La cavalcade de Jéhan…

Poussé par un nouvel élan poétique, Jean Jéhan a sorti son nouvel opus, « On ne sait jamais », le 18 novembre 2023. Pour ce cinquième elpee, Jéhan fait le choix de s'affranchir de ses affinités folk rock, pour aller vers des horizons plus dégagés. On retrouve…

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Manu Chao - Bau-huis
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Rock Werchter 2003 : dimanche 29 juin Spécial

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A peine remis de la veille, nous voilà repartis pour une journée de décibels, de coma sous le soleil et de sprint entre les deux scènes : heureusement qu’avant Cypress Hill, les artistes qui se sont succédés n’étaient pas de ceux qui exigent à leur écoute des boules Quiès et du Nurofen (à l’exception des gamins de Good Charlotte). Le rock burné, c’était hier. Aujourd’hui, c’est le rendez-vous des familles. Pour redémarrer en douceur après trois nuits de camping et trois (deux et demie) journées de festival, rien de mieux qu’un petit Das Pop, ce groupe flamand sans prétention qui allie mélodies catchy et légères touches eighties. Nonobstant le synthé qui faisait des siennes, Bent Van Looy et les autres redoubleront d’énergie pour faire oublier cet incident technique. Tous leurs hits seront passés en revue, plus une reprise sympathique de l’« Abracadabra » du Steve Miller Band.

De quoi se mettre de bonne humeur pour le reste de la journée, et accueillir en fanfare les joyeux drilles de De La Soul, qu’on croyait pourtant définitivement à la retraite. Deux platines, trois MC’s : les rappeurs old school du « Daisy Age » (ce rap hippie, en rien revanchard) n’ont besoin de rien d’autre pour mettre le feu. «  Me, Myself and I », « Ring Ring Ring », « Stakes Is High », « Thru Ya City », « All Good », « Oooh » : autant de hits cool et sympathiques qui s’apprécient à l’aise, assis, debout ou couché.

Idem pour la musique ensorcelante des Hollandais de Zuco 103, qui mixe allègrement samba brésilienne, BPMs exotiques et fiesta latino. Entourée d’un groupe soudé (le percussionniste Stefan Kruger, le claviériste Stefan Schmid, plus un bassiste et un DJ), Lillian Vieira pouvait se lâcher et narguer les spectateurs de ses poses suggestives. En trois quarts d’heure, l’électrisante chanteuse n’aura laissé aucune chance aux festivaliers en bout de course, assommés par la chaleur et le manque de repos. « Vous chantiez ! (Ces trois derniers jours) J’en suis fort aise… Eh bien, dansez maintenant ! », semble-t-elle dire aux endormis qui osent rester de marbre face à ses déhanchements lascifs… La musique elle aussi était chaude comme la braise : d’abord on souffle dessus (le début du concert), puis ça prend doucement, pour finir en brasier (la fin, boombastic avec ses rythmes house, balearic, afro). Zuco 103 sort un album live en septembre, qu’on espère enregistré à Werchter… Ca nous rappellera les vacances, et ce chouette moment qu’on a passé à danser sous le Marquee, trempé et content, la fatigue presque oubliée…

Presque. Parce qu’après la samba, c’est l’heure des ballades écorchées, du coup de pompe au cœur, de la mélancolie possessive : « If words could kill/I’d spell out your name », susurre Tom McRae sur « The Boy with the Bubblegun », en toute fin de concert. Auparavant, l’Anglais dépressif aura plaisanté sur son hamster et sur la pluie qui le poursuit (heureusement pas ici), enchaînant ses perles avec retenue mais délicatesse. « You Only Disappear » ouvre le bal (celui de « Carrie » ?), suivi du tubesque « Karaoke Soul » (et ses violons insistants), puis de « Dose Me Up », « A&B Song », etc. Normalement plus à l’aise en salle, McRae se sera montré bien bavard, et son folk-rock crépusculaire n’aura jamais pâti de la concurrence déloyale des gros décibels de Supergrass, au même instant sur la Main Stage. Gaz et ses trois potes ont beau faire du boucan, rien n’y fait : le soleil a vaincu les plus solides, qui dorment lamentablement entre deux piles de verres en plastique ramassés pendant le set des affreux Stereophonics. Et pourtant, Supergrass aura mis les bouchées doubles: « Sun Hits The Sky », « Lose It », « Mary », « Moving », « Pumping on your Stereo », « Richard III », « Lenny », « Caught by the Fuzz »,… Que des classiques, en plus de quelques morceaux de leur dernier album, « Life On Other Planets ». La chaleur ? Quelle blague ! Même le sang (la cuisse de Danny, étrangement blessée) n’arrête pas ces quatre Anglais, qu’on croirait échappés de la Planète des Singes. Mais que fait la Croix Rouge ?

Peut-être a-t-elle trop de boulot du côté du Marquee, plein comme œuf depuis l’arrivée sur scène de Skin, l’ex chanteuse de Skunk Anansie. Une chose est sûre : si la tigresse a rétracté ses griffes et laissé pousser sa crinière, elle n’en a pas pour autant perdu son sex appeal. « I’d like to shag you all », ronronne-t-elle après une version remodelée de « Weak » (dépucelée ?) : euh, oui, mais, hum, tout le monde en même temps ? Restons-en à la musique, ça vaudra mieux : moins sauvage que le pop-rock-metal de son ancien groupe, plus câline, elle se goûte sans danger, comme si l’amour avait remplacé la colère, les bons sentiments la rancune et la rage. Il est bien fini le temps des « Selling Jesus » : Skin se met à nu, au sens figuré pour une fois. De son interprétation en douceur, on retiendra surtout ce « Trashed » habité, et bien sûr « Twisted » et « Hedonism », qui nous rappellent avec émotion cette époque où la féline rôdait sur la Main Stage en montrant les crocs…

De belles chansons pour les cœurs tendres : c’est aussi la spécialité d’une autre donzelle au physique avantageux, Nina Persson des Cardigans. Avec son beau minois et sa voix caressante, la belle Suédoise aura charmé l’assemblée, faute de mieux. C’est que les chansons des Cardigans passent mal en plein soleil, plus habituées à la tiédeur du soir et aux ambiances feutrées qu’au raout de masse… En plus de tous ses mâles, Nina partageait la scène avec Eva, une charmante nouvelle recrue : encore une, et c’est les Corrs ! Sans blague : ce « Lovefool » mièvre et sucré, c’est bon pour « Tournez Manège »… Seuls « Erase & Rewind » et « My Favorite Game » oseront accélérer la cadence et piétiner les plates-bandes d’une pop-rock plus couillue. Mais le grand huit musical, lui, n’est pas encore au programme. 

Heureusement qu’il y avait Cypress Hill pour réveiller enfin cette foule anesthésiée : qu’ils soient là reste certes un mystère (ils n’ont plus rien sorti depuis un bail), mais au moins leur set aura eu le mérite de faire trembler la plaine, sous les coups de boutoir de bonnes grosses basses et d’appels festifs à la défonce. « I Wanna Get High », « Hits From The Bong », « Stoned Is The Way » : il n’en fallait pas plus pour remuer les fumeurs de haschisch mais aussi les autres, tout aussi défoncés par les rayons U-VB qui filtrent à travers la couche d’ozone. Aaah, que ça tape dur sur nos têtes ! Mais B-Real et Sen Dog n’ont rien à faire de nos malheurs : ils balancent leurs bombes de « stone-rap » sans interludes – 14 titres en 50 minutes ! Des hits, pour la plupart : « Ain’t Going Like That » en ouverture, puis « Pigs », « Cock the Hammer », « Dr Greenthumb » (illuminé par un solo de percus très impressionnant), « When The Shit Goes Down », et bien sûr « Insane In The Brain », avec pour terminer le terrifiant « Rock Superstar » et ses riffs métalliques (samplés) qui laissèrent le public à genou… Au loin, tandis que se dispersaient déjà les spectateurs à la recherche d’un désaltérant bien mérité, les premiers nuages de la journée voilèrent enfin le soleil, rafraîchissant l’atmosphère juste avant le début du concert des Audio Bullys, sous la tente.

Simon Franks pourrait bien être le cousin de Mike Skinner : même dégaine de vacancier british débonnaire, même accent de « lad » ayant grandi dans la banlieue de Londres (ou d’ailleurs), même attirance pour la Jupiler… Sauf qu’ici les beats cognent davantage, et les refrains sentent plus l’Axe « fraîcheur pour hommes » : les Audio Bullys, avec leur « hooligan house » de comptoir et leur look de « trainspotters », ne font donc pas dans la dentelle… Sur CD (voir chronique), c’est plutôt limite, mais en live ça dérouille les guiboles. Les mains en l’air, yeaaaahhh ! ! ! Et même si le MC était parfois à la masse, et sa voix sans relief, on aura bien dansé, bien sué, bien ri. Le clou du spectacle : un « We Don’t Care » hénaurme, qui nous mit sur les rotules. LE concert bourrin du festival, bref un grand moment, que l’on s’empressera de raconter aux potes. La prochaine fois (au Pukkelpop), on prendra notre sifflet et nos fumigènes achetés au Fan Shop du Sporting Club d’Anderlecht.

Après telle bamboula, le rock à papa de Coldplay aurait pu casser l’ambiance : c’était sans compter sur le professionnalisme des quatre fils préférés de l’Angleterre, et surtout sur le charisme de Chris Martin, devenue une véritable bête de scène en l’espace de quelques mois de tournée intensive. Pour rappel, Coldplay avait joué à Werchter l’année dernière, en fin d’après-midi, devant un public à peine attentif. Douze mois plus tard, la donne a fort changé : les Britanniques sont maintenant des stars, prêtes à rivaliser avec, au hasard, REM… selon Martin « le deuxième meilleur groupe du monde » ! Rarement en tout cas aura-t-on vu plus belle ascension : dire qu’il y a trois ans, ils jouaient dans la tente Club du Pukkelpop à 13h00 tapantes ! Et si Chris Martin devenait le nouveau Bono (mais un Bono des quartiers riches, un peu coincé et trop lettré) ? C’est bien parti pour lui, au vu du tour de son col de chemise, qui ne cesse de s’élargir… Oui, le leader de Coldplay attrape la « grosse tête » : pendant « Everything’s Not Lost », c’est à peine s’il obligea le public à chanter, vexé qu’il ne s’y soit pas mis plus tôt… Non mais, gros mégalo ! Mis à part ça, le concert fût de très bonne tenue : tous les hits, en plus d’un inédit (« Your World’s Turned Upside Down », très… U2) et d’une face B qui n’en avait pas l’air (« One I Love »). Coldplay semble un groupe fait pour durer, dont la popularité ne cesse de grandir. Reste à espérer que Chris Martin ne deviendra pas une rock star imbuvable, et qu’il arrêtera de nous pomper l’air avec son « World Trade Fair ».

Et puis vint le miracle, la béatitude, la huitième merveille du monde, la bénédiction « urbi et orbi » : Moloko et son électro-pop-funky-jazz de bazar, Roisin Murphy et son air mutin, tous ces tubes enchaînés repris à tue-tête par un public déchaîné. Une ambiance incroyable. Une chaleur tropicale. Un concert torride. Une sacrée claque. Moloko n’était jamais arrivé à cette perfection, atteinte ici en deux tours de passe-passe : dès les premières notes de « Familiar Feeling » la joie du public explosa ; comme si toute la journée il avait fallu attendre le moment opportun pour se laisser aller, pour jouir tous ensemble, pour s’oublier dans le « nous », en vibrant aux beats groovy de la sexy Roisin, seule maîtresse à bord de cette Pyramide qui tangue, qui chavire, qui transpire. Quelle femme ! Cette voix ! Qui passe sans problèmes du blues langoureux (sur « I Want You ») aux gémissements lascifs du dance-floor extatique (le reste). « Come On », « Fun For Me », « Pure Pleasure Seeker », « Forever More », « Cannot Contain This » : autant de hits exutoires qui nous auront emmenés au septième ciel… Dommage d’ailleurs qu’il n’en existe pas un huitième, parce qu’avec « The Time Is Now » et « Sing It Back », on serait bien monté encore un peu plus haut… Il reste encore REM, Gotan Project et Buscemi, mais pour nous le festival pourrait s’achever là, à genoux, les mains jointes, devant Roisin, notre Madone du week-end, Sainte protectrice des festivaliers à bout de souffle, tannés par le soleil mais contents de cette quasi-fin mémorable.

A peine nos esprits retrouvés, voilà qu’on hallucine devant trois lettres rouges qui semblent clignoter au loin, sur la Main Stage : L.U.V. Mais voilà que déboule Michael Stipe, et l’on finit par comprendre : c’est REM, et tout est AMOUR. Le concert commence par deux vieux morceaux bien remuants, « Get Up » et « Begin the Begin ». C’est la cinquième fois que REM nous rend visite à Werchter (85, 89, 95, 99, 03), cette fois pour promouvoir un best of (1989-2001) qui sort à la rentrée. Stipe, aidé par Peter Buck, se souvient : les Ramones, Jeff Buckley, Lou Reed,… Ils étaient là eux aussi. Quelques années plus tard, il ne reste qu’eux trois, amputés d’un batteur mais encore au top : la marque des grands groupes. « Drive » fait tomber sur la plaine une ambiance religieuse… Mais un nouveau morceau, « Animal », replonge les VU dans le rouge : apparemment, le prochain album sera plus rock (une impression confirmée plus tard par « Bad Day », un deuxième inédit). « The One I Love », « Finest Worksong » (tous les deux de « Document »), « Daysleeper », « What’s the Frequency, Kenneth ? » : il faudrait trois heures au groupe pour jouer tous ses hits…  Mais c’est aux premières notes de « Losing My Religion » que le public s’enflamme vraiment, reprenant les paroles en chœur, le sourire aux lèvres, les yeux fermés pour certains. Ces moments-là, quand tout le monde vibre en même temps, sont souvent inoubliables. C’est le moment pour Stipe, Mills et Buck de calmer le jeu, avec « At My Most Beautiful » et « Electrolite », deux belles chansons qui montrent l’étendue de leur talent… Ces gars-là peuvent aussi bien écrire un hymne pop sans âge qu’une ballade simple et touchante : très fort. Après une brève incursion dans leur dernier album, « Reveal » ( « She Just Wants to Be » et « Imitation of Life »), « Man on the Moon » et « Walk Unafraid » finissent de nous séduire… En rappel, « Everybody Hurts » (interrompu par une fan hystérique) et « Cuyahoga » (de « Lifes Rich Pageant », paru en 87) montrent une dernière fois à quel point REM joue toujours sans filet, étalant une classe impressionnante (et quel talent !). « It’s the End of the World… » clôture le spectacle en beauté, avec un Stipe survolté qui semble rajeuni de 20 ans. Pour une fois la pluie n’aura pas gâché la fête : alors que les trois lettres L., U., V. clignotent et s’éteignent, il est temps pour nous de baisser pavillon et de plier bagage. Quatre jours de décibels, de bières et de coups de soleil, ça fatigue… L’année prochaine, c’est certain, on louera un mobil home. 

Informations supplémentaires

  • Date: 2003-06-29
  • Festival Name: Werchter
  • Festival City: Werchter
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