Et de quatorze pour Brother JT ! Quatorze disques restés dans des zones obscures et sombres, belles et inexplorées. La vie de John Alan Terlesky alias Brother JT ressemble à s'y méprendre à celle d'Harvey Pekar, l'intrépide protagoniste névrosé du film American Splendor. Ces deux hommes ont d'indéniables points communs. Seule différence notable : l'un s'épanouit à travers la musique, l'autre par la bande dessinée. Pour le reste, ils sont de véritables anti-héros. Le genre de gars à choisir leurs vies minables pour thème central de leurs aventures artistiques. "Off Blue", le nouvel album de Brother JT, a été enregistré au beau milieu de sa salle à manger, entre un burger et un verre de lait. Seul à la guitare, ce respectable phénomène de la scène underground américaine (des années 80 aux années 90, c'est au sein de son groupe, The Original Sins, que Telersky s'est frayé un chemin aux côtés de formations emblématiques telles que Mudhoney, Make-Up, Royal Trux ou Oneida) s'est reconverti à l'americana par l'entremise d'un folk précieux et nécessaire. Pour écrire ces douze complaintes, Brother JT doit forcément vivre en reclus, loin des tumultes de toute civilisation. On l'imagine paumé ("Father's Eyes") mais heureux ("Lovely Though It is") à gratter sa guitare, le sourire en coin, un affreux pull-over en laine de brebis sur le dos. Notre homme présente tous les stigmates du vrai ‘nerd’, le type même du ringard persuadé du bien-fondé de son entreprise musicale. Finalement, il n'a pas tort. Car sans le savoir, il s'approche de l'univers feutré de ses contemporains : Alfie, Badly Drawn Boy et Rivers Cuomo ne sont d'ailleurs plus très loin de cette splendeur américaine…