. Sombre. L’instrumentation. Limitée aux cordes et à un piano. Le climat. Ténébreux, presque arrogant.
Pourtant ce qui s’annonçait compliqué pour l’artiste et à la limite du supportable pour le mélomane, s’est transformé en idée géniale…
Certes, il faut accepter notre partie sombre, ces recoins secrets que nous tentons tant bien que mal à dissimuler. Il faut admettre ces instants où le cœur s’emballe face à la mémoire de moments tendres et perdus. Il faut faire preuve d’introspection et de remise en question. Il y a un travail, « Paris Tristesse » ne se gagne pas tout seul. Mais comme par enchantement, au fil des morceaux, cet univers volé aux dénis apparaît comme sublime.
Oui, on peut être heureux d’être triste. On peut accepter d’être humain, de fondre en larmes.
Car si le bourreau fait son boulot, il l’exécute avec tant d’expérience et de volupté qu’on en vient à trouver son acte superbe.
Il n’y a ni forme de masochisme, ni conspiration affective, mais un ressenti de l’essentiel des émotions et de la réalité des événements, de la situation.
Un sentiment profond teinté d’amertume que l’on gratte, que l’on creuse, et qu’on ressort du fond de soi.
Quoique délicates, les compos de « Paris Tristesse » atteignent leur cible dans leur cœur. Un disque dont on appréhende l’écoute, qu’on finit par s’y résoudre, parce qu’on a simplement envie de communiquer avec le plus profond de ses sentiments.
Il est agaçant ce Lapointe, mais il revient quand il veut.