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Le Robin des Bois de la pop... Spécial

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On ne peut pas dire que Green Gartside soit un artiste prolifique. En près de trente ans de carrière, il n'a commis qu'un petite vingtaine de singles, quelques Eps et 5 albums  Soit un elpee tous les cinq ou six ans. Son précédent opus, "Anomie & Bonhomie", remonte d'ailleurs à 1999. Il y a bien  eu la sortie d'"Early" l'an dernier, mais il s'agissait d'un compile consacrée aux premiers singles de Scritti Politti. Faut dire que Green connaît des petits problèmes de santé depuis 1980. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il ne se produisait plus sur scène. Mais apparemment, il a retrouvé la forme, puisqu'il a enregistré un nouvel album (« White bread Black beer), vient de jouer six concerts en Angleterre et a pratiquement bouclé toutes les dates de sa prochaine tournée. En outre, après 24 ans d'infidélité, il a décidé de retourner chez Rough Trade. Une multitude de sujets qui alimenteront cette longue conversation…

Tout d'abord le come-back chez Rough Trade, qu'on pourrait assimiler à un retour aux sources. Green confirme : « Oui, c'est comme rentrer à la maison. J'ai quitté le Pays de Galles. Je suis parti aux States en 1983. Et j'ai signé pour une major qui m'a demandé de faire des talk shows. Le label payait pour passer mes disques à la radio. Mais dans mon contrat, il m'était interdit de jouer en 'live'. C'était une situation bizarre, mais surtout frustrante. Et elle finit par détruire ton âme. Tu comprends mieux pourquoi aujourd'hui je hais toute cette industrie du disque. C'est de la merde… surtout aux Etats-Unis. Et je suis donc revenu chez Rough Trade, un label dont j'ai retrouvé le même esprit qu'en 1978. Ils ont un tout petit bureau et comptent une quarantaine d'artistes dans leur catalogue. C'est fabuleux de travailler pour une telle équipe ! » Pour partir en tournée, Green a décidé d'engager des musiciens qui n'avaient jamais joué de manière professionnelle dans le passé. Ce qui méritait une explication. « C'est un choix. Je ne souhaitais pas me produire en compagnie de musiciens professionnels. J'ai enregistré mon disque seul. Je suis la seule personne à jouer dessus. Je ne suis pas un bon musicien. Pourtant, il aurait été plus facile pour moi de faire appel à des virtuoses issus de Los Angeles. Mais si j'avais embrassé cette optique, je n'aurais pas été en phase avec le choix de vie pour lequel j'ai opté aujourd'hui. Je vis à l'Est de Londres. Dans une communauté. En fait tous les gens que j'ai recrutés pour mon groupe sont issus du même pub que je fréquente. Le drummer vient d'avoir 21 ans. La bassiste est la tenancière du bar. Dans le passé elle avait un peu joué sur la guitare de son frère, mais elle n'avait jamais sévi au sein d'un véritable groupe. J'ai un jour invité toute cette équipe chez moi, et je leur ai proposé le challenge. Ils ont accepté. Le musicien le plus expérimenté est le claviériste. Il a 30 ans. Et il se débrouille plutôt bien. Il est aussi le plus efficace. C'est en quelque sorte un retour à cette mentalité entretenue par Rough Trade où les musiciens sont copains. Et s'ils ne sont pas des instrumentistes extraordinaires, leur esprit est fantastique. C'est ce que je voulais… » Mais est-il possible de prôner le DIY, lorsqu'on est perfectionniste comme Gartside ? « Tu touches là aux deux aspects de ma personnalité. D'un côté le perfectionniste et de l'autre l'autocritique. En fait, je n'ai pas beaucoup d'estime de moi-même. Je ne suis pas à l'aise dans ce que j'entreprends. J'essaie toujours d'améliorer ce que je réalise. Et je ne suis jamais totalement satisfait. Lorsque j'étais aux States, je voulais en imposer parce que j'avais un complexe d'infériorité par rapport à ces musiciens que je côtoyais. Et je n'ai pas du tout envie de mettre la pression sur les gens, aujourd'hui. Tu peux avoir l'impression que le son de mon disque soit rudimentaire, DIY. Et ce n'est pas étonnant que ces traces soient encore présentes. Il n'existe pas de problème interne pour décider de faire telle ou telle chose. Donc oui, c'est très DIY… »

'White bread Brown beer' est donc le titre du nouvel album de Scritti Politti. Traduisez du pain blanc et de la bière brune. Le message est-il symbolique ? Green confesse : « En fait, ce titre est inspiré de mon régime. Je suis devenu accro au pain blanc et à la bière brune. Là où j'habite, dans l'East End de Londres, je me rends tous les jours à la même boulangerie pour acheter mon pain blanc. Et tous les jours je me dis que je vais manger des fruits au petit déjeuner et me mettre à boire de l'eau. Mais au bout du compte, je commence toujours par manger du pain blanc le matin et finit ma journée au pub à boire de la Guinness. Et entre le pain blanc et la bière brune, j'ai enregistré ce disque. D'un autre côté, le pain blanc est également une réflexion péjorative utilisée par les musiciens noirs. Aux States, quand je proposais une idée, ils la repoussaient ; parce qu'ils ne voulaient pas de ce pain blanc qui les ramenaient à la culture anglo-saxonne. A la white pop music ! » Les chansons du dernier album sont plus lentes, plus climatiques que dans le passé. Pourquoi une telle approche atmosphérique de sa musique? "En fait, j'ai enregistré deux fois plus de chansons qu'il n'y a sur l'album. Et dans le lot, il y avait également des compos uptempo. Jeff, le boss de Rough Trade est une des rares personnes dont je respecte les conseils. J'adore les soli de guitare. Il y en avait. Mais Jeff a orienté les choix du tracklisting. Chaque fois qu'il entendait la guitare, il faisait la moue. Et les compos les plus dynamiques impliquaient de la guitare. Par conséquent… Mais cette sélection ne m'a pas dérangé… »

Green Gartside possède des goûts très éclectiques, depuis la prog au punk, en passant par le hip, hop, le trip hop, le r&b, le jazz, le reggae, l'électronique, la soul, le folk, le disco, la pop, le funk  et j'en passe. Et il apprécie aussi bien Robert Wyatt, Gang Of Four, Public Enemy, Simon & Gardfunkel, Sly Stone, Miles Davies, Kraftwerk, Michael Jackson, The Beatles, Quincy Jones ou encore Elvis Costello. Il a d'ailleurs un jour déclaré que les frontières entre les différents types de musiques étaient totalement artificielles. Explications : « Oui, je confirme mon point de vue. Toutes ces catégories sont conventionnelles. Elles ne m'intéressent pas. La création est bien plus importante que la forme. Je ne nie pas les différences stylistiques ou mélodiques, mais tous ces genres évoluent dans un même espace pop/rock. J'adore le hip hop, même si on ne le ressent pas tellement dans ma musique. J'ai chanté sur toutes les chansons du premier album de RUN-D.M.C. N'est-ce pas la plus belle preuve, non ? Le jour où je mettrais un terme à mes activités musicales, j'irais m'installer dans mon cottage au Pays de Galles. Et il ne serait pas étonnant que je m'y fasse livrer des disques en import. Dont certains de hip hop… » Gartside apprécie l'improvisation dans la musique. Il faut croire qu'il s'agit d'un héritage issu d'une période au cours de laquelle il était encore fasciné par des artistes comme Wyatt, Hatfield & The North ou encore Henry Cow. « A une certaine époque, l'improvisation avait beaucoup d'importance dans mes prestations 'live'. C'était avant que je ne rencontre des problèmes de santé. Je tournais alors en compagnie de Gang of Four, Joy Division, Echo & The Bunnymen. J'ai eu une attaque sur scène et j'ai été hospitalisé. Depuis, c'est un exercice que j'ai quelque peu délaissé. En ce qui concerne la prog, c'est une veine que je dois encore explorer. J'espère y parvenir un jour. Même à l'âge de 80 ans. En pleine déferlante punk, j'étais aux études. Et je faisais de la promo pour Henry Cow. J'avais même hébergé le groupe. Le drummer m'avait alors déclaré que le punk, c'était de la merde. Et puis, j'ai enregistré mes premiers disques. Qui étaient plutôt punk. C'était une période fantastique. On lisait énormément. On prenait des trucs… On a alors investi une centaine de £ pour sortir notre premier album. Et on avait mentionné nos coordonnées sur la pochette afin que le public puisse nous communiquer ses impressions. Il y a des gens qui sont venus jusque chez nous. Certains venaient même de France ! » Green est également très sensible au jazz. Et son approche de cette musique est tout à fait déconcertante. « Pour ma part le jazz vient d'un autre monde. Je l'ai toujours ressenti comme une musique pleine d'âme et de profondeur. A contrario la musique pop est plus futile. Ce qui ne m'empêche pas de mettre les deux styles sur le même pied. Il n'existe aucune raison valable de dire que l'un ou l'autre soit meilleur que l'autre... »

Sur le nouvel opus de Scritti Politti, quelques titres demandent quelques éclaircissements. Tout d'abord 'Snow in the sun', dont les chœurs rappellent manifestement Queen. Serait-ce un clin d'œil à l'histoire de ce groupe britannique ? « A première vue j'ai pas trop remarqué… Ah oui, effectivement ! En fait j'adore construire des harmonies vocales à partir d'un multi-pistes. Tout gosse j'adorais les Beach Boys. Et quand tu disposes d'un studio à la maison, c'est un jeu d'enfant… » Ben oui, les Beach Boys constituent une référence majeure pour Green. Suffit d'écouter les harmonies a cappella de 'Mrs. Hugues' pour s'en convaincre. « La BBC m'a consacré un reportage et m'a demandé de me rendre où je voulais. On est donc parti à New York. Je leur ai montré les clubs hip hop de 78. On a rencontré les rappers en compagnie desquels j'avais travaillé. As-tu lu 'Heroes and Vilains' ? La véritable histoire des Beach Boys. Je te conseille vivement de le lire… Dans le premier chapitre, l'auteur nous parle de la mort de Dennis Wilson. La fin de sa vie fut pour lui un véritable calvaire. Il était rongé par l'alcool et la drogue. Il habitait dans un bar à Malibu. Le type qui l'hébergeait – un certain Jay – lui offrait à boire et à manger… J'ai donc amené l'équipe qui réalisait ce film dans ce bar… Maintenant, on a beau être fan des Beach Boys, ce n'est pas une raison pour tomber dans le pastiche… » La sonorité de la guitare rencontrée tout au long de la composition 'Dr Abernathy' évoque le 'Sgt Peppers' des Beatles. Un disque considéré par Green comme un album culte ! Pas difficile d'imaginer que cette chanson adresse délibérément un clin d'œil aux Fab Four. « De toute évidence. A 7 ou 8 ans, j'étais déjà abonné au magazine 'The Enemy'. J'ai grandi au sein d'un environnement pop. Et j'étais âgé de 16 ans lorsque j'ai entendu 'Sgt Pepper's' pour la première fois. A cette époque, je vivais dans une banlieue ouvrière. De ma fenêtre, le paysage se résumait aux charbonnages et aux usines. Et j'avais apposé la pochette de cet album à la fenêtre de ma chambre pour qu'on la remarque. Dans l'espoir que quelqu'un frappe à ma porte pour me dire que lui aussi était tombé sous le charme des quatre de Liverpool ; et en particulier de ce disque… » La dernière chanson qui figure sur l'album 'White bread black beer' est également la plus contagieuse. Une compo qui pourrait être traduite en single. Mais qu'en pense notre interlocuteur ? « C'est une bonne petite chanson ; mais je ne pense pas qu'elle pourrait sortir en single. En fait, cette compo recèle des lyrics assez utopiques. Je m'explique. J'ai grandi au sein d'un environnement de gauche. Et si la maxime est passée de mode, cette chanson fait allusion à Robin des Bois. Un personnage légendaire qui pourrait un jour remplacer le Roi dans un royaume où tout serait partagé. La compo évoque la recherche de la vérité et de la justice pour tous ; même si d'un point de vue intellectuel, les idées sont passées de mode. En fait je parle ici de relativisme. Ce qui est vrai ici ne l'est pas nécessairement ailleurs. La vérité est donc contextuelle. Et s'il n'existe pas de vérité, il n'y a pas de justice. C'est quelque chose qui m'interpelle. La société d'aujourd'hui ne prône plus que l'hyper individualisme. Le concept de Robin des Bois consiste à prendre les richesses à les redistribuer. Partager les richesses du monde. Il y a un concept héroïque, derrière cette vision utopique… » Green s'inspire beaucoup des bouquins qu'il lit et des idées philosophiques qu'il défend. Il a lu Marx et Gramsci. Pas pour rien que Robert Wyatt figure parmi ses amis. Maintenant, il faut imaginer que chaque fois qu'ils se rencontrent, leurs discussions vont au bout de la nuit. « Oh oui ; et même au-delà. C'est encore un pur. Sa vision du communisme n'a jamais été altérée. Dernièrement je lui ai encore prêté deux bouquins qui traitent des ambitions du marxisme. Et lors de notre prochaine rencontre, il y aura matière à discussion… »

Paradoxal, mais Green Gartside n'écoute jamais sa propre musique. Ou très rarement. « C'est exact. Dernièrement, j'ai accordé une interview à Amsterdam. J'ai joué quatre titres de mon album en studio. Et c'est la première fois que je les entendais. Et c'est aussi une première de devoir les réécouter, car je suis forcé de les enseigner aux musiciens du nouveau groupe que je viens de monter. Mais en général, je n'écoute pas mes propres chansons… » Green possède un falsetto très particulier, qui ne correspond pas à sa personnalité. Un peu comme s'il était hanté par un autre personnage. « Ma voix est éthérée, aérienne, un peu irréelle. On me répète souvent que je ne chante pas comme je parle. Qu'on dirait que ce n'est pas ma voix. C'est peut-être aussi parce que je n'aime pas qui je suis. J'ai une perception imaginaire de mon moi… »

Merci à Vincent Devos

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