La présence d’Elvis Costello, à l’affiche du Cactus, ce samedi 10 juillet, avait donc incité votre serviteur de se déplacer à Bruges. Au Minnewaterpark. Superbe site qui accueillait donc, cette année, sa 29ème édition. Pour rappel, ce festival se déroule en trois jours ; mais son organisation impeccable et sa formule antistress (NDR : un seul podium, pas besoin de marcher des kilomètres, pendant la journée, pour aller applaudir les artistes) lui ont valu de décrocher, en janvier dernier, l’Award de meilleur petit festival d’Europe… Anecdote, avant de pénétrer dans l’enceinte, je suis totalement fasciné par le nombre de vélos rangés face à l’entrée du site…
Il revenait à Balthazar d’ouvrir les festivités. Un quintet courtraisien que j’avais déjà eu l’occasion d’applaudir lors de l’édition 2009 du D’hiver Rock à Tournai. La popularité du combo monte apparemment en flèche au Nord du pays, puisqu’il s’est produit ce vendredi 2 juillet, sous le Pyramid Marquee, dans le cadre du festival de Werchter. Leur tracklisting n’a pas négligé les inévitables « Fifteen floors » et « Hunger at the door », issus de leur album « Applause ». Mais surtout le groupe démontre qu’il a, aujourd’hui, toutes les planches pour s’exporter…
Little Dragon est une formation suédoise, au sein de laquelle milite la vocaliste Yukimi Nagano. Elle est d’origine japonaise Sa voix soul se pose sur une musique mêlant jazz, r&b, électro, lounge, rock, hip hop et folk. Mais sa notoriété, le quatuor se l’est surtout forgée en participant à l’enregistrement de l’album de Gorillaz, « Plastic Beach ». Responsable de deux chouettes elpees à ce jour, on pouvait s’attendre à un show excitant. Yukimi est vêtue d’un kimono de couleur vive, mais tout au long du set, on a surtout envie de piquer un roupillon…
Faut croire que le public n’était pas encore suffisamment réveillé ou supportait mal la moiteur orageuse de l’air, car lorsque la formation canadienne, Black Mountain, est montée sur les planches, il était toujours aussi amorphe. Un peu comme s’il avait abusé de la fumette. Pas étonnant, lorsqu’on sait que la musique du quintet, alors sur le podium, baigne dans le psychédélisme 60’s : rythmique lourde, nappes de clavier rognés, cordes de guitare torturées, bourdonnantes, chargées de larsen. Le spectre d’Iron Butterfly semble manifestement hanter leurs compos. Cheveux longs et barbes, les musicos masculins affichent le même look que les baba cools qui avaient participé aux célèbres festivals de Wight et Woodstock. Malheureusement, Black Mountain ne recèle pas de vocaliste de la trempe de Doug Ingle. Il y a bien une chanteuse, mais elle passe plutôt inaperçu (NDR : non, elle ne porte pas la barbe !) Guère sexy, peu de présence et un timbre insipide, incolore et inodore. Dommage, car quoique revivaliste, leur musique a apporté un petit coup de fraîcheur au festival. Faut dire qu’il fait de plus en plus chaud… Et tant pis pour celles et ceux qui somnolaient encore…
José James ? C’est un formidable vocaliste. Un baryton dont les inflexions peuvent rappeler Louis Armstrong. Qu’il pose sur une musique oscillant entre soul, r&b, jazz et hip hop. Il est soutenu par des instrumentistes extrêmement brillants. Dont le claviériste, responsable d’interventions au Fender Rhodes, particulièrement chaleureuses. Et leur laisse, à tour de rôle, le loisir de démontrer tout leur talent. La dégaine de José, sur les planches, est chaloupée ; un peu comme s’il marchait sur l’eau. Au beau milieu du set, la vocaliste new-yorkaise Jordan de Lovely rejoint la troupe sur le podium. Histoire de donner encore plus de relief à la prestation. Cependant, le public ne semble pas très réceptif. Mais il est vrai que ce style de musique s’apprécierait plus facilement dans le cadre d’un festival de jazz ; ou alors au sein d’un petit club.
Balkan Beat Box est une formation américano-israélienne fondée par l’ex-drummer/percussionniste de Gogol Bordello, Tamir Muskat, le chanteur/percussionniste Tomer Yosef et le saxophoniste Ori Kaplan (NDR : ancien Firewater !) Ces deux derniers se chargeant également des samplers et des différents bidouillages électroniques. Leur musique oscille entre funk, jazz, ragga, reggae et la world du Moyen-Orient ainsi que des Balkans. Vu la formule du trio, on aurait pu craindre devoir se farcir un set à la fois synthétique et glacial. Pas du tout ! Tout d’abord, parce que le band a eu la bonne idée de recruter des collaborateurs pour se produire en tournée. Soit le bassiste Itamar Ziegler (ses interventions sont à la fois sinueuses et terriblement groovy), le guitariste Uri Kinrot et le clarinettiste/saxophoniste Eyal Tamuldi (NDR : associé à Ori, le duo de cuivres donne littéralement le vertige). Tomer est une véritable pile électrique. Il se charge des vocaux, passant du rap à la ballade contagieuse, avec une aisance étonnante, et lorsqu’il ne participe pas aux percus, il harangue la foule. Un bémol : le climat un peu trop linéaire de leur set. Et pourtant, en fin de parcours, le combo va démontrer qu’il est capable de s’aventurer dans un univers sonore plus subtil, plus envoûtant, presque arabisant. Ce qui lui vaudra, d’ailleurs, un rappel…
K’s Choice est extrêmement populaire dans le Nord du pays. A peine le présentateur a-t-il annoncé leur arrivée sur le podium, qu’une immense clameur traverse le Minnewaterpark. Sarah et Gert Bettens avaient donc décidé de dissoudre le groupe, en 2002, pour embrasser des carrières individuelles. Mais la sœur et le frère ont donc relancé la machine, l’an dernier, enregistrant même un nouvel album, cette année, intitulé « Echo Mountain ». Quoiqu’accueillant un nouveau guitariste au sein de son line up, on ne peut pas dire que leur musique ait beaucoup évoluée depuis leurs débuts, c’est-à-dire en 1993. Les musiciens sont excellents, ils mettent toute leur âme et leur passion dans leurs compos ; mais honnêtement, j’ai l’impression que leur horloge s’est arrêtée depuis au moins 15 ans. Aussi, après 20 bonnes minutes, je suis allé casser la croûte. Et aussi prendre un petit rafraîchissement…
Le dernier album de Declan Patrick MacManus, alias Elvis Costello, s’intitule « Secret, Profane & Sugarcane ». C’est apparemment son 29ème studio. Un disque de bluesgrass/americana/country auquel les musiciens de son backing band de tournée, baptisé The Sugarcanes, avaient déjà collaboré. Et en particulier Jeff Taylor à l’accordéon, Mike Compton à la mandoline, Dennis Crouch à la double basse (NDR : ça ressemble à une contrebasse) Jerry Douglas au dobro, Stuart Duncan au violon et Jim Lauderdale (NDR : lors des sessions d’enregistrement, il s’était contenté d’apporter son concours aux harmonies vocales) à la guitare. Un sextet qui ne recèle pas de drummer. Costello est coiffé d’un superbe canotier (pas d’un wiki !), mais toujours affublé de ses lunettes caractéristiques. Il s’accompagne à la sèche. Et le band ouvre le set en catimini, par « Complicated Shadow » et « Blame it on Cain ». Tiens, il tombe quelques gouttes. Le tracklisting alterne compos issues du dernier opus de Costello et de son back catalogue. Et nous réserve quelques reprises, dont un medley entre « New Amsterdam » et le « You’ve got to hide your love away » des Fab Four, ainsi qu’un peu plus tard, une cover du « Friend of the Devil » de Grateful Dead. Il commence à tonner. Il pleut. Le tracklisting défile : « Good year for the Roses », « The angles wanna wear my ». Il drache. Et pourtant, le public est ravi. Pas du temps, mais de la prestation du groupe. Et puis Elvis nous lance quelques boutades (NDR : l’humour britannique, dans toute sa splendeur, comme lorsqu’il exhibe une bouteille d’eau avant d’en boire une bonne lampée) Enthousiaste, la foule résiste aux intempéries. Pas votre serviteur, qui se réfugie sous la tente presse, pour assister à la suite des événements. Pas l’idéal, mais à un certain âge, il faut préserver sa santé… Quoique privée de percus, la musique commence à prendre du corps (NDR : qui a dit l’eau ?) Peut-être dans le but de réchauffer l’atmosphère. Après une version retravaillée d’« Everyday I write the book » et “Don’t lie to me”, Costello nous livre une version bouleversante, intense, tourmentée d’“I want you”. Au fil de l’âge, ses cordes vocales semblent renforcées. Une gigantesque ovation salue cette interprétation. En regardant l’écran, on y observe, aux premiers rangs, des tas de filles, souriantes, radieuses, mais trempées jusqu’aux os. Faut dire qu’il tombe alors des hallebardes. Le temps ( ?!?!?!?) de quitter le podium et le band revient pour accorder, « Sulphure to Sugarcane », le titre maître de son dernier album et « Happy ». La pluie vient de cesser. Le concert aussi. Revenu sur le site, je constate la présence d’une multitude de marres d’eau. Mais elle n’avait enfin plus la parole. Mais cause-t-elle l’eau ? La question méritait d’être posée…
Jamie Lidell a accordé 3 concerts en 24 heures ! Avant de se produire à Bruges, il avait assuré le supporting act de Prince (NDR : auquel il rend hommage, lors de son set, sur « I wanna be your telephone) sur la plaine de Werchter. Bonne surprise, si dans le passé, le natif de Huntingdon (NDR : c’est dans le Cambridgeshire, en Angleterre) qui s’est établi à Manhattan, se muait en véritable homme-orchestre, tripotant furieusement des tas de boutons, il a décidé de se produire, soutenu par un trio. Ce qui permet à ce véritable showman de se libérer de ses contraintes. En outre, il bénéficie du concours d’un excellent percussionniste, Guillermo Brown. Ce qui ne l’empêche pas de jouer encore, suivant les circonstances, à l’human beatbox. D’ailleurs le principal atour de Jamie, c’est sa voix. Une voix faite pour la soul, dont le timbre campe un hybride entre Stevie Wonder et Steve Winwood. Il nous réserve même une interprétation a cappella absolument époustouflante de « Another day » Et s’amuse encore parfois à la torturer à travers son mégaphone. Il vient aussi jouer des drums, sur une compo. Ah oui, j’allais oublier ? La musique. Elle est essentiellement funk ; même si elle trahit des traces de doo wop, d’électro, de pop, de rock, de soul et de blues. Ne m’en demandez pas plus ; je suis incapable de donner un avis objectif sur cette prestation. Vu l’enthousiasme manifesté par le public, elle devait donc être excellente… (Merci à Erwin)