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TORRES perdue dans une salle immense…

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Zara Larsson 25-02-2024
Zara Larsson 25-02-2024

Mick Harvey

Dans la peau d'un crooner...

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Vétéran de la scène pop australienne, Mick Harvey a joué chez Birthday Party, Crime and the City Solution avant de rejoindre derechef Nick Cave au sein des Bad Seeds. Producteur, requin de studio, multi-instrumentiste, compositeur de musique de film et chanteur à ses heures perdues, il vient de réaliser un album de reprises. Et pas de n'importe qui, puisqu'il a choisi d'interpréter Serge Gainsbourg. Un choix ambitieux et original qui nécessitait cependant quelques explications...

Pourquoi un album de covers consacré à Serge Gainsbourg?

En fait, il y a déjà quelques années que je caresse ce dessein, mais faute de temps, j'ai dû le repousser aux calendes grecques, à plusieurs reprises...

N'as-tu pas rencontré de grosses difficultés, en matière de droits d'auteur, pour enregistrer ces chansons?

Non, pas du tout. J'ai même été agréablement surpris de la vitesse à laquelle l'accord a été conclu. Tout s'est passé sans la moindre difficulté. Comme sur du papier à musique. Comme quoi, tout n'est pas toujours aussi difficile que l'on croit dans le monde du business. Mais il est vrai que si j'avais opté pour quelqu'un d'autre, j'aurais peut-être eu moins de chance.

Toutes les chansons travaillées en studio n'ont pas été retenues pour l'album, on suppose. Quels ont été les titres écartés, et pourquoi?

En fait, lorsque j'ai estimé disposer de suffisamment de matière première pour boucler le disque, j'ai cessé de m'intéresser aux morceaux inachevés. Ils sont d'ailleurs toujours à l'état de chantier, et je doute les achever un jour. J'ai atteint mon objectif. Et je ne suis pas du style à jouer les prolongations. Dans mon esprit, lorsqu'une expérience est réalisée, il faut pouvoir goûter le moment présent et déjà commencer à préparer l'avenir. C'est dans ma nature.

N'est-il pas paradoxal de s'intéresser à un artiste français, dont les textes sont aussi importants que la musique, lorsqu'on est australien?

En fait, au départ, ce ne sont pas les lyrics de Gainsbourg qui m'ont accroché, mais sa musique. Ou plus exactement le climat qui se dégage de sa musique. Pour les paroles, j'ai engagé une équipe de traducteurs qui a essayé de transposer le plus fidèlement possible les chansons de l'auteur. Tout en respectant l'esprit de ces chansons. Maintenant, il ne faut pas croire que je sois un admirateur du personnage. C'est son oeuvre qui m'a fasciné, pas sa conduite ni son comportement.

Pourquoi le single "I love you, nor I do " est interprété par Nick Cave et Anita Lane, alors que l'album "Intoxicated Man" est signé Mick Harvey? Est-ce que Nick et Anita ont également un petit faible pour les chansons de Gainsbourg?

Non, on ne peut pas dire que Nick et Anita soient de grands admirateurs de l'oeuvre de Gainsbourg. Simplement, ils avaient toujours rêvé d'interpréter le célèbre "Je t'aime, moi non plus" dans une version humoristique. Et je les ai aidé pour atteindre cet objectif. C'est la raison pour laquelle elle figure sur le single "The world's a girl" et pas sur l'album.

Qui a participé aux sessions d'enregistrement? Anita Lane ? Nick Cave? Les Bad Seeds? Qui d'autre?

Ni Cave, ni les Bad Seeds n'ont collaboré à l'enregistrement de l'opus. Anita chante sur quelques titres. Mais j'ai surtout reçu le concours d'une formation australienne qui répond au nom de The Cruel Sea. Elle vient d'ailleurs de sortir un album, "Three legged dog". Enfin j'ai pu compter sur le concours d'un orchestre symphonique que tu as sans doute déjà eu l'occasion d'entendre à la radio pour la chanson "Initials BB".

A propos de cette chanson sélectionnée pour un clip vidéo, j'ai lu que tu avais dû engager des tas de filles lors du tournage. Comment les avez-vous payées? (rires)

Un excellent moment, c'est vrai. Le tournage s'est déroulé à Bologne en deux jours. Mais il a fallu faire un casting pour sélectionner les filles. Si elles ont été payées? Je n'en sais rien! Elles devaient sans doute déjà être très contentes de participer... (rires).

N'as-tu jamais pensé solliciter Jane Birkin pour participer à l'une ou l'autre chanson de cet album?

Non, non. Cela aurait pu donner un excellent résultat, mais j'avais déjà demandé à Anita d'assurer les parties vocales féminines. Je n'avais donc pas besoin d'une seconde vocaliste. Il s'agit de mon album, j'estime donc qu'il était naturel que je me réserve la plus grosse partie du chant.

De nombreuses chansons de Gainsbourg ont été interprétées par des femmes. Brigitte Bardot, Jane Birkin, France Gall, Juliette Greco, Isabelle Adjani, sa propre fille, etc. On peut d'ailleurs affirmer que Gainsbourg possédait une perspective féminine de l'écriture. Or, tant le Birthday Party, Crime & the City Solution que les Bad Seeds ont toujours eu une perspective fondamentalement masculine. L'obstacle n'était-il pas trop difficile à surmonter?

Difficile, oui je l'avoue. J'ai dû personnellement prendre un certain recul par rapport à l'écriture. L'adapter en me mettant dans la peau d'un crooner. Nick rencontre aussi ce problème, même s'il parvient de mieux en mieux à maîtriser le sujet...

Il y a quelques années, tu partageais ton temps entre les Bad Seeds et Crime & the City Solution. N'était-ce pas trop pénible de jouer en même temps au sein de deux formations?

A la fin, cela devenait même impossible. Aujourd'hui, ma vie est beaucoup plus cool. Il y a les Bad Seeds et mon travail de studio. Cela me permet d'avoir encore un peu de temps libre et puis surtout de mener à terme des projets solo qui me tiennent à coeur...

 

As-tu encore des contacts avec Simon Bonney? Que devient-il? Et les autres musiciens de C & TCS?

Il y a plus d'un an que j'ai revu Simon. Il vit aujourd'hui à Los Angeles. Alexander est toujours impliqué chez Einsturzende Neubauten. Quand aux autres ils préparent leur retour sous la forme d'un nouveau groupe. Vous en entendrez bientôt parler...

Où vis-tu aujourd'hui? Et Nick? Est-il vraiment devenu un intouchable?

Je vis à Sydney. Nick à Londres. Je crois qu'il ne faut pas exagérer. Nick a toujours détesté accorder des interviews. Mais c'est un type formidable sur qui tu peux compter et qui accorde une grande importance à la cellule familiale et aux amis. Ce cercle est très restreint, c'est vrai. Mais il repose sur des liens très solides. Hors de ce contexte, il peut paraître arrogant ou détestable. Mais ce n'est pas sa vraie nature. C'est un gars très profond, ouvert au dialogue. Simplement il se protège du monde extérieur...

A quand le nouvel album des Bad Seeds?

En janvier prochain. Il est terminé. Il n'y manque plus qu'un dernier lifting...

(Version originale de l'interview parue dans le n° 37 - octobre 1995 - de Mofo)

 

Pulp

Different Class

Impossible d'aborder le renouveau de la pop insulaire sans évoquer Pulp. Et impossible d'évoquer Pulp sans aborder le renouveau de la pop insulaire. Un phénomène également revendiqué par Suede, Oasis, Blur, Menswear, Cast; et la liste s'allonge de jour en jour. Pour Pulp, l'aventure est cependant totalement différente, puisque la formation existait déjà en 1977. Mais seul Cocker a traversé, parfois laborieusement, toutes les étapes de l'histoire du groupe ; les autres musiciens du line-up actuel ne rejoignant Pulp, qu'entre 85 et 88...

"Different Class" ne constitue pourtant que le quatrième véritable elpee du quintet de Sheffield. Une œuvre qui confirme les excellentes dispositions affichées sur "His 'n hers". D'abord, il y a ce formidable single, "Common People", conte sordide sur la lutte des classes, à l'échelle du monde contemporain. Ce qui explique le titre de l'opus. Jarvis a voulu élargir son chant de vision en abordant avec ironie cruelle et amertume, les problèmes liés au chômage, au désenchantement causé par la drogue, au calvaire de la déchéance humaine. Tout le disque n'est cependant pas focalisé sur des thèmes aussi noirs, laissant une place assez conséquente à des sujets plus traditionnellement (pour ne pas dire naturellement) libidineux, davantage parodiques aussi. "Different Class" dispense ainsi douze fragments de pop synthétiquement fignolée, dramatiquement arrangée qui réalisent la parfaite fusion entre accessibilité et expérimentation. Des chansons subtilement, malicieusement, sordidement réalistes croonées par le timbre vocal impassible, lugubre, maladivement glam de Jarvis Cocker.

 

The Tea Party

Une projection dans le futur…

En août 1994, nous avions rencontré Jeff Martyn, le leader de The Tea Party. Nous l’avons une nouvelle fois interviewé à l'occasion d'un concert surprise accordé au VK. Il y était venu défendre l’enregistrement de son dernier opus, « The edges of twilight ». L'homme qui ressemble plus à Jim Morrison que Val Kilmer possède une culture générale rare ; on a donc débordé avec lui du contexte exclusivement musical pour parler littérature, philosophie, théologie, sciences occultes et phénomènes paranormaux...

Un Roy Harper imprévu

Pourquoi avoir choisi « Fire in the head » pour single et non « Walk with me »?

La durée de la chanson probablement. Plus de 7 minutes pour une même composition constituent sans doute un obstacle à ce style de disque. « Fire in the head » fait, en outre, l'objet d'un clip vidéo. Dans ces conditions il semblait normal qu'il sorte en single. Ce qui ne m'empêche pas de penser que je ne suis pas du tout favorable à ces campagnes d'intoxication publicitaire. Je n'ai jamais accepté ces compromis qui altèrent ma vision artistique…

Etait-il important de coproduire « The edges of twilight »? Pourquoi avoir choisi Ed Stasium pour assumer cette tâche?

Avoir le contrôle de son travail revêt une importance extrême. Je désire préserver la spécificité de notre son. Une vision très personnelle des objectifs à atteindre... Tu vois ce que je veux dire? Je veux aussi avoir la certitude que notre musique reste unique en son genre. Mais je ne voulais pas reproduire l'erreur commise sur « Splendor Solis »? Je me suis rendu compte que j'étais un novice dans le métier. Je n'étais pas parvenu à capter l'agressivité du son que nous sommes en mesure de libérer. C'est pourquoi nous avons recherché un producteur adapté aux formations fondamentalement rock. Ed correspondait à ce profil. Il est, en outre, ouvert au dialogue. Nous n'avons pas eu à nous en plaindre, car il est parvenu à tirer de nous le maximum sans altérer notre équilibre de base.

Sur cet album, en épilogue, figure un poème récité par le légendaire Roy Harper. Est-il venu expressément en studio pour participer aux sessions ou était-ce simplement une bande préenregistrée?

Il était bien présent lors des sessions d'enregistrement. Mais sa visite n'était pas prévue! En fait, Roy est très attentif à la vie du groupe et s'informait constamment de nos déplacements. Il paraissait en tous cas bien informé de nos déplacements, puisque lorsqu'il est arrivé à Los Angeles, il s’est rendu au studio. Il est vrai qu'il nous avait toujours promis de participer un jour ou l'autre à l'enregistrement d'un de nos albums. Mais pour celui-ci, il était seulement venu voir ce qui se passait. Inévitablement, il s'est naturellement impliqué. Attention, uniquement pour l'intro atmosphérique de « Correspondances » et puis à l'occasion de ces quelques vers récités sur cet instrumental que tu retrouves à la fin de notre album. Mais le résultat de sa participation se limite à ces deux interventions, pas davantage...

Antithèse de Pearl Jam

Est-ce que Tea Party appartient davantage au rock qu'à la pop? N'as-tu pas l'impression que le groupe rame à contre-courant de la plupart des groupes contemporains. Et je pense ici tout particulièrement à Pearl Jam?

Lorsque tu me parles de pop, je pense inévitablement à Wet Wet Wet et à tous ces groupes qui ont pris le train de la mode en marche. Je ne conteste pas leur attitude, mais plutôt l'absence d'originalité qu'elle génère. Notre musique vient du cœur. Elle n'est pas montée de toutes pièces par les magazines. Mais je n'y vois pas de raison suffisante pour y coller une étiquette. Nous jouons de la ‘world music’ plutôt que du rock, et certainement pas de la pop. Nous préférerions finalement que vous la qualifiiez de ‘Tea Party music’. Nous sommes probablement un des derniers groupes à s'intéresser à toutes les autres formes de culture. A expérimenter les sonorités ethniques pour les réinjecter dans notre musique et notre poésie. Autrefois, cette recherche était naturelle. C'est sans doute la raison pour laquelle nous sommes régulièrement comparés aux groupes des 70s. Nous ne sommes pourtant pas des nostalgiques de cette époque. Je la respecte, mais je ne m'y suis jamais identifié. Notre musique est une projection dans le futur. Nous voulons expérimenter des tas de nouvelles formes musicales, embrasser de nouvelles perspectives, permettre à notre imagination de se développer...

Faut-il en déduire que le psychédélisme de Tea Party se traduit par l'esprit constamment en expansion? Quelle est la place des drogues dans cet univers?

Eh bien... (silence)... OK... J’admets que la conscience de Tea Party est en expansion, parce que sa musique est stimulante. Depuis nos débuts, il nous a été reproché de vivre sur la défensive, de ne pas correspondre au profil imposé par la mode. Certains semblent même dérangés: nous symboliserions l'antithèse d'un Pearl Jam! Je n'en vois pas la raison. Il existe suffisamment de groupes qui leur emboîtent le pas, non? Notre attitude provoque une réaction, oblige les médias à réagir, donc à penser. Dans le domaine des drogues, j'ai connu un éventail d'expériences différentes. Elles m'ont permis d'atteindre des formes d'inspiration que je n'aurais sans doute pas pu rencontrer sans y recourir ou de pénétrer d'autres cultures indispensables à la richesse de notre musique. Mais il est difficile d'aborder ce domaine. C'est un engagement très personnel. Cependant, si ce recours m'a permis d'augmenter mes capacités de création, la drogue n'a jamais constitué le fondement de mon inspiration. Je veux rester maître de mon esprit. Ne pas devenir dépendant d'un quelconque artifice… Dans ce domaine, il faut être très prudent…

Quel a été l'impact sur toi de la philosophie prônée par Carl Gustav Jung?

J’ai été très marqué par son livre ‘Les rapports entre le moi et 1’inconscient, sur l'énergie de l'âme’. Ses études sur l'inconscient collectif m’ont permis de mieux comprendre la poésie symboliste. Elle est devenue ainsi plus effective en termes de perception et d'écriture. Plus puissante, plus efficace, plus fluide, plus compréhensible.

Y a-t-il un rapport entre la chanson d’Alex Harvey « The Boston Tea Party » et le nom du groupe ou est-ce une coïncidence?

Non rien à voir ! Tu connais les poètes beats américains Ginsberg, Burroughs et Kerouac ? Lorsque des projets artistiques deviennent collectifs, et en particulier dans le domaine de la poésie, on assiste à une Tea Party. Et je pense que lorsque trois personnes partagent les mêmes conceptions en ouvrant leur esprit, ils entrent également dans cette Tea Party...

Métempsycose

Crois-tu à la métempsycose? (NDR: transfert de l'âme d'un corps vers un autre, la réincarnation, quoi)

Absolument!

Sous quelle forme?

Le passage d'une existence vers une autre.

Sous quel aspect voudrais-tu être réincarné?

(long silence embarrassé)... Probablement une femme. Je ne sais pas réellement. Si j'avais la chance de revenir un jour dans ce monde, et je l'espère, je souhaiterai pouvoir tirer les leçons des expériences vécues dans cette vie antérieure. Retenir les fautes dont je me suis rendu coupable pour éviter de les commettre à nouveau. Si je pouvais être réincarné, j'espère que je pourrais bénéficier de cette expérience acquise...

Connais-tu Er ? (NDR: auteur latin qui traite de la métempsycose)

Qui? Euh, non. Désolé! Madame Blovatsky, bien. Elle était théosophe. Elle a vécu à la fin du XIXème siècle et ses écrits reposent souvent sur la théorie de la métempsycose. Mais je ne connais pas Er. Ni d'autres auteurs latins. Grecs, plutôt. Tels que Socrate et Pythagore. Et puis dans un domaine plus contemporain Michaël Homer, réalisateur du film « Out to states ». C'est un personnage qui s'intéresse beaucoup à

(Article paru dans le n° 35 de juillet/août 1995 du magazine Mofo)

Brendan Croker

Payé en liquide…

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Brendan Croker est un joyeux quadragénaire (il est né en 1953) qui poursuit une carrière en dehors de toute mode et de toute pression (plutôt genre country-blues dépouillé). Son dernier album (« Red neck tate of the art ») est aussi son meilleur à ce jour et aussi le plus électrique de sa carrière.

Ton premier groupe s’appelait les Five O'Clock Shadows?

En effet… oh non! Le premier, c'était Dynamite Twins. Nous étions trois. Il avait déjà été fondé, à Leeds, dans les 70s. Puis, au début des 80s, j’ai monté les 5 O'Clock Shadows.

Enfant des 60's

Que signifie ‘Ombres de 5 heures’?

Quand tu travailles et que 5 heures sonnent, ça y est, il est temps! La journée commence seulement. Alors tu pars en virée et tu bois beaucoup. Comme tu n'as pas eu le temps de te raser, il y a comme une ombre sur ton visage. C'est juste une expression. Et le 1er album du groupe était intitulé "A close shave" (rasé de près!)

Les premiers long playings que tu sors baignent dans des racines country-blues. Pourquoi?

J'étais un enfant des 60s. Ce que j'écoutais, c'étaient les Kinks, les Rolling Stones, les Beatles, des gens du style. A partir de là, spécialement les Rolling Stones, tu prends d'autres directions, c'était la grande période anglaise des pop-songs toutes simples et c'était très bon.

Sur le dernier album des 5 O’Clock Shadows, tu avais reçu le concours de Mark Knopfler, mais aussi d’Eric Clapton. Pourquoi Clapton chantait mais ne jouait pas de la guitare?

J'ai discuté avec le producteur de l'album John Porter. Nous avions besoin d'un 2ème chanteur pour "This kind of life". Il a déclaré que Clapton serait très bien. Et comme je l'ai rencontré la semaine suivante, je lui en ai parlé et il a chanté. Il n'avait pas besoin de sa guitare, il a une bonne voix, Clapton! Les gens ne se rendent pas toujours compte qu'il est un chanteur merveilleux. Hendrix aussi, était un de mes chanteurs favoris.

Ton groupe suivant, pourquoi l'as-tu appelé, Serious Offenders?

Une blague! J'avais joué en solo au festival de Gand et quelqu'un de complètement bourré m'a demandé d'aller jouer derrière les barreaux. J'ai répondu : ‘Pourquoi pas si tu l'organises?’ J'ai oublié cet épisode ; et puis, 2 ou 3 semaines plus tard, le gars me téléphone et me dit: ‘J'ai organisé une tournée des prisons’. Ma réaction? ‘Merde alors!’ J'ai recruté des musiciens, tous des Belges, des amis. Le nom de Serious Offenders (Serieux délinquants) était un choix évident.

La Belgique a de bons musiciens et de bonnes bières...

Et du bon chocolat, de la bonne mayonnaise et de la viande de cheval. Miam!

Ton petit dernier, c’est un album solo ou celui d'un groupe?

Au départ, c’était un projet solo. C'est devenu un album de groupe.

Les 5 O'Clock Shadows pratiquaient plutôt de la world music; les Serious Offenders, une musique plus européenne ; aujourd'hui tu parais assez américanisé.

Oui mais mon album "Great Indoors" l’était tout à fait. Il a été enregistré à Nashville en compagnie de musiciens locaux la production est américaine.

Où est-ce que tu joues le plus?

Dans ma tête. J’ai des tas d’idées qui y trottent. Nous n'avons pas joué depuis pas mal de temps. On a enregistré ce disque, on est allé à Nashville pour une série TV… Je joue encore parfois dans un petit club comme à mes débuts à Leeds : les gens se connaissent, aiment être ensemble et s'amusent. Quand j'ai commencé, j'avais une résidence dans un club, un bar, j'étais pas payé mais j'avais droit à mes bières. Oui, c'était bien à l'époque, on était bourré mais on jouait encore très bien. Aucune pression (il avait pourtant ses bières - MPSU), merveilleux!

On répondait folk

Quel est le public type de Brendan Croker?

Je ne peux pas le dire, de 9 à 90 ans? Je ne sais pas, aucune idée. Il existe un club à Manchester, le ‘Band on the Wall’, plutôt jazz & blues, on ne sait jamais qui va débarquer, si les gars vont venir de loin ou pas, quelles seront les tranches d'âge. Je n’ai pas de public type.

Appartiens-tu à la culture rock?

Oui bien sûr, mais aussi folk. Le rock est une extension du folk. Chez les Notting Hillbillies, on demandait souvent à Mark Knopfler, à Steve et à moi: ‘Quelle sorte de musiciens êtes-vous?’. On répondait ‘folk’ et on rigolait.

(Article paru dans le n°35 du magazine Mofo de juillet/août 1995)

 

Björk

Punk et hippie à la fois…

Écrit par

Il paraît qu'elle se saoule pour échapper aux affres du décalage horaire. Ce qu'elle a dû faire bien souvent, si on en juge par l'intense activité qui l'a menée aux quatre coins du monde, après avoir publié son "Debut". L'Islandaise n'avait pas hésité à laisser tomber ses Sugarcubes, et ce n'était pas dans une tasse de café. Mais a posteriori, le choix était bon puisque "Debut" a été plébiscité dans toute l'Europe! Aujourd'hui, Björk (qui répond au doux nom de famille de Gundmundsdottir) doit confirmer. "Post", son second elpee paraîtra ce 12 juin... Explications.

Existait-il une tension, une peur de mal faire lorsque tu as commencé cet album après le succès commercial et critique du premier ?

Pas vraiment. Dès mon premier disque à l'âge de 11 ans, je suis devenue une sorte de Shirley Temple en Islande, où j'étais très populaire... J'en ai vendu 5 000 exemplaires ; ce qui pour un pays comme l'Islande est énorme (double platine!). Ma popularité y était similaire au succès que je rencontre aujourd'hui en Angleterre, proportionnellement évidemment. Mais je détestais le succès, parce que je n'aimais pas les chansons que j'interprétais. Je le trouvais malhonnête! Et bien sûr à l'école tous mes congénères voulaient devenir mes amis... C’était très superficiel. Ensuite, j'ai fondé un groupe avec des copains d'école à 12 ans, en 78.

Est-ce habituel en Islande de former un groupe à 12 ans ?

Non, mais c'était une époque particulière, 1978... et c'était plutôt courant à ce moment-là. Je ne sais pas ce qu'il en était chez vous...

Nous jouions aux cow-boys et aux indiens à cet âge, je pense.

Pourquoi pas? Mais il faut dire aussi que je fréquentais une école de musique depuis l'âge de 5 ans. Et aussi parce que mon beau-père jouait de la guitare, c'est d'ailleurs un guitariste de blues assez connu. A la maison résonnaient toujours ses solos de guitares... Pour moi, former un groupe était naturel. A partir de cet instant, j'ai écrit des chansons pour mes amis sans pour autant m'imposer comme leader du groupe. J'ai expérimenté tous les styles possibles : metal, jazz, musique techno, électronique etc. On l’entend à la fois sur "Debut" et "Post". J'aime un peu de tout. J'ai eu l'habitude de faire face au monde extérieur, d’être confrontée à la pression. Tu sais à 11 ans, c'était dur... J'étais planquée à l'arrière pour y jouer de la batterie ; et un jour, on est venu me chercher pour me propulser à l’avant-scène, je ne sais pas pourquoi.

Et tu ne sais toujours pas pourquoi aujourd'hui ?

Honnêtement, c'est difficile à dire. Peut-être qu'après 17 ans de carrière musicale, j'ai appris à vivre avec cette tension... C'est inconscient. Tout ce temps, ces 17 ans, je dois avoir appris à m'y faire, sans le savoir. Lorsque j'étais chez les Sugarcubes, j'estimais que nous nous étions perdus en route. Je me suis dit : j'arrête là ! Vous connaissez la difficulté rencontrée par les gens, à plus ou moins 30 ans, de cesser ce genre d'aventure. On se dit: ‘Tous mes rêves d'adolescents, que sont-ils devenus ?’ Toutes ces idées m’on effectivement traversé la tête à 26 ans! Mais j’en ai aussi déduit que si je ne sortais pas "Debut" à ce moment-là, je ne le ferais jamais.

Chapitre solo

Alors que tu militais encore chez les Sugarcubes, avais-tu déjà réalisé des projets en solo ?

Oui, mais ce n'était pas bon... C'était difficile pour moi d'être égoïste, d'écrire un album complet avec seulement mes chansons. Et lorsque je l'ai fait, ce fut une grande surprise de voir le nombre incroyable de gens qui l'appréciaient. Je ne pouvais m'empêcher de penser que je régressais, seule, en réalisant ce que j'aimais, sans faire plaisir à personne d'autre! Mais sans m'y être vraiment préparée, je savais comment étaient les médias, les avocats, les instruments... Dix-sept ans dans le métier, tu dois être vraiment stupide si une telle expérience ne t'a rien appris.

"Post", est-ce la suite logique du 1er album ?

Oui c'est pourquoi, j'ai intitulé le premier "Debut" et le second "Post". Ce sont presque des jumeaux, le 1er et le 2ème. Ce qui m’effrayait en enregistrant "Debut", c'est que je savais que ce ne serait pas parfait, parce que c'était le premier et je crois qu'une des raisons pour lesquelles les gens n'écrivent pas des livres ou ne tournent pas de films, même s'ils en sont capables, c'est à cause de ce syndrome de la première fois : ils sont terrifiés à l'idée que ce ne soit pas parfait.

Qu'y a-t-il de mal à ne pas être parfait ?

Rien, c'est ce que je me suis dit (elle rit). Et c'est pourquoi je l’ai réalisé : je savais dès le départ que le second serait meilleur que le premier. Je n'ai de toute façon pas cette envie d'être aimée à tout prix. Si je voulais que tout le monde m'aime, j'aurais sorti un album genre Kylie Minogue... Et il n'y aurait sûrement pas eu tous ces revirements dans ma vie! Chaque fois que j'ai joué dans un groupe, ça a marché si fort que j'ai toujours gagné beaucoup plus d'argent que ma mère. J’aurais pu continuer, et au contraire j'ai quitté ces groupes. Je l'ai déjà répété six fois dans ma vie. Parce que j’estimais que ce n'était plus créatif!

Comment expliques-tu que ça ne l'était plus?

D'abord ça débute bien, c'est très créatif... Jusqu'au moment où ce n'est plus vivant! Quand un groupe commence à avoir de l'argent et tout ca, il n'est plus bon. Les gens perdent leur spontanéité et s'installent dans un confort musical. C'est à ce moment-là que je me casse... Les autres me disent: ‘You're mad’. Je réponds : ‘Je sais, je suis désolée...’

Chapitre Tricky

As-tu travaillé avec l’équipe qui a fait ton premier album solo ?

Plus ou moins. Nellee Hooper est présent sur six titres qu'il produit. Ma première réaction a été instinctive : j’en ai conclu que le premier bébé n'était pas mal et que j'avais été suffisamment courageuse pour l’accomplir. Comme je voulais faire mieux, je me suis dit : ‘Maintenant, je peux tout effectuer moi-même’. Je peux me charger des drums, des solos de guitare... Et puis j'ai pensé : ‘Non ça, ce n'est plus du courage, c'est de la stupidité’. Mon manager m'a dit: ‘Si ce n'est pas cassé, ne répare pas’. Il ne fallait pas détruire cette équipe ‘just for the sake of it’

Comment as tu rencontré Tricky ? Par hasard ?

Presque en fait. Il me fait tellement rire, je l'adore... Anyway, il est de Bristol comme Nellee, comme Massive Attack. Ils sont un même groupe d'amis depuis qu'ils sont tout petits. Et maintenant je les connais tous, grâce à Nellee. Tricky, je l'ai vu dans des soirées. On s'était promis de travailler ensemble. J'adore sa musique, et il aime ce que je fais. Généralement quand des musiciens participent à une soirée et qu'ils sont bourrés, ils se disent toujours: ‘On va faire un truc ensemble’. Le lendemain, c'est oublié... Là-dessus, je suis retournée en vacances en Islande pour la 1ère fois depuis longtemps : un mois pour passer la Noël auprès de ma famille et mes amis... Finalement, je ne suis restée que deux semaines : je me suis bourré la gueule avec tout le monde, j'ai visité ma grand-mère, ma famille, je suis allé promener dans le blizzard, les montagnes... Mais après ces deux semaines, je me suis dit ‘Encore deux semaines de vacances à tirer!’. Franchement, je n'en pouvais plus, fallait que je travaille... J'ai appelé Tricky, parce que je m'emmerdais. Je lui ai dit: ‘Rappelle-toi, tu as dit qu'on devrait travailler ensemble’. A ma grande surprise, il s'en est souvenu. Je lui ai dit que j'avais écrit quelques chansons et qu'il y avait un petit studio pas cher à Reykjavik, avec des gens gentils et dévoués. Il m'a répondu: ‘OK, j'arrive demain’. Il a passé cinq jours en Islande et c'était génial.

Quand tu écris, qu'est-ce qui vient le plus naturellement les mots ou la musique ?

Cela dépend. Ce qui est courant, c'est que la chanson que j'écris soit le ‘thème du mois’. Exemple? "Venus as a boy" sur "Debut", représente vraiment un mois dans ma vie. C'étaient les émotions que je ressentais à ce moment-là pour quelqu'un. J'étais obsédée, je regardais des films d'indiens à la télé avec leurs orchestres à cordes. J'écoutais du reggae et cette chanson a aussi été influencée par Maxi Priest! C'est très irrationnel... Je peux écrire dix chansons par mois et ensuite découvrir qu'elles forment une et une seule chanson. Je suis obsédée par la même mélodie, je choisis la meilleure et j'arrête là... Sinon, ça me prendrait beaucoup de temps.

Chapitre Sugarcubes

Qu'est-il arrivé aux autres Sugarcubes ? Tu es toujours en contact ?

Bien sûr. Ils font tous des choses différentes. Siggi, le batteur, vit près de Chicago. Sa femme y poursuit des études postuniversitaires. Pendant ce temps, lui, travaille en compagnie de groupes de jazz expérimentaux. Einar Benediktson (voix et trompette) dirige un cybercafé à Reykjavik. C'est le genre de gars qui fait toujours dix choses à la fois –pour l'anecdote, il collectionne des cartes postales de très mauvais goût, en particulier celles de Noël. Magga a produit des albums pour enfants, et est occupée de composer une musique de film en Islande. Bragi (le bassiste) écrit de la poésie qui reçoit de bonnes critiques en Scandinavie. Thor, le guitariste a monté un nouveau groupe avec un gars appelé Gufnar Tochtokoni, je ne sais pas si vous le connaissez, c'est une espèce de vieux punk sans concession.

Thor, c'est le père de ton enfant ?

Oui, d'ailleurs aujourd'hui il passe le jour de Pâques en compagnie de son père, alors que moi je suis ici... Ce groupe que Thor a formé, s'appelle Unun et il a été le plus populaire d'Islande l'an passé. Ils ont une jeune chanteuse merveilleuse.

Est-ce plus difficile d'être une femme seule dans le monde du show-biz plutôt que d'être membre d'un groupe ?

Je ne peux parler qu'en mon nom propre, de ma propre expérience. Quand j'étais dans les Sugarcubes, il n'y avait aucun problème ; pour l'instant, je n’en rencontre pas, non plus. J'ai tendance à traiter cette question féministe/sexiste en l'ignorant ; je crois qu'on lui accorde bien trop d'importance. Je suis une personne qui écrit de la musique et je suis une femme. J'ai beaucoup travaillé dans des groupes où j'étais la seule fille. Ils commençaient par dire: ‘Oh, mais tu es une femme’. Chaque fois que j’entends ce genre de commentaire, je sais que je suis dans la merde. Mais je n'en tiens pas compte. Ma mère a passé la moitié de sa vie à dire qu’elle ne voulait pas être en cage, c'est négatif de vivre toute sa vie comme ainsi. Mais elle a ouvert la cage! Moi, je préfère ignorer la cage. Je crois que ma génération de femmes est comme ça.

Chapitre dEUS/Zazou

Tu connais le groupe belge dEUS, qui a choisi son nom d'après la chanson des Sugarcubes ?

Des journalistes belges que j'ai rencontrés il y a quelques jours m'en ont parlé. Je suis très honorée...

Es-tu heureuse du morceau que tu as réservé à Hector Zazou sur "Songs from the Cold Sea" ?

Oui! J'adore travailler dans des créneaux dissemblables. J'ai réalisé énormément de projets différents, quand je jouais à l'école de musique... J'ai produit un groupe de hard-rock, je peux être chanteuse compositrice, j'aime faire toutes ces choses et cela s'entend sur l'album... Donc, lorsqu’Hector Zazou m'a demandé de travailler avec lui j'ai trouvé ça très excitant. Il pensait que je devais choisir une chanson du nord à propos de l'océan. Mais, toutes les chansons que je connaissais sur l'océan étaient toutes des trucs de marins genre "C'est à boire qu'il nous faut") il m'a dit ‘Euh ! Peut-être faudrait-il penser à autre chose ?’. Je me suis dit: ‘Fuck this ocean business, je vais simplement chanter ma chanson islandaise préférée’. Et j'ai choisi cette chanson d'amour impossible au 17ème siècle : une histoire d'amour islandaise très connue, mettant en scène un Viking. Elle l'aime profondément, mais elle ne peut l'épouser... Sans doute la chanson d'amour la plus dramatique qui ait jamais été écrite…

Y-a-t-il une influence islandaise dans ta musique ?

Oui, je pense que l'influence islandaise se sent. Je donne à travers ma musique l'impression que la nature est importante... L'Islande est le pays le plus riche au monde. Nous avons toute la technologie que nous voulons, et les gens n'en sont pas effrayés. Pourquoi? Parce que nous avons... la nature! Nous sommes en permanence arrêtés par le blizzard ou par les volcans et leurs éruptions. La nature remet les choses à leur place, là où elles doivent être. J’étais à Los Angeles lors du tremblement de terre, là où il y a cette arrogance des gens qui se disent ‘We fuck nature’. Comment osent-ils penser ainsi? L'homme ne baisera jamais la nature, parce qu'elle est dix mille fois plus puissante que l'être humain, et ce n'est pas demain que cette situation changera. Je crois que dans ma musique, la nature est présente, mais aussi le futur, la technologie... Les hommes politiques essaient de s'occuper de politique dans le monde. Mon boulot à moi est de m'occuper de ma politique personnelle, de ce que je fais avec moi-même et mes émotions. Je sympathise avec mes émotions, c'est mon boulot. C'est très naïf, mais je pense que quand on est bien dans sa peau, on n'essaie pas de manipuler les gens et on n'est pas manipulé par les autres! Quand on est OK, la nature est OK et le monde est OK.

Björk est donc une hippie ?

We are the world... Je suis plus une musicienne qu'une hippie. Je suis un produit des hippies, je suis devenue punk, je suis issu de cette génération... Etre punk est d'une certaine façon très lié au fait d'être hippie : les punks étaient très obsédés par le fait de ne pas être hippies... Je suis un mélange des deux.

(Article paru dans le n°34 du magazine Mofo de juin 1995)

 

Paradise Lost

Au-delà du Paradise Lost…

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Paradise Lost est un groupe en plein boom. La roue tourne à merveille pour eux, surtout depuis la sortie d'un certain « Icon » qui a propulsé le combo paradisiaque (enfin, façon de parler) comme un des espoirs de la scène métal actuelle. Chiffres de vente canon (15.000 albums vendus rien qu'en Belgique!), assistance fort nombreuse dans les salles, popularité en hausse vertigineuse : c'est Byzance pour cette association de métallos intelligents! En outre, la formation mérite ce succès. La preuve: on ne se monte pas du col, on reste serein et on n’a qu’un seul et même objectif : faire mieux encore! Pour remplir leurs poches ? Aaron Aedy, l’infernal guitariste rythmique et Nick Holmes, le chanteur, s’en défendent…

A.A. : Tout le monde nous demande si nous avons souffert d'une quelconque pression avant d'entamer la réalisation de notre nouvel album, « Draconian Times ». Et nous formulons sans cesse la même réponse: non! Notre ambition n'a jamais été de faire du blé à tout prix, ni d'atteindre des records de vente, alors... Bien sûr, nous ne crachons pas sur ce qui nous arrive, mais nous estimons que notre réussite actuelle est le résultat d'un travail prioritairement artistique et non commercial. Nous ne supportons aucun poids sur les épaules. Nous avons fait de notre mieux dans nos peaux de musiciens ; et pour le reste, on verra...
N.H. :
De toute façon, notre succès n'est pas le même partout. Nous sommes bien plus appréciés ici qu'en Angleterre, par exemple. Ce qui aide à relativiser.

A quoi attribuez-vous votre percée? Vous concevez une musique qui ne correspond pas spécifiquement à des critères de modes. Qu'avez-vous que les autres n'ont pas?

N.H. : Comment veux-tu que nous répondions à cette question ? Nous ne sommes pas à l'écoute de tout ce qui gravite autour de nous. Et nous n'aimons pas comparer les groupes, les genres, tout le tralala... Nous sommes Paradise Lost, nous créons une musique de manière indépendante et il se peut qu’elle soit... bonne, non? Ha ha ! Nous, en tout cas, on l’apprécie. Notre identité? On prend quelques directions spécifiques. Par exemple, on utilise de moins en moins de guitares en studio. On diversifie de plus en plus nos arrangements. Afin de communiquer davantage de couleur, de relief à notre musique. C'est un processus que nous allons développer.

Votre musique dégage plus une atmosphère que de l'énergie brute. Il y a un côté humain, émotionnel et...

A.A. : Rien d'étonnant. Effectivement, nous avons des sentiments à exprimer. Ce que nous écoutons en privé va d'ailleurs dans ce sens : plutôt l'expression que les clichés! De toute manière, cette musique que nous produisons, que tu nommes metal mais qui, pour moi, englobe davantage de références, vient du fond de nous-mêmes. Elle n'a donc aucune chance d’emprunter un jour une dimension mécanique. Ce serait un drame d'en arriver à ce stade. Ce que nous développons, c'est la qualité des instrumentations, du jeu et du son. Nous travaillons la forme, mais le fond reste une histoire d'inspiration libre.

« Draconian Times » plus encore qu'« Icon », semble plus affranchi de ses mouvements, plus ouvert à toutes expérimentations. D'accord?

A.A. : J'ai la même impression et elle me remplit de satisfaction. Pas de fierté mais de satisfaction. Comme je te l'ai dit, nous travaillons d'instinct. Notre seul critère est d'avancer. Là, c'est vrai, la réponse très positive de notre public intervient aussi et elle nous encourage. C'est sans doute la seule pression qui nous pousse dans le dos.
N.H.:
Nous avons pris le temps nécessaire pour bien développer « Draconian Times », en termes d'arrangements. Nous avons passé cinq mois à travailler sur ces morceaux. Tout part d'une mélodie, mais une fois la mélodie en place, il reste pas mal de boulot! Comme nous avons pris le temps, nous sommes allés plus loin sur ce plan-là.

Intérêt et passion pour la psycho

Vos textes aussi sont fort ‘humains’, basés sur des sentiments, des sensations...

A.A. : Je suis très attiré par tout ce qui touche à la psychologie. J'aborde ce type de sujet avec intérêt et passion. Je découvre même que je suis assez cynique à ce propos. J'ai une furieuse tendance à analyser tous les comportements de l’être humain. Le mental, la psychologie sont des domaines vastes, complexes et intéressants.

Visiblement, vous jouez partout là où on vous en donne la possibilité. Même dans des coins sans grande tradition rock. Que recherchez-vous, dans ce cas ?

N.H. : Pas l'argent, en tout cas... Tourner coûte vraiment très cher! Nous recherchons surtout le contact, aborder des contrées nouvelles, sans doute aussi de nouveaux défis. Nous aimons devoir affronter de nouveaux défis. C’est dans nos tempéraments. Et puis, c'est agréable de découvrir d’autres horizons, même si nous avons assez rarement l'occasion de faire du tourisme!

Quelle vision avez-vous du futur de Paradise Lost ?

N.H. : Nous ne nous posons pas trop ce genre de questions. On verra bien. Etablir des plans, ce n'est pas notre fort. Je ne sais même pas si nous aurons sans doute l'avenir que nous méritons d'avoir. Dans ce business, on ne gère pas tous les paramètres. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que nous ne laisserons à personne le soin de diriger le groupe à notre place.

Vous jouez bientôt au festival de Dour, vous connaissez?

A.A. : Par ce qu'on nous en a dit, à savoir que ce festival proposait surtout au départ des artistes et groupes francophones et qu'il s'est progressivement ouvert. C'est un festival très sympa, paraît-il! De toute manière, nous aborderons cette organisation avec notre bonne et simple vieille ‘tactique’ habituelle, à savoir de faire du mieux que nous pourrons. A ce niveau-là, il n'y a jamais de surprise avec nous!

(Article paru dans le n°34 du magazine Mofo de juin 1995)

 

 

Bandit Queen

L'art sous toutes ses formes...

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Tracy Godding compose, joue de la guitare et chante chez Bandit Queen. Mais c'est également une petite bonne femme très cultivée, artiste jusqu'au bout des ongles, sachant ce qu'elle veut tout en faisant preuve d'une grande gentillesse. Mais n'allez surtout pas comparer le trio mancunien avec les Breeders, même s'il aurait mieux fait de naître au pays de l'once Sam; et encore moins avec Polly Harvey, avec laquelle elle ne partage le même intérêt que pour les questions relatives à la sexualité...

Avant de fonder Bandit Queen, tu as joué dans un groupe qui répondait au nom de Swirl. Vous y étiez tous les trois?

Oui, mais il y avait également un violoniste et un autre guitariste. Et Janet jouait également de la guitare. C'était totalement différent. Notre line-up a compté jusqu'à cinq musiciens. Nous avons décidé de le réduire à un trio pour simplifier, pour faciliter notre tâche. Notamment au niveau de la structure mélodique. Et puis, je dispose de davantage de liberté d'action pour le chant.

Souffres-tu encore d'être comparée à PJ Harvey?

Seuls les journalistes paresseux ont colporté ces âneries. Ils l'avaient sans doute lu dans un autre canard qui nous comparait à PJ Harvey ou aux Breeders. Le Melody Maker et le New Musical Express, par exemple. S'ils s'étaient donné la peine d'écouter notre musique, ils n'auraient sans doute pas tiré les mêmes conclusions hâtives. A moins qu'ils ne soient très influençables...

Pourtant, tu as un jour déclaré que vous pourriez devenir les Breeders britanniques si le public vous en laissait le loisir.

C'est une déclaration que j'ai faite dans un certain contexte. Je ne pense pas que notre musique ressemble aux Breeders. Mais bien notre attitude et notre sens de l'humour. Notre bassiste, Janet, est une fan du groupe. J'ai émis cette réflexion un jour où j'étais particulièrement fâchée. Car en Angleterre, peu de monde s'intéresse à nous, alors qu'aux States nous sommes accueillis les bras ouverts. Nous ne voulons pas devenir des autres Breeders. Cette affirmation était sans grande importance. Mais apparemment personne ne l'a oubliée.

N'est-il pas paradoxal de jouer une musique comme la votre lorsqu'on vient de Manchester?

Ce n'est pas parce qu'on vit dans une ville que l'on doit fatalement s'identifier aux groupes qui en ont fait sa notoriété musicale. J'aime les Stones Roses, et particulièrement leur premier album, Inspiral Carpets, Happy Mondays... Mais mes influences, je les puise plutôt dans la musique américaine, le post punk et puis surtout chez Bowie et Bolan...

Face à la multiplication des groupes drivés par des femmes, ne penses-tu pas que vous auriez mieux fait de vivre à Boston ou à Chicago?

J'aime beaucoup Boston. Mais par dessus tout San Fransisco. C'est vraiment une chouette ville. Je pense souvent que l'Angleterre est une petite île. Et pour obtenir plus d'espace, nous sommes obligés de tourner sur le vieux continent. L'Angleterre est isolée, entourée par la mer. Ce qui explique sans doute pourquoi tant d'insulaires ont l'esprit aussi étroit. Nous serions plus heureux si nous pouvions vivre dans un monde plus ouvert. C'est vrai que parfois nous rêvons de partir ailleurs. Même le monde musical britannique manque d'ouverture d'esprit. Et il est à la fois stupéfiant et consternant de constater que la presse entretient cette carence...

Est-il exact que plagier toutes les formes d'art, et en particulier la littérature constitue votre forme de sampling? Quel rapport y a t-il entre la peintre mexicaine Frieda Khalo, dont la photographie illustre votre pochette (voir la reproduction ci-dessous), et votre musique?

J'aime la peinture de Frieda Khalo, parce qu'elle est directe et personnelle. Mais il est difficile d'établir une comparaison entre son art et notre musique. Elle existe, mais je suis incapable de l'établir. C'est beaucoup trop abstrait... Aujourd'hui la musique est devenue hybride. Certains n'expérimentent même que les samplings. Par exemple dans le domaine de la musique de danse. Nous n'utilisons pas de samplings. Cette technologie coûte beaucoup d'argent. Et puis nous essayons de respecter une ligne de conduite. De perpétuer une certaine approche de la poésie. Nos lyrics obéissent d'ailleurs à une forme poétique. Janet et David écrivent également des poèmes. Nous nous inspirons beaucoup de la littérature. Et en même temps, nous nous intéressons à de nombreuses formes d'art. Pour illustrer la pochette, nous avons fait appel à un peintre et à un photographe. Je pense qu'il est très créatif de mêler des formes artistiques différentes avec la musique. Elle ne se limite pas qu'au son. Les notes et les images peuvent également susciter des émotions...

Le nom du groupe provient du surnom de Phoolan Devi (NDR : elle a été assassinée le 27 juillet 2001), une femme indienne qui fut kidnappée et violée par des gangsters avant de devenir leur leader. Intentionnel ce choix?

Oui. J'ai lu ce bouquin consacré à cette histoire, il y a deux ans. Il m'a beaucoup plu et j'ai pensé que Bandit Queen recelait suffisamment de signification politique, sociale et féministe pour représenter une bonne image du groupe. Et nous l'avons adopté.

La chanson "Scorch" parle de sexualité, de sexe, et d'attitude vis à vis de la sexualité. Penses-tu que le combat entre les identités sexuelles exerce une fascination. Es-tu intéressée par la poétesse grecque Sappho?

Oui, parce que je pense qu'elle était la première femme poète. J'aime la poésie simple et directe. Parfois ses vers ne comptent que deux lignes, mais traduisent une sensibilité hors du commun... De quoi parlions-nous encore? (rires). De la sexualité. Une question très intéressante. Je suis bisexuelle. Je ne m'en cache pas. Chaque être humain connaît une sexualité différente. Je ne sais pas si le combat entre les identités sexuelles est fascinant. C'est un facteur de la vie. Adolescente, j'étais fascinée par ces questions. Aujourd'hui, j'ai pris davantage de recul. Je suis comme je suis. Et je n'ai pas connu plus d'expériences sexuelles que les autres. Simplement, j'estime que la sexualité est un phénomène dont il faut parler. Il est aussi important que le problème du racisme, de la politique ou du féminisme. Aussi, pas plus.

La chanson "Miss Dandys" traite de problèmes de la prostitution: "Miss Dandys montre moi un peu de paradis". Pourtant, ne dit-on pas que la prostitution conduit en enfer?

Miss Dandys est le personnage d'un livre qui s'intéresse à la culture nippone. Une histoire au sein de laquelle les prostituées sont travesties en hommes. C'est à la fois étrange et destructeur. Un peu fou, mais terriblement passionnant. Je suis passionnée par à la face cachée des autres civilisations. Du Japon ou du Mexique, par exemple. Là où je vis, à Manchester, de la fenêtre de mon appartement, j'observe le manège des prostituées dans la rue. C'est un phénomène qui marque ma vie quotidienne. Je ne pense pas que la prostitution mène en enfer. C'est peut être un mal, mais nécessaire. Elle permet de libérer l'homme de ses frustrations, de sa violence intérieure. C'est un peu une forme de garde-fou pour la société. Mais si le plus vieux métier du monde est un exutoire, il pose le problème des conditions dans lesquelles il est pratiqué. Absence de droits. De sécurité sociale. Exploitation par les souteneurs, destruction de sa propre identité. Je ne pense pas que j'aurais pu être une prostituée. Dans les rues, à Manchester, il fait très froid. Je me vends déjà à la musique, pas mon corps!

Version originale de l'interview parue dans le n° 34 (juin 1995) du magazine Mofo.

Beck

Ni clown, ni glandeur

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Beck le retour. Après « Mellow gold », album de l’année pour de nombreux magazines pop/rock et deux autres opus plus discrets, l’Américain revient avec « D-De-Lay ». On craignait l’essoufflement. On avait tort. Chez Beck, l’inspiration et le goût pour les mélanges impossibles ne se sont pas émoussés.

Rencontre au Vooruit voici quelques semaines à quelques heures du concert programmé en première partie de Sonic Youth ; entretien au cours duquel Thurston Moore intervient ici très brièvement. Beck s’explique d’abord sur cette sortie tardive puisqu’il affirmait fin 94, disposer en réserve de plusieurs long playings, prêts à sortir. On aura donc attendu longtemps…

J’ai beaucoup tourné. Il me restait donc très peu de temps pour vivre chez moi, à accomplir des choses normales, et plus forte raison, pour me rendre dans un studio. Aujourd’hui, j’ai quatre albums qui sont prêts à paraître. Quand « O-De-Lay » sera lancé, le premier suivra rapidement. Pour les autres, rien n’est encore prévu.

C’est la première fois que tu enregistres un disque qui soit attendu par le public. Cette situation a-t-elle changé quelque chose pour toi ?

Difficile de ne pas y penser. Les gens vont m’attendre au tournant et peut-être me rejeter. Mais ils en feront ce qu’ils voudront ; finalement je m’en fous. Je n’ai de toute façon aucun contrôle là-dessus. J’en suis arrivé à un point où ce qui compte n’est pas de sortir un disque en tant que tel, mais de faire ce que j’aime. C’est ma vie, mon travail. Qu’importent les albums, c’est la musique qui est importante. J’essaie de penser à plus long terme. Je ne me dis pas ‘C’est ma dernière chance et si je me plante, c’est fini’. Il faut assumer le risque d’erreurs. C’est inévitable.

N’est-ce pas même utile d’en commettre ?

Bien sûr, elles permettent de progresser. Il y en a sans doute sur cet album. Je suis perplexe vis-à-vis de certaines chansons, presque ridiculement pop. En même temps, c’est ce qui est sorti à ce moment-là et je veux y rester fidèle, je ne souhaite pas me censurer. De toute façon, il est illusoire de penser qu’on peut contrôler le processus créatif. En même temps, je suis aussi assez sensible à l’idée selon laquelle on doit savoir ce qu’on veut. Mais finalement à quoi bon ? On ne trouve sa vraie voix que beaucoup plus vieux, alors en attendant… Cette façon de voir les choses est acceptée pour les écrivains, alors pourquoi pas pour les musiciens ? Un des grands avantages à être jeune c’est que tu n’es pas tenu de sortir ton œuvre la plus ‘mâture’. J’ai vu pas mal de choses, mais je ne pense pas avoir assez de bouteille pour permettre à ma musique d’avoir une portée universelle. Je n’ai envie ni d’être pris pour un clown, ni d’être pris trop au sérieux. Tant de jeunes musiciens veulent produire une sorte de manifeste définitif alors qu’ils devraient se contenter de parler d’eux-mêmes (NDR : à cet instant, Thurston Moore passe à proximité, et lance la fameuse formule habituellement réservée aux attachées de presse, lorsqu’elles souhaitent que l’interview se termine, en lâchant ‘Cinq minutes !’) (rires) C’est mon manager. C’est lui qui écrit toutes mes chansons. Je ne suis que son patin.

La répartition des chansons entre les différents albums s’opère-t-elle facilement ?

Les délimitations ne sont pas toujours claires. Des chansons comme « Sleeping bag » ou « Asshole » incluses sur « One foot in the Grave » auraient sans doute pu figurer aussi sur « Mellow gold ». Superficiellement, les chansons des trois premiers albums sont différentes, parce qu’elles ont été enregistrées dans des endroits et à des moments différents, en compagnie de personnes différentes. L’année prochaine, je sortirai un album de blues assez classique. Depuis deux ans, je n’ai jamais cessé d’écrire des chansons sans avoir un but précis dans la tête. Pour « O-De-Lay », j’ai simplement cherché à adopter un côté plus hip hop.

Plus Beastie Boys ?

(souriant) Je ne sais pas. Nos influences sont tellement différentes ! Moi, c’est plutôt un certain blues traditionnel alors que chez eux, c’est plutôt le hardcore et le punk de la vieille école. Mais j’admets qu’eux comme moi, nous essayons d’explorer différents aspects d’un hip hop plus marginal (NDR : Thurston Moore repasse et rebalance un bruyant ‘Cinq minutes’).

Tu connais Baby Bird qui a gravé 4 albums en quelques mois ?

Non, mais fais-le tourner pendant deux ans. Ca le freinera. Moi j’essaie de ne jamais arrêter d’enregistrer. Il est très dangereux de se contenter de jouer toujours les mêmes chansons.

Tu as parlé un jour de composer une chanson en utilisant tous les accords que tu connaissais…

Pendant des années, j’ai écrit des chansons qui n’avaient que deux accords. Si j’ai été attiré par le folk, c’est en raison de sa simplicité. Dans le format chanson, pop ou non, deux accords permettent de se concentrer sur l’essentiel. Un jour, un producteur m’a demandé de lui jouer quelques morceaux. Après les avoir écoutés, il m’a conseillé d’en concevoir d’autres avec plus d’accords. Plutôt que de me vexer, je suis rentré chez moi et j’en ai écrit un en utilisant tous les accords que je connaissais. Donc, cette compo existe. Elle s’appelle « Cyanide breath mint » et figure sur « One foot in the grave ». Ce qu’il y a de bien dans l’aspect limité du folk, c’est justement l’absence de ‘jouets’ qui distraient du boulot. Même si les jouets sont marrants et si c’est amusant de réaliser des disques comme « Mellow Gold » ou « O-De-Lay ». Si une chanson à deux accords est mauvaise, ça s’entendra toujours tout de suite parce que rien ne dissimulera ses faiblesses.

Tes albums sont toujours assez accidentés, jamais lisses. Pourquoi ?

Un album, c’est comme un voyage auquel on convie l’auditeur. Je ne veux pas d’un trajet en voiture sur une route droite et plate. J’aime arriver à une sorte de grâce zen. Tu as, par exemple, des sons ‘difficiles’ suivis d’un certain refrain très accrocheur. Ce qui est aussi intéressant dans la musique, c’est qu’en définitive, elle ne compte que par l’effet sur celui qui l’écoute.

Tu te soucies de l’image qu’on a de toi, telle qu’elle émane de « Loser » ?

Quand j’ai enregistré ce morceau, je ne soupçonnais même pas l’existence de ce mouvement ‘slacker’ (NDR : à son corps défendant, Lou Barlow, le leader de Sebadoh, a aussi été traité de ‘glandeur’). Je me contentais d’enregistrer une chanson rap, sans rapper très bien, d’ailleurs. Le rap que j’écoute est généralement assez dur et charrie tous les clichés sur ce qu’on a ou pas : le fric, les femmes et les bagnoles. C’était une sorte d’hommage rigolo à tout ça. ‘Je suis un perdant, je n’ai rien et je ne suis qu’une merde…’ C’était juste une blague que certains m’ont volée en lui donnant une autre vie. C’est leur droit le plus strict, mais qu’on ne s’attende pas à ce que je ne sois qu’un personnage de dessin animé, un symbole unidimensionnel de la jeunesse apathique. Parce que ça n’a rien à voir avec moi. J’ai toujours été intéressé par une foule de choses de la vie. ‘Slacker’ est vraiment un terme trop réducteur, qui tend à uniformiser les gens alors que tous sont différents. En fait, c’est avant tout une création de marketing, une façon d’identifier un segment d’acheteurs potentiels pour leur confectionner des produits sur mesure. Heureusement je crois que ce mot est déjà occupé de disparaître.

(Article paru dans le n° 44 du magazine Mofo de juin 1995)

  

Deep Purple

In Rock (Réédition)

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Clef de voûte de tout l'édifice hard, "In Rock" constitue aujourd'hui l'œuvre la plus importante et le plus controversée de Deep Purple. En fait, dans le style plus aucune formation ne parviendra à agréger une telle énergie et une telle intensité sans se prostituer aux clichés. Un phénomène qui va d'ailleurs toucher un langage musical parallèle. Le heavy métal. Celui de Led Zeppelin, bien sûr. A l'issue des volumes II et III de leurs elpees éponymes. Revenons à "In Rock", qui avait pourtant déjà été reproduit sur compact disc précédemment. Mais dont le résultat devait sans doute être insuffisant, puisque la nouvelle mouture a été remasterisée. Un opus élargi au single "Black night", à quatre remixes opérés par Roger Glover, à une version piano de "Speed king" et enfin à un instrumental inédit, "Jaw stew". Le tout enrichi de photographies, d'un historique, de commentaires, et des arcanes de son enregistrement...

 

Moby

Une bible dans le sampleur

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Richard Melville Hall aurait-il tout compris? D'où viens-je, où vais-je, dans quel état j'erre? Vous savez, toutes ces angoissantes questions existentielles qu'on se pose le matin en se rasant face à son miroir, en journée coincé du côté de la Drève de Bonne Odeur ou le soir face aux navrantes séries télévisées destinées à combler notre trou noir culturel? S'il n'a pas encore répondu à toutes celles-ci, Moby a néanmoins le mérite de les affronter bien en face dans un album qu'il a intitulé "Everything Is Wrong"!

Moby aurait créché à Nazareth et eu un papa charpentier qu'on ne se serait pas, outre mesure, étonné de son discours. Seulement voilà, son message, ce n'est pas du haut d'un quelconque Mont des Oliviers qu'il le délivre, mais sur CD, disponible dans tout rayon techno un peu garni. Mais oui, derrière les tubes que sont "Go", "Hymn" ou "Feeling So Real", il y a des idées! Le SyQuest au service d'une philosophie chrétienne, c'est tout nouveau! Et le credo de ce jeune Américain de 28 ans, à ses heures perdues toujours DJ et remixeur (des Pet Shop Boys à Michael Jackson en passant par Depeche Mode), c'est pas entre deux vagues de la Mer Rouge qu'on a été vous le pêcher! Et si Moby était...

Un humain bourré de contradictions ?

Je suis un activiste qui défend les droits des animaux, un environnementaliste, un chrétien qui ne va pas à l'église mais qui aime Dieu. J'ai étudié un peu de philosophie quand j'étais encore à l'école, et j'aime m’amuser comme peut le faire un gosse. J'apprécie tous les genres de musique qu'on puisse imaginer, même le country & western et le Top 50. J'ai commencé à gratter de la guitare il y a 20 ans, en jouant de la mauvaise pop au lieu de pièces classiques et de suivre des cours de solfège. J'ai participé aux aventures de groupes punk, new wave, reggae, folk, jazz. J'ai grandi en écoutant ce qu'écoutait ma mère, de Bartok aux Doors. C'est la raison pour laquelle "Everything Is Wrong" est aussi varié. Je n'aime pas les classifications ; au nom de quelle loi ne devrait-on aimer qu'une seule chose?

Un flippe de première ?

Je suis réellement persuadé que tout est faux. La façon dont les humains vivent leur vie, dont ils tombent amoureux, ce que nous faisons... Tout ça n'a pas de sens pour moi. Je me crois sans repères. Les seules choses que je comprenne sont les états émotionnels : plaisir, douleur, souffrance. J'essaie de vivre sans causer de souffrance ; c’est pour cette raison que je me bats pour les droits des animaux. Je ne veux imposer ma volonté à aucun être vivant.

L’Iggy Pop de la techno ?

Oui, j’ai lu ça quelque part. Peut-être m’a-t-on comparé à lui à cause de la façon dont je joue. La plupart des ‘techno acts’ se résume à une bande de types en fond de scène, planqués derrière des machines, la tête penchée sur des claviers, passant leur temps à tourner des boutons. Chiant, donc. C'est comme toute cette vague intitulée ‘Intelligent Techno’, Autechre et compagnie. Beuark! Le premier concert que j'ai vu, c'était Yes ; eh bien, c'était encore plus marrant que tous ces trucs-là. Je sais que c'est à la mode, que tous les gens cool se doivent d'aimer ce genre et je concède que par certains aspects musicaux, c'est parfois agréable. Mais je suis beaucoup plus extrême. Je joue de la guitare, de la batterie, des claviers, des percussions. Je cours partout, je crie, je saute, parfois je démolis mon matériel...

Un fumeur de pétards ?

Certains se droguent pour pouvoir danser pendant de heures... Soit, mais aussi longtemps qu'ils ne se blessent pas eux-mêmes! Je me soucie de gens, pas des drogues. Si quelqu'un se prend de l'ecstasy tous les week-ends, comment sera-t-il à 25, 30 ou 40 ans? Aura-t-il une bonne vie ou cela le détruira-t-il? Si c'est le cas, il faut arrêter ; c'est de cela dont je me soucie. Si de l'ecstasy l'aide à se sentir bien toutes les deux ou trois semaines, c'est une liberté par rapport à son corps. S'il veut se gonfler d'héroïne, se piercer : c'est son choix. S'il détruit son corps, tout ce que je peux faire, c'est lui montrer des gens qui arrivent à se sentir bien sans se détruire et lui dire : ‘Pourquoi n'essaierais-tu pas plutôt de faire comme eux?’

Un type avec du cœur ?

Je fais de la musique qui procure une émotion et qui, heureusement, touche les gens sur le plan de l'émotion. C'est mon but. Composer quelque chose qui puisse captiver l'auditeur et auquel il puisse donner une réponse émotionnelle puissante. Je fais de la musique pour la vie de tous les jours, pour les automobilistes, les piétons, ceux qui travaillent... Si l'on m'écoute, je souhaite qu'on puisse en retirer quelque chose et me répondre.

Un lanceur de pavés ?

Quand je démolis mon matériel, j'attends une réponse tout aussi extrême. Que le public s'amuse dans la salle autant que je le fais en ‘live’. C'est plus facile d'être motivé par quelqu'un qui fait des choses intéressantes en concert. Si je ne m'amuse pas sur scène, je ne peux pas attendre du public qu'il danse et prenne du bon temps. J'essaie d'être moi-même, honnête, un être humain passionné ; de ne pas être détaché des choses que je fais. Je déteste ce qui ne contient ni émotion ni passion. A ce niveau, le punk rock a été bénéfique, arrivant à point pour balayer tous ces groupes dits ‘progressifs’. Aujourd'hui, la ‘dance’ est devenue une sorte de punk rock sans rébellion, elle verse dans le conservatisme. Oui, les kids qui vont danser prennent leur pied, mais les gens qui sont derrière ceux qui font les disques, les vendent ou en parlent dans les médias s'inquiètent encore d'une seule chose : savoir si telle ou telle musique est ou non à la mode. Qu'elle provienne de Detroit, Sheffield ou Düsseldorf, on s'en contrefiche!

Un écolo rusé ?

Je suis une masse de contradictions : je vis à New York, mais je suis un écolo. Cela dit, quelque part, c'est logique : je peux ne pas rouler en voiture, il y a plein de restos végétariens... Quant à la techno... J'ai un problème avec ma carrière : pour l'assumer, je dois voler en avion, rouler en voiture, faire des disques en plastique, des livrets en papier. C'est un problème, et je ne sais pas comment le résoudre. Peut-être en arrêtant de faire de disques? Mais pour l'instant, c'est aussi ma façon de communiquer avec les gens. Oui, je suis impliqué ‘dans une industrie destructive, mais heureusement, je peux parler aux gens’.

Tout simplement Jesus II ?

Je regarde le monde autour de moi. Pas le monde de l'homme, celui de la nature et je vois comme il est beau, phénoménal, complexe. Et je n'ai pas de moyen pour l'exprimer. Regarde mon corps, mes yeux, mes nerfs optiques, tout ça m'indique l'existence d'un dieu. Une belle toile dans un musée renvoie à un peintre remarquable. Le monde naturel, lui, me renvoie à son remarquable créateur. D'une certaine manière, je voudrais voir cette passion se retrouver dans ma musique, qu'elle exprime ce que je ressens, alors que je me trouve au milieu d'un champ en me disant que cette planète existe depuis des milliards d'années. Ou quand je pense à ce procédé que je ne peux saisir et qui fait qu'Adam a été recombiné pour devenir moi.

Un doux rêveur ?

Si un disque ne peut pas changer le monde, il peut au moins fournir de l'information à ceux qui l'écoutent. Celui qui a mon album entre les mains prendra peut-être le temps de lire le livret et de modifier ainsi sa façon d'être : avec les gens, avec le milieu naturel. Il y réfléchira. Si c’est difficile à mettre en musique, je l’exprime en tout cas plus facilement par des sons, par la musique. Les mots sont beaux, je les aime, mais je me sens meilleur compositeur qu'auteur. Et puis, la musique est plus universelle que ce que je pourrais écrire. Mes compos sont des émotions. C'est pourquoi j’accorde des interviews, c'est un peu ma façon de chanter. Quant à faire bouger les choses à l’aide de sons... Si j'écris un tube, je peux toucher 50 millions de personnes. Si 1% de ce public se dit, par exemple, qu'il pourrait devenir végétarien parce qu'il aime les animaux, le chiffre est déjà conséquent. Le disque m'aide ; si je tenais un discours au coin de la rue devant l'hôtel, j'aurais moins d'influence et je serais peut-être même embarqué par les flics.

Un mec remuant ?

Je suis quelqu'un d'engagé. Je crois que c'est normal. Depuis 70 ou 80 ans, la vie aurait pu devenir si belle. Le ciel, les arbres... La vie est phénoménale et malgré tout, l'homme continue à poser des actes qui nient son potentiel. C'est ce qui m'a poussé à agir. Dans une maison qui brûle, l' 'attitude la plus logique est de combattre l'incendie. Aujourd'hui, la plupart des gens restent à l'intérieur et continuent à regarder la télé.

(Article paru dans le n°33 du magazine Mofo de mai 1995)