Résolument frais et bienveillant, « Me and Armini » glisse sur la peau. De sa voix douce, Emiliana Torrini caresse les pensées chiffonnées du matin. On ne s’en plaindra pas. On n’y cherchera pas non plus midi à quatorze heures. Ce troisième album de l’Islandaise s’écoule sans heurts comme sans véritable saillies. Bien moins torturées que Björk, son éternel terme de comparaison –même label, nationalité et timbre de voix– les narrations d’Emiliana ne tombent pas pour autant dans la monotonie. « Me and Armini » couve un improbable reggae lascif (dans la lignée de la reconversion de Sinead O’Connor) ; « Jungle drum » se laisse emporter par une fraîcheur et franchise sans réserve. « Birds » achemine en acoustique les courbes de la mélancolie. Des tons changeants à l’image d’un passé métisse, comme dira en interview l’Italienne/Islandaise émigrée à Londres.
L’album délaisse ainsi les humeurs trip-hop de "Love in the Time of Science" (1999) et la candeur folk de « Fisherman’s woman » (2005) pour zigzaguer au travers d’un éclectisme assumé. Par-ci s’immiscent un pedalsteel, un glockenspiel, un mélodica. Par-là s’affolent des guitares sèches et un piano lascif. Mais c’est surtout lorsque les morceaux outrepassent la ballade romantique que l’album prend son envol. Le relief grimpe surtout lors du fantastique « Heard it all before », où, sur une rythmique franche et des vocalises plus trempées –inévitablement comparables à Björk– Emiliana Torrini allie sensualité et détermination. Pourvu que ce filon soit mis à découvert pour un prochain album où la douceur s’enroberait davantage de tempérament.