Ce n’est pas la fin pour Caesaria…

Thomas, Louis et Théo ont tissé leurs liens dès l'enfance, autant sur la pelouse du club de foot qu’autour du son. C’est la scène qui devient leur terrain de jeu favori, et ça se voit : leurs ‘live’ électrisent les corps et marquent les cerveaux au fer rouge.…

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Une petite souris dans le Corridor…

Corridor sortira son nouvel elpee, « Mimi », le 26 avril 2024. Réunissant 8 plages, il recèlera des pièces maîtresses telles que "Jump Cut", "Mon Argent" et "Mourir Demain". Il a été masterisé par Heba Kadry Mastering, à Brooklyn. Toutes les chansons de «…

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Galliano

Musique sans frontières…

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Sous l'impulsion des labels ‘Acid Jazz’ et ‘Talkin' Loud’, l'Angleterre danse actuellement au rythme de l'acid jazz. On réactualise le jazz et le funk en leur insufflant une dose de modernisme, par le biais du ‘groove’ hérité de l'acid house. Parmi ses plus beaux fleurons, aux côtés des Brand New Heavies et autres Young Disciples, figure Galliano, une formation impressionnante comprenant deux Blancs (Rob Galliano et Mick Talbot, ex-Style Council) et huit Noirs. Enfant du melting-pot multiracial londonien, Galliano, en construisant un mur sonore où s'imbriquent jazz, funk, soul, rap et reggae, démolit les barrières culturelles, effort souligné par des textes prônant la paix et le bonheur. Un exemple à suivre. Pour en parler, la choriste Valérie Etienne et le chanteur-rapper Constantine.

Galliano prend toute sa dimension sur scène, non?

V.E. : Nos chansons sont jouées différemment sur scène, elles constituent le développement logique de ce qu'on enregistre en studio. Elles sont souvent plus longues aussi. Mais c'est important d'écouter les disques auparavant, quoi qu'en dise une certaine presse.
Constantine : On peut comparer l'interprétation live de nos morceaux au développement d'un bébé qui grandit progressivement, en tâtonnant. Tout dépend aussi de la réaction du public. S'il nous procure de bonnes vibrations, on aura tendance à pousser la musique le plus loin possible. Il y a parfois un fameux décalage entre la chanson d'origine et son traitement devant un public.

Une définition pour la musique de Galliano?

V.E. : Je n'aime pas l'étiquette ‘acid-jazz’.
Constantine : Le terme ‘acid-jazz’ vient du nom d'un label, d'une part, et des journalistes, d'autre part. L'acid-jazz est avant tout une attitude qui consiste à fusionner plusieurs formes musicales. Ce processus appartient à la culture londonienne. Tu peux aller en boîte là-bas et tu verras qu'on passe aussi bien des morceaux jazz, punk ou psychédéliques. On mélange inconsciemment différentes influences. C'est une démarche naturelle, liée à notre éducation. Galliano est un produit de la ‘club culture’ londonienne actuelle.

Vous aimez Stax et Motown, je suppose ?

V E. : Oui, les deux. J'aime le son Motown et j'apprécie beaucoup des chanteurs comme Marvin Gaye.
Constantine: Mick Talbot, bien qu'il soit blanc, a toujours préféré la musique noire. Son claviériste préféré, c'est Ray Charles. Il voue aussi beaucoup d’admiration au groupe Sly and The Family Stone. Londres est un melting-pot culturel, ce que notre musique reflète parfaitement. Il n'y a aucun problème entre Noirs et Blancs. On a une attitude progressiste d’un point de vue social. La musique n'a pas de frontières, elle est libre. On forme une grande famille qui a besoin de beaucoup d'espace ; en outre, elle est plus à l'aise sur de grandes scènes. D'un point de vue musical, on joue sur notre complémentarité. On ne se marche pas sur les pieds, au propre comme au figuré. En plus, le batteur, le percussionniste et le guitariste avaient déjà joué ensemble avant de rejoindre Galliano. Ils se connaissent donc très bien, ils n'ont pas eu de mal à s'intégrer. Quant à Mick Talbot, c'est Mick Talbot : tout le monde le respecte.

Vous n'avez pas encore décroché de hit, un problème ?

V.E. : Ce n'est pas parce qu'on ne figure pas dans les hit-parades qu'on va arrêter la musique. Tant mieux si le public achète nos disques mais ce n'est pas prioritaire pour nous. On n'essaie pas de plaire à tout le monde, on joue ce qu'on ressent.

Les paroles de vos chansons véhiculent-elles un message particulier?

V.E. : Certaines condamnent la pollution, d'autres le racisme, l'injustice sociale ou l'inégalité des chances. Ce sont des thèmes qui préoccupent la jeunesse d'aujourd'hui.

Le racisme est toujours d'actualité en Angleterre?

V.E. : Il n'a pas complètement disparu, en Angleterre comme ailleurs. Heureusement, les mouvements antiracistes se multiplient un peu partout. De toute façon, le racisme naît de l'ignorance et émane essentiellement de la vieille génération, pas des gens de notre âge. Les jeunes sont plus tolérants. À cet égard, Galliano est un bel exemple de cohabitation raciale. Si on peut contribuer à l'évolution des mentalités, tant mieux ; et je suis sûre que les jeunes qui viennent au concert en sont conscients. D'autres groupes comme B.A.D. (Mick Jones) agissent comme nous. Mêler différentes cultures à travers la musique, c'est intéressant, c'est tout simplement une preuve d'intelligence. Nos concerts en Allemagne et en Suède –où le public est presque entièrement blanc– ont attiré pas de mal de monde, ça fait plaisir.

Vous sentez-vous Anglais ?

Constantine: Non! (rires).
V.E. : Britannique? Peut-être, mais je suis aussi à moitié dominicaine. Je suis une Dominicaine britannique (rires). Linford Christie a brandi le drapeau de l'Union Jack après avoir remporté le 100 mètres à Barcelone, parce qu'il défendait les couleurs de son pays, mais il ne renie pas pour autant ses origines jamaïcaines.

(Article paru dans le n°7 du magazine Mofo de novembre 1992)

Bob Mould

Sans casser de sucre sur le dos des autres…

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Il existait déjà les Sugarcubes, aujourd’hui place à Sugar ! Sugar ? C’est le nom du nouveau groupe de Bob Mould. Agé de 31 ans, c’est sans doute un des musiciens qui exercé le plus d’influence sur le rock des années 80, alors qu’il militait chez Hüsker Dü.

Ce nom n'a aucune signification particulière. C'est un mot simple, mais bizarre et très rock. On l'a choisi, parce qu'il fallait bien en dénicher un. Nous buvions du café autour d’une table. Sur laquelle il y avait du sucre. On a choisi Sugar puisqu'il existait déjà un groupe qui répondait à celui de Coffee! Mais on aurait pu en prendre un autre. Hüsker Dü, non plus. Il n'avait plus de signification. C'était stupide et ne disait plus rien à personne...

Sugar, c'est de nouveau un trio. Comme Hüsker Dü...

Même mes albums solos, on peut considérer qu'ils sont l'œuvre d'un trio! Je suppose que si j'y retourne toujours, c'est que j'y vois le format le plus approprié pour créer la musique que j'aime. J'ai accompli une tournée avec un deuxième guitariste. J'en ai essayé deux différents, tout deux d'excellents musiciens, mais ma manière d'approcher la guitare en ‘live’ m'est très personnelle. Je suis persuadé que je sonne franchement mieux quand je suis seul à en jouer! Pour dire la vérité, je crois que Bob Mould, tout seul, sonne mieux que Bob Mould avec Jimi Hendrix ou avec Buddy Holly (rires). Dans un trio, la relation entre les trois instruments est très pure. Pour Sugar, mes acolytes sont David Barbe, le bassiste, et Malcolm Travis, le batteur.

Après la séparation d'Hüsker Dü, tu avais déclaré que tu ne monterais plus jamais d'autre groupe...

(rires) Il doit y avoir quelque chose dans la bio qui raconte cette histoire, non? Tout le monde me pose la question. OK, je l'ai dit, c'est ce que je pensais, à ce moment-là.

Mais qu'est-ce qui a vraiment motivé la formation de Sugar, surtout après deux albums en solo?

Après Hüsker Dü, qui a été mon band pendant très longtemps, après mes albums solo, je me suis rendu compte que je n'avais pas de groupe. C'est un sentiment que j'ai ressenti, surtout après avoir tourné en solo et en acoustique, pendant 10 mois. L'idée de reformer un ensemble m'était agréable.

Tu veux dire que tu n'étais pas totalement satisfait, seul à la guitare acoustique?

Donner des concerts de cette façon-là, c'était chouette. Et je pense qu’ils étaient bons, pas traditionnels. Des shows acoustiques, mais aussi très agressifs... Mais cette formule n'aurait pas pour autant permis de réaliser un disque intéressant. Composer un album acoustique, à mon sens, prend énormément de temps. Il faut vraiment être méticuleux, utiliser une grande variété de matériel, changer la façon d’écrire. Tu es seul avec seulement ta voix et un instrument acoustique... Je suis intéressé d’enregistrer un disque acoustique dans le futur, mais je devrais écrire des chansons sur une longue période, pour réaliser quelque chose de valable dans ce créneau. Je ne peux pas m'asseoir et me dire: ‘OK, j'écris un album acoustique’. Ce n'est pas si facile que tu l’imagines...

Au lieu d’y consacrer un album entier, tu pourrais seulement y réserver l'une ou l'autre chanson de cette manière, non?

Il y a deux trucs un peu acoustiques sur le disque de Sugar, mais j'ai envie de dire que ma période acoustique est finie, à présent

Tu as quitté Virgin pour Creation.

Oui, j'ai demandé à Virgin America de me laisser partir! Je disposais d’un contrat à long terme chez eux (pour six albums, en fait). Après le 2ème disque, il est devenu évident que notre collaboration ne pouvait pas fonctionner. Il était impossible de concilier ce que je voulais faire et ce qu'eux pensaient que je devais faire. C'est surtout pour l'Europe que se situait le problème. Je suis un artiste américain, signé aux States, pour une distribution mondiale. Mais ici en Europe, les compagnies se disaient : ‘A quoi bon sortir ce disque?’ Visiblement on ne savait pas qui je suis, qui est mon public. Ce qui m'a fait perdre beaucoup de fans ici, parce qu'ils ne trouvaient pas mes albums. Par contre aux Etats-Unis, tout se passait bien ; j'ai vendu plus d'albums sous mon nom que sous celui d'Hüsker Dü!

L'Europe est donc une priorité pour toi?

Disons que dans mon esprit, c'est tout aussi important. Mais bon, j'ai eu d'autres ennuis. C'est la première fois que j'avais un manager. Il voulait que je tourne des vidéos à 18.000 $. J’estimais que c'était du gaspillage. Résultat : il allait raconter chez Virgin que je ne savais pas ce que je voulais ! Donc, je suis redevenu mon propre manager! Ce n'est pas un job difficile, il est même assez fascinant. Il faut juste quelqu'un qui réponde au téléphone pour toi, mais à part ça... Tu sais les grosses firmes de disques ne rechignent pas à dépenser de l'argent. Plus elles dépensent, plus elles ont le contrôle sur toi...

Tu as donc signé chez Creation. Tu aimes les artistes du label?

Pas tous, mais je vais parler uniquement de ceux que j'apprécie : Swervedriver, les Boo Radleys... Teenage FanClub, c'est bien aussi, mais leur premier disque était bien plus fort, bien plus fou que le deuxième.

Tu as entendu parler des problèmes entre My Bloody Valentine et Creation?

Oui, mais j'aime beaucoup les gens de Creation et j'aime beaucoup My Bloody Valentine. Alors, je ne vais pas en parler! Cela arrive à tout le monde de se disputer avec sa firme de disques...

(Article paru dans le n°6 du magasine Mofo d’octobre 1992)

 

Metallica

Nous jouons pour 20 types comme pour 20 000 !

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Metallica joue les grimpeurs! Parti d'un garage obscur en pleine jungle métallique californienne, il y a dix ans, le groupe, depuis l'illustre opus éponyme, délivré au monde civilisé l'an dernier, est arrivé tout en haut d'un building de 50 étages, avec vue sur le ciel bleu et le coffre-fort blindé. Metallica, super-groupe, association de mégastars, grosse légume au potager du heavy-metal! Pourtant, la grande gloire récente (4 millions de « Metallica » vendus, malgré la pochette d'un noir peu motivant), ne semble pas avoir altéré la tranquillité d'un groupe qui refuse obstinément de verser dans le syndrome Guns'N'Rosien, du genre ‘Allez vous faire foutre et ne me faites pas de l'ombre’... C'est mieux comme ça, non? Bassiste aux idées claires, Jason Newstead le confirme…

Notre progression a été graduelle. Pour nous, le bouche à oreille a été un élément prépondérant. Nous avons pu créer un climat de confiance vis-à-vis des gens qui nous approchaient et nous ne les avons pas déçus. Moralité: ils sont restés à nos côtés. Mieux même, ils ont incité d'autres personnes à nous écouter, qui eux aussi sont restés, etc., etc. Metallica est un groupe sûr et abordable. Nous ne crachons pas sur les gens, parce que nous ne nous sentons pas différents d'eux et apprécient cette attitude ! Je reconnais, aussi, que nous avons pu bénéficier, pour enregistrer l'album, d'un producteur qui a réalisé un travail magique. Bob Rock a idéalement cerné le vrai Metallica et l'a rendu plus authentique. Le son de cet album est le meilleur que nous n’ayons jamais eu.

Vous êtes, depuis plus d'un an, extrêmement présents médiatiquement et MTV vous a bien soutenus...

C'est venu naturellement. Nous n'avons pas envoyé de fleurs aux responsables des programmes de MTV. Ils ont réagi sous la pression du public, je pense. Nous jouons pour nous et pour nos fans, pas pour MTV.

Tu regardes souvent MTV?

Pas plus de cinq minutes par semaine. Cela me fait trop chier. Je me demande toujours comment on peut être assez con que pour aller brailler « Cherry Pie », d’un air convaincu et en montrant sa tronche à tout le monde (visiblement, Jason n'est pas inscrit au fan-club de Warrant). MTV a imposé des règles à pas mal d'artistes qui feraient n'importe quoi pour se faire voir et vendre des disques. C’est indécent.

Est-ce que votre public vous impose des idées ; son comportement influence-t-il vos choix?

Non, pas en ce qui concerne les décisions capitales. Nous avons toujours écrit et joué la musique que nous avons voulu faire et personne ne modifiera jamais cette philosophie. J'estime même primordial qu'il en soit ainsi.

Et lorsque certaines personnes te disent que Metallica les a déçus parce que vous avez ralenti la cadence et vendu votre âme au dieu dollars, que réponds-tu ?

Que c'est leur droit de ne pas nous suivre, mais qu'elles n'ont rien compris au groupe. Elles doivent se rendre compte que nous voulons évoluer, nous bonifier. Ce qui implique inévitablement certaines évolutions, certaines remises en question. Nous ne voulons pas jouer les mêmes trucs pendants dix ans. Et qu’elles sachent qu’on peut toujours jouer plus vite et plus fort que n'importe quel autre groupe mais que ce n’est pas essentiel. C’est la réponse que je leur adresse.

Plus on a de fans, plus on est attentif à ne pas être sous leur emprise. D’accord ?

Même pas. Pour nous, c’est naturel. Nous n'avons pas besoin de frein à main. Notre réflexe d'auto-défense est actionné automatiquement, car nous sommes honnêtes et sincères. Nous ne nous posons jamais ce genre de questions. Nous jouons pour 20 types comme pour 20 000 !

A propos, vous qui avez connu les bars enfumés, les scènes de trois mètres sur quatre et une assistance composée de trente kids dont quinze bourrés, êtes-vous à l'aise dans les stades?

Pas de problème majeur. Le truc, c'est de jouer pour le type qui te fixe dans les yeux du premier rang, exactement de la même façon que pour le gars qui se trouve à 80 mètres et regarde le show sur les écrans. Si tu t’investis autant pour ce gars-là que pour tous les autres, tu ne rencontreras pas de problème. Perso, j'ai remarqué qu'un stade peut aussi bien se lever pour chanter avec toi que le public d'un petit club. Mais quand ils sont 50 000 à gueuler, quel pied!

Vous tournez actuellement en compagnie de Guns'N Roses aux USA. Tu comprends leur attitude ? Les concerts annulés ou débutés avec deux heures de retard, sans oublier le reste. Tu acceptes?

Non, j’estime cette attitude non-professionnelle, enfantine et injurieuse à l’égard du public. La nôtre est aux antipodes. Nous n'annulerons jamais le moindre concert, à moins qu'un des membres du groupe ne tombe mort ou qu'un accident nous empêche de rejoindre la ville suivante. Quatre jours après ses brûlures –et crois-moi elles sont sérieuses– James, notre guitariste, voulait remonter sur scène! »

Comment va-t-il?

Très bien. Son état de santé s’améliore de jour en jour. On lui a déjà enlevé quelques bandages et il recommence doucement à jouer. Il s’est réservé les parties de guitare de « Enter Sandman », lors des deux derniers shows. Il récupérera toutes ses facultés, mais il a eu chaud, au propre comme au figuré...

Au sein de Metallica, tu utilises assez peu tes capacités de compositeur de chansons. Ce sont pourtant ces compétences qui t'ont pourtant valu d'être engagé par le groupe. Ne comptes-tu pas les utiliser en externe, pour réaliser un disque solo, par exemple?

Pas pour un album solo, mais je participe activement à la vie de deux autres groupes. Pour l'un de ceux-ci, on sortira sans doute un album dans pas trop longtemps –dès que j'aurai le temps de l'enregistrer, en fait– mais ce sera le disque d'un groupe et pas un ‘Jason Newstead solo album’.

Quels sont les projets de la formation, à moyen terme?

Et bien, il nous reste huit mois de tournée et puis nous prendrons du repos, avant d'enregistrer un nouvel album. Mais il ne paraîtra rien avant fin 93, au plus tôt. Entre temps, il est pratiquement certain que nous sortirons un ‘live’, pour marquer l'événement.

(Article paru dans le n° 6 du magazine Mofo d’octobre1992)

 

The Kitchens of Distinction

La plupart des chanteurs anglais sont ennuyeux…

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‘C'est vraiment passionnant, tout ce qui se passe pour l’instant, en Angleterre. Parce que tout le monde a l'air fatigué! Pour le moment, les grands groupes de guitares sont aux Etats-Unis : Nirvana, Pavement… On a complètement oublié les Ride, les Lush. Ils ne sont pas bons, de toute façon, ce ne sont que des hypes. Nous, on continue à faire ce qu'on veut faire. Et si, soudain, des gens commencent à s'y intéresser, tant mieux, mais on s'en fout! J'ai du mal à percevoir ce qui se passe vraiment. Je ne pense quand même pas que les gens vont changer leur état d'esprit au point de se dire que les Kitchens sont ce qu'il y a de mieux au monde. On a un certain nombre de fans hardcore qui nous suivent dans tout ce qu'on fait et si ce nombre augmente, c'est bien.’

Patrick, le chanteur/bassiste des Kitchens of Distinction –dont le nouvel album, « The Death Of Cool », vient de sortir– explique la situation particulière du rock indépendant en Grande-Bretagne. Normal pour un groupe anglais qui recueille son succès aux Etats-Unis!

Il n’existe qu'une station de radio qui passe du rock indé. Et seulement après 19 heures. C'est la BBC 1 et c'est grâce à John Peel. Mais il n'est présent que deux soirs par semaine. Donc, les auditeurs n'ont pas beaucoup d'occasions d'écouter cette musique. Par conséquent, ils n'y pensent même pas. Quand ils entendent notre nom, ils font la grimace. Mais aux Etats-Unis où on passe beaucoup notre musique à la radio, on vend pas mal de disques. Nous y sommes très populaires, à notre niveau, c'est-à-dire celui des ‘collège radios’. Bien plus qu'en Angleterre! Je ne sais pas quelle sera la suite, maintenant, aux U.S.A. car, entre-temps, le phénomène Nirvana a débarqué. Et les attitudes du public ainsi que de l'industrie du disque vis-à-vis de la musique ont changé. Tout comme celles de ceux qui achètent des disques.

Il est difficile, à la seule écoute de votre musique, de déterminer si vous êtes anglais ou américains. Notamment, à cause de ta manière de chanter qui est très différente des groupes insulaires habituels.

En fait, c’est parce que lorsque j'écoute un disque, j’accorde de l’attention au chanteur. J'aime les artistes qui savent chanter. Je ne chante pas très bien mais j'aime chanter. La plupart des chanteurs anglais sont ennuyeux. J'aime écouter des textes, j'aime entendre de bons textes et j'aime entendre un bon chanteur. Et si c'est démodé, je m'en fous.

Quels sont, pour toi, les grands chanteurs ?

Ian McCulloch, Julian Cope, même Jim Morrison... Patti Smith, grande chanteuse, elle parvient à faire passer une telle émotion. Et puis on arrive aux ‘vrais’ chanteurs: Ella Fitzgerald, Aretha Franklin, Billie Holliday.

Je ne peux m'empêcher de penser à Michael Stipe, de R.E.M., aussi.

(Il imite la manière de chanter de Michael Stipe). Si tu écoutes R.E.M. sur leur premier disque et ensuite, leur dernier, et que tu les mets l'un à côté de l'autre, manifestement sa voix a complètement changé... Et c'est très bien! Maintenant, il sait chanter. Parce qu'en huit ans, il a gagné de la confiance. Peut-être qu'après 8 ans, moi aussi je serai capable de chanter.

Dans le clip de « Drive That Fast » vous semblez tous tourner autour d'un axe invisible. Il correspond bien à la musique et me rappelle certains clips tournés par Siouxsie & The Banshees, notamment pour « Spellbound » et « Wheels On Fire ».

C’est inhérent à la rythmique. Tu tu tu tu tu, tu tu tu tu tu... Et quand tu l'as en stéréo via les haut-parleurs, tu obtiens cet effet circulaire qui permet d'emplir toute la pièce. Julian (le guitariste), s'il avait été là, te l'aurait très bien expliqué. Il faut dire que quand on voit ses doigts sur l'instrument et qu'on entend les sons qui en sortent, c'est incroyable. Je ne comprends pas comment il fait. C'est un garçon intelligent.

Les clips dont les images expriment la musique sont plutôt rares.

MTV veut des clips où le groupe joue live, au cours desquels le public hurle et des machines font du vent. C'est nul, horrible. C'est pourquoi on essaie de créer quelque chose de différent. Et ils nous rétorquent : ‘Non, on ne le passe pas. Il n'y a pas de jolies filles sexy dedans’. En Amérique, MTV ne diffuse que du heavy-rock. Les guitaristes y affichent des poses grotesques, alors que le chanteur est poursuivi par des filles. Alors, on ne veut pas reproduire les mêmes clichés. Jamais. Et c'est difficile. On essaie d'exprimer la musique visuellement. Julian, tout ce qu'il voudrait, lui, c'est mettre en son des nuages, des étoiles, la lune. Rien que la nature. Mais tu n’es pas libre de choisir. Tu dois apparaître dans le clip. Ce qui ne permet guère de créativité. Car, si tu passes six semaines sur un album, tu ne consacres qu'une demi-journée à un clip. C'est un medium formidable, mais on ne nous laisse pas l'occasion de l'exploiter. J'aimerais aussi réaliser un clip en ne me servant que des couleurs qui exprimeraient la musique mais, une fois encore, ce n'est pas possible. Les New Order peuvent se le permettre, parce qu'ils sont énormes et qu'on passera toujours leurs clips ; ou maintenant R.E.M., car c'est R.E.M. Mais à notre niveau, on ne peut pas faire ça. Les Replacements, qui détestent les clips, en ont fait un, où ils filment un haut-parleur dont ils ont enlevé la protection et on le voit bouger au son de la musique. Mais c'est très rare. House Of Love a également osé innover pour « Destroy The Heart ». C'est très lent ; on les voit jouer une chanson totalement différente. Mais sinon, quel est l'intérêt de voir le groupe?

Finalement, la vague acid house, techno aurait pu connaître davantage de débouchés car, la plupart du temps, il n'y avait pas vraiment de figure marquante.

The Orb a réalisé de grandes choses du style. Quand ils sont passés à Top Of The Pops, les deux membres du groupe jouaient aux échecs. C'est tout ce qu'ils faisaient. Ils avaient derrière eux une projection et c'est tout. On aimerait pouvoir faire ça. Mais, concernant le mouvement dans notre musique, il y avait une vague sur la pochette de notre album précédent et elle résume bien ce qu'on veut faire. C'est l'idée du flux et du reflux, de manière constante. Un mouvement circulaire, des mathématiques. Mais ça ne fonctionne pas toujours. Jouer, c'est comme atterrir dans un cercle... je ne peux pas l'expliquer, c'est tellement étrange. On a affaire à des effets circulaires et c'est assez excitant.

Est-il facile d'arrêter un morceau? On ne peut pas arrêter une vague ?

La chanson « Mad As Snow » (sans doute la meilleure de l'album), au départ, durait 15 minutes et on se disait que personne n'allait jamais l'écouter. Alors on l'a réduite à 8 minutes. Mais toujours elle veut continuer. Nous, on pourrait ne jamais cesser de la jouer. C'est comme aller dans un autre monde, vivre une sensation extraordinaire. Live, c'est formidable car on peut la terminer quand on veut. On aimerait, un jour, ne jouer qu'une seule chanson lors d’un concert. On commencerait le morceau et on déciderait de ne pas l'arrêter. Un jour, pendant un rappel, on a interprété une compo pendant 30 minutes, c'était fantastique. On était perdus dans son rythme. C'est le batteur qui a mis un terme au morceau. Il a interrompu son drumming nous signifiant ainsi que la chanson était terminée. Sinon, un bon concert, pour moi, doit alterner les rythmes, lents et rapides, revisiter tout le spectre des émotions, en 45 minutes. Mercury Rev semble y parvenir. Un jour, peut-être, quand on aura accompli de gros progrès, on pourra peut-être interpréter un seul morceau, sans susciter l’ennui. Mais on n'est pas encore prêts pour ça...

(Article paru dans le n°5 du Magazine Mofo de septembre 1992)

 

Throwing Muses

C’est comme si une chanson était quelqu’un

Écrit par

Kristin Hersh et David Nareizo sont les derniers membres des Throwing Muses. Tanya Donelly la lead-guitariste, les a en effet quittés. Résultat : le groupe est réduit à un duo (chanteuse/batteur). Ce qui ne l’a pas empêché de sortir un nouvel album : le bizarroïde, lancinant et superbe « Red Heaven ». Rencontre avec une rouquine, frimousse et look Bécassine, et un personnage timide, myope aussi, retranché derrière des lunettes d'étudiant en médecine tout droit sorti d'une université américaine.

Pourquoi ce titre « Red Heaven» ?

D : Parce qu'on estime que c'est un bon titre!
K : Il n'a pas de signification particulière, il reflète bien l'ensemble des chansons figurant sur le disque.

Aucun rapport avec le départ de Tanya Donelly ?

D : Non, mais rien ne t'empêche de le croire, si tu veux...

Ce départ a-t-il exercé une influence sur la façon de composer la musique, d'écrire les paroles?

D : Kristin et Tanya écrivaient séparément. Les chansons de Kristin ont toujours constitué 80% de nos albums. Ces 80% sont restés intacts, le processus est le même. On est un duo (enfin un trio) à présent. C’est vrai que nous sonnons aujourd’hui un peu différemment, parce qu'il n'y a plus vraiment de lead guitar. Et quand il y en a, nous essayons de ramener cette partie au strict minimum ou de l'incorporer dans les partitions de la guitare rythmique.

Existe-t-il un lien logique entre cet album et le précédent (« The Real Ramona ») ?

D : Probablement, mais on ne s'est pas dit: ‘OK, maintenant on va faire ce type d'album!’ C'est venu naturellement. Nous n'avons jamais essayé de savoir s'il y aurait un lien ou pas avec le précédent.

Peut-on parler de lien inconscient?

D : Oui, ce sont toujours les chansons de Kristin. Un an s'est écoulé, et donc il y a eu, de toute évidence, une sorte de progression ou de réaction par rapport au passé.

Tu veux dire que ce sont toujours les chansons de Kristin, mais qu'elle est plus âgée?

D : Pas plus âgée, plus mature! (rires)

Est-ce que les mots ont de l'importance à tes yeux, Kristin?

K : Ils sont importants, mais pas au sens intellectuel. C'est leur côté viscéral qui m'intéresse, la fibre affective qu'ils font vibrer en toi, plus que leur sens littéral.

Quels sont les sujets qui inspirent tes chansons?

K : C'est seulement plus tard, après les avoir écrites que je me rends compte de leur véritable signification. Pour moi, écrire une chanson, c'est comme rencontrer une personne : la découvrir prend du temps, des années parfois. Mes chansons m'impressionnent continuellement, j'en apprends sur elles un peu plus chaque jour. Oui, c'est comme si une chanson était quelqu'un!

La façon dont vous écrivez vos chansons est vraiment particulière, fort éloignée des canons couplet/refrain/couplet... Que processus adoptez vous pour les écrire ?

K : On ne savait pas comment imiter les autres (puisque apparemment, ils font tous de la même façon). On parle le langage qui nous vient naturellement à l'esprit. Et puis, tout le monde nous dit: ‘Comment faites-vous? Vous êtes fous !’ C'est une réaction qui nous plaît: à partir de ce moment-là, nous savons que nous sommes dans le bon, que le résultat est valable, car il n’imite pas les autres.
D : Aussi longtemps que la structure d'une chanson vient spontanément, la place du refrain n'a aucune importance. Parfois, le morceau n'a que peu de dynamique, mais c'est très excitant : on élabore des constructions mélodiques hors-normes. Les chansons standard dont tu parlais tantôt me semblent creuses. Enfin, parfois, parce que de temps en temps, j'aime aussi savoir ce que je vais entendre! Mais, mes préférences vont quand même vers des musiques qui sont inattendues, qui m'apportent ce que je n'attends pas.

Des musiques qui ne sont pas conventionnelles?

D : Oui, mais pas intentionnellement. Un peu comme Roy Orbison : si tu écoutes ses chansons et que tu les compares à d'autres de la même époque, tu te rends compte qu'elles sont bizarres, mais elles ont leur propre logique et sont très significatives.
K : Elles sont organiques, elles viennent des tripes... Quand on écoute la radio aujourd'hui, on n'arrive pas à se souvenir de ce qui est passé : ça rentre par une oreille et ça ressort par l'autre.
D : C'est difficile d'imposer le type de chansons que nous aimons aux producteurs et aux ingénieurs qui ont l'habitude de traiter une chanson comportant un ‘sommet’ dans le refrain. Ils disent: ‘Ca démarre bien, mais là, tu aurais dû faire ceci ou cela’. Ils ne comprennent pas que c'est parce qu'elles ne démarrent jamais qu'on aime nos chansons.

Pourquoi avoir choisi un label anglais plutôt qu’américain?

D : Parce qu'ils nous offraient un meilleur contrat. On cherchait une firme de disques, on leur a proposé nos démos qu'ils ont adorées. Comme on s'entend bien, nous restons chez eux. Mais au départ, nous aurions préféré un label américain.

Pourquoi ?

D : Parce qu'initialement, on s'était dit: ‘On monte un groupe et on tourne aux States’. Jouer à l'étranger et y vendre des disques, c'était à nos yeux, seulement accessible aux artistes archi-connus.
K: C'est vrai que du point de vue ‘marketing’, ce n'était pas une bonne décision de choisir un label anglais pour faire sa place sur le marché US. Nos disques se retrouvent systématiquement dans le bac ‘import’ chez les disquaires et coûtent forcément plus cher. Mais on a d’excellents rapports avec 4AD: c'est le plus important!

Pourquoi avoir choisi Bob Mould (ex-Hüsker Dü, aujourd'hui chez Sugar) pour former un duo, lors de la chanson intitulée « Dio » ?

K : Il possède une voix très reconnaissable. J'aimais l'écouter quand j'étais adolescente. Il a bien voulu participer. Voilà!

On ne voit jamais de vidéo des Muses sur MTV...

K : Ils ne les programment pas ou alors au milieu de la nuit sur ‘MTV USA’ dans une émission de ‘musique alternative’.

Est-ce que le succès des Pixies vous fait rêver ?

K : On ne savait pas qu'ils avaient du succès! (rires) Non sérieusement, j'ai entendu qu'ils avaient pas mal de succès, ici. Aux Etats-Unis, ils récoltent le même succès d'estime que nous. De toute façon, on ne se plaindrait pas si on vendait un peu plus de disques. Mais je crois qu'il est plus sain pour nous d'être concentrés sur notre travail et de pas se laisser distraire par autre chose. C’est peut-être une formule ‘cliché’, mais quand tu enregistres un bon disque, c'est ce qui importe, le reste s'efface, pour autant que tu croies à ce que tu fais. Je sais que notre disque est bon et qu'il nous survivra.

De quel autre groupe de rock vous sentez-vous proches?

D : Je n'ai pas l'impression d’appartenir à la scène musicale rock. Aucun, à mon avis.

Il vous arrive d'écouter d'autres groupes?

D : Quand je suis chez moi, j'avoue que je ne m'intéresse pas à ce qui se passe! Mais quand tu es en studio ou quand tu pars en tournée, tu es quasi obligé de t'y intéresser. Constamment des gens te disent: ‘Quoi? Tu ne connais pas ça ? Tiens, je te file une cassette!’ Je crois qu'il n'existe qu'une poignée de groupes qui comptent vraiment...

Qui?

D : J'adore le Velvet Underground, j'aime les Pixies, les Sundays, X, les Violent Femmes... Ca fait une poignée, non?

Dernière question: pourquoi Tanya a-t-elle quitté le groupe?

D : Le groupe s'est séparé au moment où elle a décidé de continuer sa propre carrière. Kristin et moi avons décidé de recommencer ensemble. C'est très plaisant.

Mais vous êtes restés en bons termes?

En chœur : Oui, bien sûr!

(Article paru dans le n°5 de septembre 1992 du Magazine Mofo)

Motörhead

Je module ma belle voix…

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Bonheur ! Joie! Allégresse! Motörhead vient de sortir un nouvel album (« March Or Die », chez Sony), on va donc voir sous peu la grande carcasse imbibée de Lemmy pointer du nez et des chicots sur le Vieux Continent. Celui-là même qu'il a abandonné pour se réfugier à Los Angeles, il y a deux ans. Coup de fil au Néo-Américain. Révélation! Scoop ! Lemmy est amoureux de Slash ! On blague, of course, mais, quoi qu'il en soit, Lemmy n'arrête pas de parler de lui. Slash joue sur deux titres du dernier opus de Motörhead (« I Ain't No Nice Guy » et « You Better Run ») et Lem en est vachement fier. Il s’explique lors de l’interview…

Slash joue sur deux titres de notre album, tu le sais? Que penses-tu de sa prestation?

Je pense qu’il est très efficace, comme toujours ; ce qui ne m’empêchera pas de le trouver décevant, comme mec…

Hein! Pourquoi?

Je déteste la façon dont les Guns'N Roses, donc lui, se moquent de leurs fans. Ils annulent des concerts à la dernière minute quand ça leur chante, bâclent des shows, les débutent en retard. Ils se foutent du monde!

C'est pas Slash ça, man, c'est Axl ! Il a beaucoup de problème, Axl. Mais il faut lui pardonner. Ces types viennent de nulle part et on fait d'eux les maîtres du monde. Faut comprendre la pression ! Slash n’est pas comme ça. Il est cool. J'voudrais pas, par contre, être dans les pompes d'Axl. Je préfère mes vieilles bottes...

A propos de sentiments personnels, tu te plais à L.A. ? Tu vas voir les filles sur les plages?

Tu sais bien que je me fous des filles et du sexe, non? Yark ! J'vais les voir mais j'sais pas si elles me trouvent beau.

Ce sont elles qui t'inspirent pour tes ballades? Tu deviens romantique? Tu sers des ballades tout le temps !

Déconnes pas, j'en ai écrit trois en dix-sept ans!

Oui, mais trois qui figurent sur les deux derniers albums en date de Motörhead...

J'aime toutes les bonnes chansons et peu importe les genres (NDR : vous serez étonnés d’apprendre que Lemmy est fan d'ABBA et des Everly Brothers). J’aurais pu y mettre aussi une version acoustique d’« Eleonor Rigby»...

Motörhead ralentit un peu le tempo. « March Or Die » est même relativement pauvre en titres heavy vraiment rapides (« Stand » et « Name In Vain» sont pratiquement les seuls). Tu ne t’amuses plus autant des riffs qui tuent et des rythmiques qui mitraillent?

Tu ne peux pas faire la même chose tout le temps. Ce qu'on fait maintenant est mieux. Il est possible que « March Or Die » soit notre meilleur album. Je ne sais pas trop bien juger... Motörhead est meilleur qu'avant. Tout dans le groupe est meilleur. Je chante mieux, non?

Tu gueules moins!

Je savais déjà chanter avant! Je module plus ma belle voix, c'est tout! Yark !

A l’instar d’« Orgasmatron » et « 1916 », « March Or Die » se termine par un titre lent...

J'aime bien ces chansons. Faut lire les textes. « 1916 » est une chanson tragique. « March Or Die » stigmatise la connerie inégalable des hommes. On s'entretue sans arrêt, on laisse des gosses crever de faim mais on envoie des sondes spatiales prendre des photos de Mars à coups de milliards de dollars. Conneries!

Tu as vécu les événements de los Angeles en voisin?

Yeah. Faut pas en vouloir aux noirs. Ils ont voulu s'offrir la justice qu'on leur a refusée. Toute cette histoire est immonde. On a vu sur les films vidéo ces flics tabasser ce pauvre mec et après, aux juges, ces pourris ont osé prétendre qu'ils n'avaient rien fait. Les noirs en ont marre. Je les comprends.

Pourquoi Philthy est-il parti, à nouveau?

Ham... Il fait partie de ma famille, hein, je préfère pas trop parler de cette histoire, ok ? Il y a eu des différences d'opinion sur certains sujets. C'était mieux ainsi.

Sur la pochette de l'album, Mikkey Dee (le batteur) est présenté comme un invité... C'est lui le batteur de Motörhead, quand même?

Ecoutes, tu crois pas que j'aurais amené ce fils de p... à des sessions photos qui coûtent la peau des fesses, si je comptais pas le garder! On l'aime bien. Il reste.

Tu aimes bien Peter Solley, aussi, c'est encore lui qui a produit l'album...

On le garde parce qu'en plus de produire, il joue des claviers. On doit pas payer un claviériste, tu vois. A part ça, il a de bonnes idées. On le laisse faire.

Motörhead tournera en Europe bientôt?

En octobre. On va d'abord casser les c... des Ricains.

(Article paru dans le n°5 du magazine Mofo de septembre 1992)   

Extreme

Le plus beau jour de notre vie…

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A peu près 154 fois au cours de cette interview, Pat, le bassiste d’Extreme, un tatoué à la gueule d’ange nous répètera ‘You know’ ! Ce qui ne doit pas être loin d’un record. Le groupe hard de Boston qui nous a rendu visite au Torhout/Werchter, va publier un nouvel album qui inclut un morceau long de 20 minutes. Aux abris?

Est-ce que le succès planétaire de « More Than Words » a eu une répercussion négative sur votre réputation de groupe de scène ?

Non, parce que ce genre de ballades appartient à notre univers musical. Certains s'imaginent peut-être que nous ne sommes qu'un groupe acoustique, d'autres de hard. Ces deux tendances se combinent pour former le concept Extreme.

Quelles sont tes impressions après votre passage au Freddy Mercury Tribute ?

C'était le plus beau jour de notre vie! Si on m'avait dit qu'un jour, on jouerait avec les mecs de Queen –dont on est de grands fans– on ne l'aurait pas cru. C’était d’autant plus impressionnant que c'était à l'occasion de la mort de Freddy et qu'il fallait faire prendre conscience aux gens des dangers du SIDA. C'était donc à la fois émouvant et excitant.

Est-ce que cette opportunité vous a procuré davantage de crédibilité, notamment auprès de ceux qui ne voyaient en vous que le groupe d'un seul morceau?

On a interprété des compos de Queen, et on a ainsi prouvé qu'on avait suffisamment de planches pour y parvenir. Et c'est vrai que pour des ‘jeunots’ comme nous, être intégré à l'affiche au milieu de formations telles que Metallica et Gun’N’Roses apporte un supplément de crédit. Et en plus, être regardés par 500 millions de téléspectateurs! Mais personnellement, il était également terriblement palpitant de se retrouver au milieu de toutes ces stars du hard telles que Robert Plant et Roger Daltrey qui venaient vers nous pour nous saluer, nous féliciter et nous filer leur numéro de téléphone...

Vous êtes issus de Boston, où on y recense des grands noms comme Aerosmith et Boston (of course) ainsi que d'autres bands qui militent au sein d’univers musicaux différents tels que J.Geils Band, Pixies ou Throwing Muses. Comment expliques-tu ce foisonnement (what?), dans cette ville?

Boston est une ville universitaire, il y a une scène hard, une autre alternative, mais aussi du blues, de la dance et du rap... On y rencontre des tas de styles différents qui s'influencent l'un l'autre. C'est peut-être la raison pour laquelle les groupes de Boston ont un style bien à eux.

Quelles sont vos principales influences?

D'abord, les formations de hard issues des seventies : Led Zeppelin, Aerosmith, Van Halen, Queen. Et évidemment les Beatles...

Et pas de Boston comme le J.Geils Band ou Boston ?

Aerosmith est une référence pour notre musique mais en ce qui concerne le J. Geils Band, même si on les appréciait quand on était kids, je ne crois pas que ce soit le cas. Pour Boston, on a surtout été marqués par leurs harmonies vocales. Et les Cars, qui sont aussi de Boston, pour leur sens de la mélodie.

Votre nouvel elpee va sortir en septembre...

On y retrouvera toujours cet équilibre entre chansons heavy et ballades. La finale proposera un morceau épique de 20 minutes. Ce sera une surprise pour nos fans, car nous n’avons jamais osé tenter un tel projet dans le passé. En fait, ce sera un disque à trois faces ; la première inclura les morceaux heavy, la deuxième sera plus pop et la troisième reprendra ce long morceau enregistré à l’aide d’un orchestre...

Un peu comme Deep Purple au début des années 70 ?

Ah, bon? Je ne savais pas qu'ils avaient déjà réalisé cette expérience. Mais pour ce qui est de ce projet, on a plutôt pris exemple sur les Beatles.

Comptez-vous enregistrer un concept album dans le futur?

Je suis sûr que cette idée réapparaîtra ultérieurement, mais dire quand, je n'en sais rien.

(Article paru dans le n°5 du magazine Mofo de septembre 1992)

 

 

Les Négresses Vertes

Un bordel organisé…

Originaire d'Algérie, Stéfane Mellino a aussi vécu dans le sud de la France, avant de débarquer à Paris. Il est guitariste, compositeur et parfois chanteur (« Face à la mer ») du groupe français le plus connu et apprécié en Grande-Bretagne. Entretien avec ce grand admirateur des... Gipsy Kings (‘Les gitans, Django tout ça j'adore’) et des Tueurs de la Lune de Miel (‘Des très grands, les meilleurs même, bien mieux qu'Arno’).

Votre deuxième album s'intitule « Famille nombreuse », doit-on y voir une métaphore pour parler de la planète?

On peut le concevoir ainsi ; mais c'est plutôt une métaphore pour parler du monde des Négresses Vertes. Le but premier, c'est bien sûr de donner un titre à l'ensemble des chansons qui composent l’album. On le voulait simple, facile à comprendre. ‘Famille’, même à l'étranger, on comprend !

Tu parles du monde des Négresses Vertes. Décris-moi ce monde?

C'est un monde qui évolue. Au départ il était basé sur des feelings, des émotions, des descriptions de personnages. Maintenant, on parle plus d'amour ; on aborde des thèmes différents, on élargit notre rayon d'action. C'est un monde comme tous les mondes, mais celui-là n'existe que par ses chansons. C'est un monde qu'on reconstruit chaque soir sur scène. Si on ne jouait pas, il n'existerait pas.

Tu dis que vous avez élargi votre rayon d'action. Est-ce un processus réfléchi ou s’est-il développé naturellement?

C'est une évolution dont on avait envie. Et puis, elle s'est dessinée à force de travail. On ne peut pas continuellement faire la même chose.

Vous aviez l’impression d'être arrivés à une fin?

Pas du tout. Au contraire, on n'en est qu'au commencement. Sur le premier album, on avait déjà posé les jalons de ce qu'allait devenir la suite pour les Négresses Vertes. Après, il fallait garder ou non, cette inspiration. Je crois qu'il faut la faire évoluer au travers d'une instrumentation plus approfondie, plus maitrisée, plus aboutie. C'est ça le travail ! Nous évoluons, mais dans notre style

Au travers aussi d'un métissage culturel, toujours plus marqué...

Ca, c'est nous aussi. On ne le fait pas exprès. On ne s’assoit pas et on ne dit pas : ‘Si on faisait du métissage culturel !’ La musique, elle vient spontanément ! Et les gens nous reconnaissent dans cette musique, de plus en plus. On ne nous compare presque plus jamais aux Pogues !

Même en Angleterre, où vous êtes un des rares groupes français à avoir bonne presse?

Si les Anglais nous aiment, on va pas en faire un plat, hein ? Au contraire! Ce n'est pas parce qu'ils nous aiment, nous, qu'ils ne peuvent pas aimer d'autres groupes français. On n'est pas meilleurs, parce que les Anglais nous aiment. Ils viennent nous voir parce qu'ils trouvent qu'on est plus qu'un simple groupe de rock. Il y a une dimension spectaculaire et puis, notre apport musical est ancré dans notre époque. La génération actuelle connaît le métissage! Les jeunes d'aujourd’hui qu'ils soient anglais, turcs ou congolais se retrouvent au travers de notre musique... ils viennent pour faire la fête, pour s'éclater, pas pour voir de super-instrumentistes! Attention: la musique, on la joue bien, elle est propre, nette, mais elle n'est destinée qu’à faire passer un bon moment.

Musicalement, vous êtes perfectionnistes ?

Ah oui, on est des perfectionnistes. On est onze, si on n'était pas perfectionnistes, chacun à son niveau, ce serait le bordel ! Ce qu'on fait c'est un bordel, d'accord, mais c'est un bordel organisé.

Réunir onze personnes sur scène, c'est peu fréquent. Cette situation entraine-t-elle parfois des tensions, des discussions?

Non, c'est pas trop le genre de la maison. On fait de notre mieux pour préserver l’entente entre tous les membres du groupe. On est sur la route ensemble depuis trois ou quatre ans, maintenant. Mais c'est une aventure que la plupart d'entre nous avons désiré fortement. Et même si c'est dur parfois, on est quand même bien contents d'être là où on est. On fait quelque chose qui nous dépasse un peu : on est des ‘rien du tout’ et on a la chance de jouer pratiquement dans tous les pays du monde. D'autant qu'on sait jouer de la musique, mais qu'on n'est pas vraiment musiciens. On est des autodidactes, on a appris à la force du poignet. C'est déjà tout du bénéf' pour nous, ça.

Mais à onze, il se forme tout de même des sous-groupes, non?

C'est vrai qu'il existe des sous-groupes, mais ils changent souvent! L'important, c'est que lorsqu'il faut être tous solidaires, on l'est! Qu'il y ait des petits groupes séparés, c'est plutôt bien, ça permet de respirer un peu...

C'est donc plus facile d'être un groupe à onze qu'à trois ?

C'est sans doute un peu pareil. Les problèmes sont les mêmes. Disons qu'à trois, s'il y en a un qui se tire, c'est vraiment gênant, le groupe ne peut plus survivre.

Vous écoutez les groupes français qui vont un peu dans la direction que vous empruntez ? Les VRP, La Mano...

Oui, on achète leurs disques ou on nous les file parce qu'on les connaît.

Aujourd'hui, vous sentez-vous encore proches d'eux?

Plus ou moins. Proches par le délire, par la façon d'aborder la musique. Par le résultat, pas trop non. La Mano Negra réalise aussi une sorte de métissage, mais il est différent du nôtre.  Chez nous, c'est moins muselé, moins rock, plus flamenco, rumba, rythmes chaloupés, plus hispanisant, plus méditerranéen. La Mano, c'est plus anglo-saxon, malgré la présence des trompettes. La Mano ou les Négresses partagent pourtant un point commun : tenter de donner une version de la musique qu'on aime. C'est ça qui est important.

Il y a un aspect burlesque chez les Négresses. D'accord?

Je suis d'accord : il y a un côté Buster Keaton et un autre Charlie Chaplin. Triste, mais qui fait rire. On raconte des histoires tristes, pas rigolotes, proches de la vie. Mais observé par notre œil pétillant! Mieux vaut en parler, de toute façon.

Avez-vous l’impression que votre humour est typiquement français ?

Un humour plus francophone que franco-français. Il y a un humour, très jargon/argot, proche du langage parlé, c'est notre côté parisien. « Zobi la mouche » a beau être français, tout le monde comprend, même en Algérie, pas vraiment un pays francophone. Il suffit de trouver les mots pour communiquer avec les gens. Il ne sert à rien de faire des grandes phrases, quand on a trois mots qui sont bien sentis.

Tu peux imaginer que les Négresses continuent à tourner et à enregistrer des disques après l'an 2000 ?

J'espère bien. En l'an 2000, j'aurai 40 ans, je serai un homme mûr. Je ferai toujours de la musique, peut-être chez les Négresses ou tout seul. Je crois que la plupart d’entre nous enregistreront des albums en solo. Bien sûr on va tenter de préserver notre groupe le plus longtemps possible, parce que ce projet nous intéresse et est aussi ce qui nous fait vivre en premier lieu.

Tu évoques la possibilité d'enregistrer un disque en solo. Tu pourrais le réaliser en restant dans les Négresses ?

Je ne sais pas... Ce n'est pas mon seul projet : j'aimerais bien faire du cinéma, des musiques de films. Ca me plairait bien de tourner un film en compagnie des Négresses, où on soit les acteurs. Pourquoi les musiciens dans un coin et les cinéastes dans l'autre?

A ce propos, j'imagine que le tournage d'une vidéo doit donner des idées...

Bien sûr ! D’ailleurs on choisit les réalisateurs avec beaucoup de soin en fonction de ce qu’on a envie qu’ils nous apportent. Au départ, on a quand même une idée fort précise de ce que sera la vidéo. Comme on n’est pas trop cons et que les réalisateurs non plus, on arrive à faire exactement ce qu’on désire.

Vous ne vous sentez pas capables de le concrétiser vous-mêmes ?

On ne peut pas tout faire ! On imagine déjà le scenario, l’histoire. On ne peut pas être devant, derrière et au milieu. On fait déjà beaucoup : on produit nos vidéos, nos disques. Là, on va tourner une vidéo avec Nakano. On va lui expliquer ce qu’on veut : pas de décor, pas de figurants, faire des incrustations, etc. Ce qui ne l’empêchera pas de marquer le film de son empreinte : il a une vision ultramoderne de filmer. Ca cadre bien avec notre côté acoustique, pas rétro, bien que perçu comme tel par les gens. Moi, comme j'aime bien entendre des remix de nos chansons –parce que justement, ce sont nos chansons, mais retravaillées par d'autres– j'aime bien aussi qu'un réalisateur vienne apporter sa petite touche à la vidéo qu'on a élaborée.

Tu connais les vidéos de Madness ?

Oui j’aime bien Madness. On est fort proche de ce groupe, peut-être. Sans doute plus que des Pogues ! Les Pogues ont un côté folklo, comme nous. Mais les Négresses, c'est pas seulement folklo. Ce côté-là, il explose.

Tu as rencontré Shane MacGowan ?

Il est sympa, mais je te jure, il est explosé, ce mec-là. J'aimerais pas être comme lui. Il a 30 ou 35 ans. Il est déjà éclaté. Evidemment, il abuse…

C'est un peu le mythe du rock n' roll, non?

Des clichés qui font mal. La rock star qui boit, qui se défonce et j’en passe, c'est un mec qui meurt, enfin qui ne meurt pas, mais qui est très atteint, très malade. Si tu n'as pas la chance d'arriver à quarante balais, c'est assez dur, tu ne crois pas? Tout ça parce que tu chantes du rock… et que tu es fragile et soumis à la tentation! Shane a du mal à se délivrer du mal. Je crois qu’il y a des choses avec lesquelles il ne faut pas jouer : l'héro et tout ça. Je ne dis pas qu'on ne peut pas fumer un petit pétard, ça ne va pas tuer un homme, mais il faut faire attention.

Et l'alcool, jamais?

Si, un petit verre de whisky. Souvent avant de monter sur scène, pour se donner de l'entrain, du courage. Pourtant, je suis sûr que j'en ai pas besoin. Cela aide un peu à faire passer le trac. Mais je boirais pas au point d'être malade. Physiquement, c'est dur quand on est malade. Déjà quand on est en bonne santé, c'est difficile, alors quand on est malade, c'est l'horreur. Je veux bien être pauvre, mais pas malade

Comment réagirais-tu si un journal à sensations rédigeait des horreurs à ton sujet?

Il faudrait voir si ce sont des mensonges... Je crois que je réagirais conformément à la loi. Je leur ferais un procès, si j'estime que c’est justifié.

Vous regardez la télé?

Oui. Les émissions intéressantes, les films, les matches de foot. J’aimerais rencontrer des joueurs de foot qui ont mon âge. Mais qui vivent dans une atmosphère vraiment très différente de la mienne...

Vous vivez dans un pays où on parle beaucoup de Le Pen...

Il a été un peu calmé par le résultat des dernières élections. Il n'a eu qu'un siège sur 900...

Vous accordez davantage confiance à Bernard Tapie?

Ah oui.

Il y a le même côté démagogue chez les deux, non?

Je préfère la démagogie de Tapie à celle de Le Pen. Celle de Le Pen conduit à la guerre mondiale. Ce n'est pas ce dont j'ai envie. Bernard Tapie, c'est de la démagogie douce, ce n'est donc pas très dangereux.

(Article paru dans le n° 4 du magazine Mofo de juin 1992)

 

Boo Radleys

Nous avons de trop gros culs pour mettre des pantalons en cuir

Fondé à Liverpool en 88, les Boo Radleys possèdent la particularité de changer de style musical suivant qu'ils enregistrent en studio ou se produisent live. Plus noisy pop que pop, malgré d'évidentes références aux Beatles, « Everythings alright together », le deuxième album, avait poussé la critique à tracer un parallèle avec la ligne de conduite de My Bloody Valentine. Mais lors de sa prestation au VK à Bruxelles, le groupe a révélé une toute autre facette de son talent : plus brut, plus rock, plus ‘noisy-rock’, le quintette échafaude un véritable mur dans la lignée des très Américains Buffalo Tom, Dinosaur Jr et Band of Susans. Martin Carr et Tim Brown nous ont expliqué les raisons profondes du dédoublement de personnalité des Boo Radleys.

Quelle est la signification du patronyme du groupe ?

Tim : C'est le héros d'un livre américain que nous avons lu à l'école. Il s'appelle Boo Radley. Le nom nous a plu. Pas à cause du personnage ou de l'histoire racontée dons le bouquin, mais parce qu'il sonnait bien à l'oreille.

Pourquoi êtes-vous devenus musiciens?

T. : Parce que la musique représentait la seule solution. Nous serions incapables de faire quelque chose d'autre, nous sommes nuls pour le reste. Au cours de notre jeunesse, lorsque nous rentrions de l'école, nous écoutions sans arrêt de la musique. En lisant des livres sur la vie des musiciens et en regardant nos idoles à la TV, nous nous sommes mis à rêver. Un rêve qui est devenu réalité. Nous souhaitons laisser des traces dans l'histoire du rock, qu'on se souvienne de Boo Radleys.

Pourtant, vous n'aimez pas les vidéos, et puis votre look...

Martin : Le look on s'en fout! C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas figurer sur un clip. Les vidéos, ce n'est pas notre tasse de thé. Nous tenons à rester authentiques. Pas question de faire semblant ou de se soumettre au play-back pour les besoins de la promo. Le clip permet sans doute d'améliorer son taux d'audience, mais il ne change rien à la valeur intrinsèque de la musique

Quelle est voire conception du succès alors?

M. : Les Beatles incarnent notre idéal. Comme il est impossible à atteindre, nous ne sommes jamais satisfaits. C'est un problème, mais il est positif, car il nous force à nous remettre constamment en question, nous empêche de devenir paresseux, de basculer dans l'autosatisfaction. Il nous incite à entretenir notre soif de connaître, notre faim d'explorer. Les Beatles, nous leur devons tout. Sans eux, nous n'aurions jamais été contaminés par le virus de la musique. C'est le plus grand groupe de tous les temps !

Pourquoi « Everything's alright forever » ? (NDR : le titre de leur dernier album).

T. : C'est ce que nous pensons en écoutant un disque. Après une journée d'école ou de boulot harassant, tu te détends en passant un bon disque, tu te sens mieux et tu oublies tes soucis. Mais ce titre peut aussi être ironique, car le monde ne tourne pas toujours très rond. L'interprétation varie en fonction de la sensibilité de chacun. Nous essayons cependant de toujours prendre les choses du bon côté, même lorsque nous sommes confrontés à des problèmes ou lorsque nous rencontrons des moments plus difficiles.

Croyez-vous être représentatif du label Creation ?

M. : Je ne pense pas qu’il existe un archétype du groupe ‘Creation’. Toutes les signatures qui figurent sur ce label possèdent leur propre style, Silverfish et Sweverdriver n'ont rien à voir avec nous par exemple.

Et puis, vous ne portez pas de pantalons en cuir !

T. : Plus maintenant. Ces vêtements collent mieux à la démarche de Primal Scream ou de Jesus & Mary Chain.  Nous avons de trop gros culs pour mettre ces trucs là !...

Estimez-vous appartenir au mouvement noisy ?

M. : Ceux qui nous connaissent mal imaginent que nous pratiquons de la ‘noisy pop’, alors que nous sommes plutôt tournés vers le ‘noisy rock’. En fait, en studio, nous essayons d'appliquer des normes plus pop, en voulant sonner comme les Byrds par exemple, alors que sur les planches nous adoptons une démarche fondamentalement rock, en prenant pour référence Metallica, par exemple, car nous adorons ce groupe. Et puis, il faut avouer qu'il est plus facile d'être rock sur scène que sur disque.

Est-ce la raison pour laquelle l'univers le votre album est proche de celui de My Bloody Valentine, alors que votre set dégage la même intensité que les groupes ‘noisy’ américains ?

M. : Tout à fait! A l'origine, nous avions avoué apprécier My Bloody Valentine. Cette confession a entraîné un rapprochement qui ne correspondait pas à la réalité. Nous aimons surtout les groupes américains. Ils exercent une influence primordiale sur notre musique,

Est-il exact que la ‘noisy’ est réservée la classe moyenne?

M. : C'est une idée reçue qui vise globalement Slowdive et Chapterhouse. Le public se trompe lorsqu'il imagine que nous ne devons pas nous battre pour réussir ; et que les instruments nous tombent du ciel. Au cours des dernières années nous avons dû loger dans des endroits merdiques. La vie est dure pour tout le monde !

Qu'est-ce que vous écoutez?

T. : Au cours de notre jeunesse, nous étions plutôt branchés sur des groupes comme Human League ou ABC. Mais aujourd'hui nous sommes surtout attirés par la musique américaine : Buffalo Tom, Dinosaur Jr, Smashing Pumpkins, Public Enemy, Mercury Rev... Nous n’en faisons cependant pas une fixation. Nous aimons également Led Zeppelin, Deep Purple. La musique de danse, le rap, le reggae, le jazz, le punk aussi. Même la musique classique, surtout lorsqu'elle libère toute sa puissance. C'est beau d'assister au concert d'un orchestre philharmonique…

A part les Beatles, vous ne causez pas beaucoup des autres artistes de Liverpool tels que Julian Cope, Echo & The Bunnymen, et d’une manière plus actuelle de Drive ?

M. : Les musiciens de Drive ne nous aiment pas. Mais c’est un bon groupe. Nous avons cependant récemment sympathisé avec Dan, leur ex-bassiste. Quand à Echo, c’était une musique beaucoup trop froide. Reste Julian. Il ne possède plus le même charisme d’antan. « Saint Julian » constitue la dernière chose valable qu’il ait réalisée.

Pour cette tournée, vous partagez la même affiche que les Pale Saints. Que pensez-vous de leur musique ?

T. : Leur nouvel album est meilleur que le précédent. Ils font preuve de beaucoup de calme. Nous sommes très différents, plutôt turbulents.

Article paru dans le n°4 du magazine Mofo de juin 1992.

(Merci à Christophe Godfroid)

My Bloody Valentine

Creation nous a flanqués à la porte!

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Héritiers perdus de la ‘punktitude’, My Bloody Valentine incarne aujourd’hui une référence pour toute la scène noisy-pop (pensez à Ride, Chapterhouse, Blur, Lush, etc.). Pourtant, ce mythe s’est développé indépendamment de leur volonté. Et paradoxalement alors que leur création prenait une nouvelle orientation. Après trois années de relative léthargie, MBV s’est décidé à sortir « Loveless », un album ‘post-néo-psychédélique’ (et le mot est faible). Un disque qui joue avec les ondes mélodiques. S’ils sont particulièrement bruyants sur scène, les musiciens utilisent beaucoup le flou artistique lors de l’épreuve de l’interview. La formation est au grand complet, mais seuls le drummer Colm Ó Cíosóig et le chanteur/guitariste Kevin Shields (NDR : ce sont aussi les membres fondateurs) répondent aux questions…

Comment est née l’aventure My Bloody Valentine ?

Colm : Tout a commencé à Dublin. La scène rock y était tellement ennuyeuse que nous avons voulu lui donner un coup de fouet. Comment ? En montant un groupe, un groupe capable de faire du bruit, beaucoup de bruit, mais du bruit mélodique. Nous avons joué un concert, puis un autre concert… mais comme cela ne marchait pas très fort, nous avons décidé d’émigrer sur le Vieux Continent. Un périple aux Pays-Bas, puis surtout en Allemagne où nous avons enregistré un mini-album. Finalement, nous sommes revenus à Londres pour nous y fixer…

Pourquoi jouez-vous si fort en concert ?

Kevin : Au cours de notre adolescence, nous recherchions les concerts de rock qui faisaient le plus de bruit. Nous en avions marre de cette musique calme, sans punch, au sein de laquelle se complaisaient des artistes atteints par le syndrome de la nonchalance. Ceux qui fréquentent les night-clubs savent combien il est excitant et juvénile de se laisser inonder sous le flot de décibels… J’ajouterai même que les groupes qui pratiquent aujourd’hui le hard-core et le heavy metal ne sont pas assez bruyants. Nous prenons notre pied en jouant fort sur scène. C’est un exutoire face à la monotonie de la vie quotidienne. Et puis, nous ne voulons pas plaire à tout le monde. Nous visons un public bien spécifique, un public qui s’éclate autant que nous.

Pensez-vous qu’il soit possible de jouer plus fort que MBV ?

K. : Oui, pourquoi pas ? Nous développons un niveau de puissance appréciable, mais il est toujours possible de le dépasser. Nous pourrions d’ailleurs en faire la preuve ce soir (NDR : Help !)

Que pensez-vous de tous ces wagons ‘noisy’ qui restent accrochés à la locomotive ‘My Bloody Valentine’ ?

K. : La presse est responsable de cette façon de mettre des étiquettes. Tous les groupes sont différents, même si nous devons admettre avoir exercé une certaine influence sur certains d’entre eux. Etait-il vraiment nécessaire de transformer l’idée de base ‘noisy’ en scène homogène ?

Vous ne croyez pas à cette scène ?

K. : Elle ne concerne que Ride, Lush et Blur. Pas pour des raisons musicales, mais parce que leurs musiciens fréquentaient les mêmes clubs londoniens. Evidemment, les journalistes n’ont pas manqué l’occasion de photographier leurs rencontres, et puis, ils se sont mis à monter en épingle un concept…

Les Pale Saints nous ont raconté qu’il existait, quelque part dans les Midlands, une grande maison où les groupes de ‘noisy’ se rencontraient pour écrire des chansons ensemble. Est-ce exact ?

K. : Non, c’est une plaisanterie.
C. : Ou une légende, peut-être…

Pensez-vous qu’il soit encore possible d’inventer de nouveaux sons dans la musique rock ?

K. : J’espère que oui, mais je ne suis pas tout à fait sûr…

Qu’est-ce que la musique psychédélique représente pour MBV ?

K. : A l’époque, les groupes psychédéliques pouvaient se permettre de décrocher un hit tout en conservant leur originalité. Peu à peu, tout s’est déglingué, et au milieu des eighties les artistes rock ont même été forcés de se prostituer au marketing ou de suivre la mode pour espérer entrer dans les charts. Heureusement, les firmes de disques se sont enfin rendu compte que la musique alternative pouvait se vendre. Elles se sont mises à encourager la création. Faut dire aussi que le public en avait marre de se faire rouler dans la farine. Et puis la ‘house’ a donné une nouvelle impulsion à la pop. D’ailleurs, ceux qui n’ont rien compris sont tombés de très haut. Et ils ne sont pas près de s’en remettre. La house a permis une régénération de la création musicale…

Vous avouez donc avoir été influencés par la house ?

K. : Absolument. C’est même une influence fondamentale, surtout pour le rôle exercé par les guitares.

Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps avant la sortie de notre nouvel album ?

K. : Nous préférons concentrer nos idées et notre énergie sur un seul album plutôt que de ressasser indéfiniment la même mixture. L’enregistrement de « Loveless » a nécessité sept semaines. C’est assez long, mais cela se justifie par les changements successifs de studio. Relativement peu onéreux, ils étaient le plus souvent de piètre qualité. Mais ce qui nous a vraiment assommés, ce sont les bobards d’Alan Mc Ghee (NDR : le boss de Creation). Il est allé raconter que nous avions exagéré les dépenses pour l’enregistrement de l’album. Il a avancé des chiffres largement exagérés. Non seulement nous avons dû bosser sur du matériel peu performant, mais cette opération n’a coûté que 14 000 £ (NDR : 21 000 €). Cette somme peut paraître importante, mais elle est dérisoire par rapport aux investissements engagés pour les autres groupes.

Vous n’étiez pas satisfaits de votre label ?

K. : Non. Creation a fait preuve d’un manque flagrant de professionnalisme. Et nous nous sommes exprimés en conséquence. Alan McGhee l’a très mal pris ; il s’est senti blessé dans son amour-propre et nous a flanqués à la porte. Pourtant, nous avons toujours beaucoup de respect pour les gens qui travaillent chez Creation. Ils sont tellement passionnés par la musique ! Mais beaucoup trop de leurs groupes se sentent frustrés parce que l’aspect promotionnel n’est pas suffisamment approfondi. Depuis notre départ, plusieurs labels nous ont proposé un contrat. Mais nous ne sommes pas pressés. Nous ferons un choix après mûre réflexion…

L’album ne serait-il pas à la hauteur de vos espérances ?

K : Il constitue une nouvelle étape dans l’évolution du groupe. Il a été produit par un DJ. Teenage Fan Club est trop vieux pour confier la finition de son travail à un DJ. Pas que ce soit mal d’être vieux jeu, mais avant de se remettre en question, sans prendre certains risques, il serait illusoire d’envisager le moindre souffle d’air frais sur la musique.

En Grande-Bretagne, les différences sociales sont particulièrement marquées. Pensez-vous que ces inégalités se reflètent à travers la musique ? Noisy d’un côté, groovy, baggy, de l’autre ?

K. : Effectivement, mais chez les ‘baggy’, cette différence n’est pas aussi marquée. Tous n’appartiennent pas à la classe ouvrière. Quoique ! Peut-être Happy Mondays. Et encore ! Le père de Bez est officier de police. Ride et Chapterhouse correspondent probablement le mieux à la ‘middle class’. Mais la plupart des groupes sont composés de musiciens issus de tous les milieux sociaux. ‘Middle class’ ou ‘working class’, qu’importe ! Encore une fois, ces étiquettes ont été fabriquées par les médias. Par exemple, nous comptons de nombreux fans à Newcastle, une cité ouvrière…

Pourtant, votre style musical attire surtout les étudiants !

K. : Non, il n’y a pas d’âge pour apprécier notre musique. Aussi bien le concept visuel que musical intéresse les jeunes de quatorze (NDR : divisez par deux) à septante-sept ans. Lors de nos concerts, vous rencontrez des teenagers, mais également des quadragénaires qui retrouvent une certaine relation avec la musique des sixties.

Comment s’est déroulé la ‘Rollercoaster’ entreprise en compagnie de Dinosaur Jr, Jesus & Mary Chain et Blur ?

K. : Il est toujours intéressant de faire une tournée avec d’autres groupes. Mais pour la ‘Rollercoaster’, nous n’avons pas recueilli les fruits de cette expérience. La demande de tickets était tellement forte que nous avons été obligés de jouer dans des arènes (NDR : des endroits comparables au Cirque Royal de Bruxelles qui permettent de concentrer 2 000 à 3000 places debout). Ce sont des salles inadaptées qui empêchent toute communication entre le groupe et le public. En Angleterre, il n’existe pas de salle appropriée au-delà de 1 000 personnes.

Si vous deviez mettre au point votre propre tournée, quels groupes choisiriez-vous ?

K. : Certainement des groupes qui s’inspirent de notre démarche. Des groupes progressifs tels que Mercury Rev, Pavement. Nous allons d’ailleurs tenté de les engager pour notre tournée américaine.

Est-ce que les problèmes socio-économiques qui rongent l’Irlande vous touchent encore ?

C. : C’est une question qui concerne tous les Irlandais, et elle me touche personnellement. J’essaie de ne pas trop y penser, parce que la politique ne m’intéresse pas. Les exactions commises par l’IRA me répugnent. Il est quand même malheureux de voir les gens mourir pour des mobiles politiques. Je pense aussi à cette foutue guerre du golfe qui n’aurait jamais dû se produire. N’est-ce pas ridicule de faire la guerre pour imposer ses opinions.

Merci à Christophe Godfroid.

Interview parue dans le n° 4 du magazine Mofo de juin 92.