Left Lane Cruiser est un duo originaire de Fort Wayne dans l'Indiana. Il réunit le chanteur/guitariste Frederic ‘Joe’ Evans et le drummer/percussionniste Brenn ‘Sausage Paw’ Beck. La paire est responsable d’un blues primaire, brut, réminiscent de ce qui se pratiquait dans les collines du Nord Mississippi et dont la figure de proue était le vieux bluesman local, feu R.L Burnside. Pensez au label Fat Possum!
Le tandem mêle roots, blues, country et bluegrass, tout en adoptant une attitude punk garage ; mais de toute évidence, il s’intéresse à la musique issue du plus profond des States. Le duo avait publié un tout premier elpee en 2006, "Getting down on it", un disque paru chez Hillgrass Bluebilly, avant d'être signé par Alive, pour lequel il a gravé "Bring yo ass to the table" en 2008, "All you can eat" en 2009 et enfin "Junkyard speed ball" en 2011. Depuis, la paire a régulièrement collaboré en compagnie de James Leg. De son véritable nom John Wesley Myers, il avait concocté un elpee solo, "Solitary pleasure", sur le même label. En outre, Leg est également chanteur et claviériste au sein d’un autre duo, Black Diamond Heavies. Et pour enregistrer cet opus, le trio a reçu le concours du bassiste des Dirtbombs, Jim Diamond, ainsi que du vétéran noir Harmonica Shah, le célèbre harmoniciste issu de Detroit.
"Painkillers" est un long playing un peu particulier, car il ne réunit que des reprises de stars confirmées du blues et de la rock music! L'ouverture ne nous laisse guère le temps de souffler. Le climat est torride. Furieuse, la slide gémit tout au long du "Sad days lonely nights" de Jr Kimbrough. Les claviers de Leg ont du répondant. Le choc entre Joe et James ressemble à un véritable combat de tranchée. Il est vrai que l’image reproduite sur la pochette était prophétique. Ces pilules, véritables "Tueuses de la douleur" qu'il est conseillé de prendre avec un grand verre de whisky, et dont les effets secondaires peuvent entraîner l'euphorie et un désir incontrôlable de danser le boogie! Hound Dog Taylor était un des plus grands sliders du blues. Sur son "She's gone", le bottleneck de Joe ne tient pas en place. Il est judicieusement talonné par l'harmonica de Shah, le souffleur de Detroit, âgé de 66 ans. Issu du répertoire de Bob Seger, "Come to Poppa" baigne dans une atmosphère relaxante. La guitare semble domptée. Les interventions à l’orgue lorgnent manifestement vers Jon Lord voire Ray Manzarek. Le chant devient féroce sur le "Shake it" de John Lee Hooker, un boogie plutôt sauvage qui accorde de l'espace au vieux Shah! Une solide tranche de punk blues juke joint! Les vocaux sont carrément déjantés et décapants tout au long du "If 6 was 9" de Jimi Hendrix, une plage balisée par un riff de gratte monumental et parcourue d’accès d’orgue plutôt appuyés. Willie Dixon a écrit "Red Rooster", un classique popularisé par Howlin' Wolf. Il fait ici l’objet d’une dissection à vif. Chapeau bas à Harmonica Shah qui parvient à s’imposer dans ce chaos sonore entretenu par la slide. James Leg siège derrière son roadhouse piano pour chanter le "Ramblin' my mind" du légendaire Robert Johnson. Sa voix évoque un Tom Waits qui aurait sifflé trois bouteilles de bourbon! Le "Chevrolet" de Taj Mahal carbure au groove. Et il est infernal. La basse de Jim et les percus de Sausage Paw s’affrontent à visière découverte. Shah revient une dernière fois vider ses poumons en exécutant le "When the levee breaks" de Led Zeppelin. Torturée, cette œuvre s’achève en toute décontraction, par la cover du "Sway" des Rolling Stones.