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La vie, ce n est pas traverser la rivière deux fois au même endroit... Spécial

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Ce 20 septembre dernier, Tuxedomoon se produisait dans le cadre des Nuits Botanique. Consacrant le dernier jour du festival d'une prestation 3 étoiles. Deux bonnes heures avant ce set, Blaine Reininger et Steven Brown ont accepté de nous parler. De leur vision de la musique d'abord. Qui est toujours demeurée alternative ! De leur reformation aussi, bien sûr. Qui ne nous laissera pas sur notre faim, comme en 1987. A cette époque, le groupe s'était simplement réuni pour fêter le dixième anniversaire de sa naissance; se contentant alors de sortir une compile. Bonne nouvelle donc, ce come-back est assorti d'un nouvel album…

Blaine précise : " Sa sortie est prévue pour avril 2004. Nous y avons privilégié la sensibilité moderne. Post moderne. Enfin pas trop moderne quand même (rires). Aujourd'hui, nous sommes plus âgés. Nous avons tous la cinquantaine, et notre création est plus mûre… C'est un disque beaucoup plus instrumental. On y a inclus de l'électronique, mais pas au point de dériver dans la ‘trance’ et ses boîtes à rythmes 'tchack tchack boum'. En fait, il s'inscrit dans la lignée de ce que nous pratiquons depuis longtemps et que nous avons pratiqué avant les autres ". La musique électronique, Blaine et Steven l'avaient expérimentée fin des seventies, lorsque étudiants, ils fréquentaient le City College de San Francisco. Des recherches particulièrement poussées qui leur permettent aujourd'hui d'avoir un regard critique sur ce qui se pratique aujourd'hui, dans ce domaine. Qu'ils qualifient, le plus souvent, de recyclage. Et Steven de faire une comparaison très pertinente : " Qu'est ce que la techno, si ce n'est du disco ? En plus rapide. Mais avec plus de moyens. "

Un quart de siècle plus tôt, Blaine et Steven s'étaient également essayé à l'art-rock. Plus de l'art que du rock, d'ailleurs. Afin d'atteindre l'expression la plus noble de leurs sentiments, pendant près de deux ans, ils vont monter des shows qui ressemblaient davantage à des attractions de cabaret ou de théâtre. Et de recyclage, on en revient forcément, lorsqu'on leur parle de culture. Blaine en particulier : " Nous sommes aujourd'hui à l'âge du pastiche, du bricolage. C'est la décadence ! Moi-même je bricole, je pastiche, je fais des montages. Avec des images, avec des idées. Mais je suis un peu triste, parce que le sentiment de classicisme a pratiquement disparu. Peut-être qu'à l'avenir on retrouvera une nouvelle forme de classicisme. Une innocence créative." Faut dire que si Steven aime écouter Eno et Stockhausen, Blaine apprécie plus particulièrement Vivaldi, Bach et accessoirement le rock'n roll. Steven constate amèrement : " Il y a trop de musique. Tout le monde et n'importe qui peut faire de la musique. Chez lui, sur son petit computer, il peut y créer tous les effets technologiques souhaités en les téléchargeant gratuitement sur internet. C'est ça aussi la décadence. Mais elle va mûrir pour préparer le terrain à quelque chose de nouveau, c'est évident. En attendant, pour des gens comme nous, cette situation est assez difficile à vivre. " Blaine pousse la conversation encore plus loin : " On est toujours à la recherche de nouvelles tonalités, de nouvelles idées. Mais ce n'est pas toujours possible. Et uniquement se concentrer sur l'expérimentation est de la folie pure. Dans l'histoire de l'art, cette recherche permanente n'a pas toujours existé. Car le souffle créateur de la musique, de la poésie, de la littérature, etc., n'est pas infini. Pour écrire une bonne symphonie, il n'est pas toujours nécessaire de créer un nouveau système de composition, de nouvelles sonorités. Je pense que l'aspect humain, la communication avec les autres et le sens de l'existence sont beaucoup plus importants. Dans l'histoire de l'art, on a vécu de grandes époques. La période baroque a sans doute été une des plus riches. Cette époque a enfanté de nombreux compositeurs. Puis elle s'est essoufflée. Mais elle n'a pas fait immédiatement place au néobaroque. On ne peut pas prévoir à l'avance si on va vivre une période créative ou pas. Dans le domaine de la pop et du rock, les années soixante sont considérées comme un âge d'or. Pourtant, il y a eu des choses intéressantes dans les 70's et les 80's. Mais tout le monde rêve de revivre ce phénomène sixties. C'est comme lorsque tu fais l'amour et que tu as un orgasme merveilleux. Ce n'est pas prévisible ! "

Tuxedomoon est donc né de la rencontre entre Blaine et Steven. En 1977. Après avoir commis quelques singles, la formation se retrouve, tout comme les Residents, MX80 Sound et Chrome, sur un elpee intitulé 'Subterranean Modern'. Une initiative du label Ralph Records destinée à mettre en vitrine la scène électro-intellectuelle de San Francisco. TM y interprète 'I left my heart in San Francisco'. Prémonition ? Intuition? Trois ans plus tard, le combo quittera définitivement la cité californienne… Mais une partie de leur cœur est resté à San Francisco. Pourtant, ni Blaine, ni Steven ne veulent y retourner. Steven se justifie : " Ce n'est pas possible, ce n'est plus le San Francisco que j'ai connu. Tout a changé. Le monde change. Mais là-bas, il a encore changé plus vite. Pourtant, j'en garde de bons souvenirs ". Et Blaine d'enchaîner : " J'y ai vécu, mais non, cette idée ne me traverse même pas l'esprit. Tu ne rentres jamais à la maison. La vie, ce n'est pas traverser deux fois la rivière au même endroit. Mais si une partie de mon cœur est restée à SF, c'est seulement une partie. C'est un peu comme Chopin, qui a laissé une partie de son cœur en Pologne et son corps à Paris… "

Michael Belfer rejoint le duo début 1978. Puis Peter Dachert (alias Peter Principle), automne de la même année. Sous ce line-up, ils commettent 'Scream with a view', un EP qui paraît l'année suivante. A l'issue de cet enregistrement, Michael n'est apparemment plus membre du groupe. (NDR: pourtant, il va encore accompagner la formation quelque temps en Europe, enregistrer ‘Night air’ en compagnie de Blaine, tourner avec lui; avant de rentrer aux Etats-Unis, ne partageant manifestement pas la même motivation que les autres à vivre en Europe). Par contre, Peter devient alors une des pièces incontournables de TM. A la basse, bien sûr. Le trio concocte alors son tout premier elpee : 'Half Mute'. A l'instar de la vie, la musique est répétitive, lancinante. Un perpétuel recommencement représentatif d'une prise de position bien particulière : celle de devoir évoluer dans un monde trouble, paradoxal. C'est à cette époque que le groupe cherche à associer musique, films et action dramatique, un projet ambitieux pour lequel il fait appel à Winston Tong, un chanteur, mime, danseur qui insuffle au groupe une forme théâtrale plus poussée. En fait, dès 1977, Winston collaborait déjà au projet du duo BR/SB; mais il ne participait pas systématiquement aux concerts. Pour la bonne raison qu'il a toujours voulu poursuivre une carrière théâtrale en parallèle. Et enfin Bruce Geduldig qui se charge alors de projeter des films lors des concerts. Ce type de spectacle est mal reçu outre-Atlantique, et le groupe décide de s'exiler en Europe. Tout d'abord à Rotterdam. En mars 81. Ils y vivront au sein d'une communauté d'artistes baptisée 'Utopia', dont ils seront expulsés quelques mois plus tard. Finalement, ils se fixent à Bruxelles. Vers septembre 1981. En investissant d'abord des appartements laissés libres par la troupe du plan K. Mais avant d'élire domicile dans la capitale de l'Europe, le groupe avait pris soin d'enregistrer son deuxième album : 'Desire'. A Londres. En novembre 80. Un disque plus vocal, mélancolique, épicé d'une pointe d'humeur dadaïste, sur lequel TM parvient à rendre la douleur étrangement belle. Il paraît en 1981. Dès son arrivée à Bruxelles, TM est invité par Maurice Béjart à participer à la bande sonore du ballet inspiré de Greta Garbo : 'Divine'. Mais l'elpee qui témoigne de cette rencontre s'éloigne du style pratiqué par le groupe jusqu'alors, s'orientant visiblement vers la musique classique. Entre 82 et 83, le combo commet coup sur coup quatre Eps dont un 'No tears' qui leur vaut d'être comparés, dans la presse, au Vandergraaf Generator de l'époque. Steven y va de sa propre explication : " C'est sans doute à cause de l'atmosphère mystérieuse qui en émane. Et puis parce que ce style musical touche davantage la sensibilité européenne ". Dans la foulée, à partir de ce moment, sans pour autant parler de séparation, les musiciens se lancent chacun dans des aventures individuelles ; celle de Blaine se révélant la fructueuse. Pas étonnant d'ailleurs qu'en 1984, il quitte le navire pour embrasser une carrière solo. Il est alors remplacé par un trompettiste hollandais : Luc Van Lieshout. De cette nouvelle formule naît le remarquable opus 'Holy wars' (NDR : première sortie sur leur propre label, Cramboy), une œuvre au cours de laquelle TM converse avec la tristesse, un être indésirable, capable de provoquer la perte totale de la personnalité. Mais il y a 'Soma', la drogue miraculeuse qui ouvre au meilleur des mondes, une référence au roman d'Aldous Huxley. TM serait-il entré en guerre contre la drogue? Ou alors contre l'opium du peuple? Une chose est sûre, ils ont choisi d'en parler à travers une parabole. Une parabole qui existait déjà depuis 1979 et avait même donné lieu à un show accordé sous ce titre en janvier 80, à San Francisco. En 86, à l'issue d'une tournée mondiale qui incorpore de plus en plus d'éléments visuels, sous la houlette de Geduldig (danse, projection de films et d'images diverses, performances), et des éclairages sophistiqués conçus par Nina Shaw, le groupe commet un mini album qui explore deux faces diamétralement opposées de son art : intense et électrique ou acoustique et introspectif. Winston Tong est aux abonnés absents depuis deux ans et a été remplacé par le jeune multi-instrumentiste Ivan Georgiev pour la confection du dernier album officiel du combo : 'You'. Cette œuvre étrange et torturée annonce la fin du groupe. Il paraît en 1987.

Winston Tong semble depuis avoir tiré un trait définitif sur TM. Il a décliné l'invitation de revenir au sein du nouveau line up. Blaine explique : " Il a refusé pour des raisons familiales, personnelles. On en a discuté avec lui, mais il n'était plus motivé. Et puis, pour lui, ce n'était plus possible " Oui, mais qui va donc se charger des vocaux alors ? Blaine réplique : " Steven et moi, comme au début ". Maintenant, il faut reconnaître que leur reformation n'est pas évidente à gérer. Pourquoi ? Blaine vit aujourd'hui à Athènes, Steven à Mexico et Peter à New York. Seuls Bruce et Luc vivent encore à Bruxelles. Faut croire qu'ils passent le plus clair de leur temps dans les avions… Mais qu'est ce qui a poussé le groupe à recommencer l'aventure ? Steven explique : " Nous avions été invités à Tel Aviv pour participer à un festival. " Blaine précise : " En 97 ! ". Steven reprend le crachoir : " Et apparemment, le spectacle a plu, puisque nous avons été invités pour quelques dates, notamment en Italie. On s'est alors rendu compte qu'il existait toujours un public pour notre musique. Et on s'est dit que c'était peut-être de bon moment de recommencer l'aventure ".

Fin 1990, Steven Brown, Blaine Reininger et Peter Principle s'étaient encore réunis pour réenregistrer 'The ghost Sonata', un elpee paru l'année suivante sur le label les Temps Modernes, mais en édition limitée. En fait, il s'agissait d'un opus inspiré d'un opéra sans paroles, accordé par le groupe en 1982, au festival de théâtre de Polverigi, en Italie, et remixé pour la circonstance. Un opus dont le titre maître est sujet à controverses, puisqu'il met en scène leurs propres suicides. La philosophie de Tuxedo Moon aurait-elle des accents nihilistes ? La question méritait d'être posée. Steven intervient le premier : " Blaine est nihiliste, mais surtout cynique ! " Blaine répond : " Je suis un idéaliste (rires). Comme tous les cyniques et les nihilistes ! J'étais un romantique, parce que ma vision du monde était personnelle. Mais lorsqu'un idéaliste s'aperçoit que le monde n'est pas le reflet de sa réalité, il est désappointé. Le nihilisme prend alors une forme gothique. " Et Steven de clamer : " Nous avons été le premier groupe gothique. Avant Sisters Of Mercy ! ". Blaine se confesse : " J'ai vu la mort en direct. Ma femme (NDR: JJ Larue, une icône du mouvement punk) est morte devant mes yeux après 18 ans de vie commune (NDR: elle est décédée le 15 juillet 1998 et apparaît en couverture du bouquin de Jim Jocoy : ‘We're Desperate : The Punk rock Photography of Jim Jocoy, SF/LA 1978-1980, powerHouse Books, 2002’. Voir http://www.mundoblaineo.com/snapshots.htm). Et j'en ai conclu que la mort n'était pas romantique. A 20 ans tu imagines que tu ne mourras jamais. C'est un mensonge ! Et la mort par le suicide ne conduit jamais à la vérité… Tous les grands systèmes de philosophie qui ont animé le XXème siècle ont foiré. Le marxisme, le Christianisme, le capitalisme. C'est la raison pour laquelle notre époque est devenue cynique. Et par conséquent, je suis devenu un homme moderne, un homme cynique… " Pourtant, lorsque le groupe a commencé, ses motivations étaient très politiques ? La réponse de Steven cingle : " Tout est politique ! ". Blaine enchaîne : " Nous ne parlions ni de droite, ni de gauche, mais d'une idéologie surréaliste. Notre message était sans doute trop intellectuel pour l'époque… " Steven concède : " Notre musique n'est pas toujours facile à digérer, je l'admets. Elle exige un effort du public et s'adresse à un public attentif, averti ou plus exactement ouvert… " Alors la musique de Tuxedo Moon est-elle un support pour faire passer des idées ? Si Blaine acquiesce, Steven préfère plutôt parler d'émotions. Les émotions, Blaine les trouve plutôt dans la science et la philosophie. " Ecouter de la musique ? C'est comme savourer un bon dessert. J'apprécie aujourd'hui un Radiohead, comme dans le passé je prenais mon pied en écoutant les Beatles ou Bowie. C'est un bon moment, mais ce n'est pas ce que j'estime le plus important… "

A l'issue de leur set accordé à Bruxelles, le groupe devait encore se produire à Paris et à Amsterdam. Puis, en attendant de repartir en tournée à l'issue de la sortie de leur nouvel album, tous les musiciens rentraient chez eux. Et Blaine, pour y jouer dans une pièce de théâtre…

 

 

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