Ce qui est remarquable chez Mark Hummel, c'est son énergie et son esprit d'entreprise. Depuis 1991, il organise sans relâche des événements baptisés Harmonica Blowouts, au club Ashkanaz. A Berkeley. Lors de ces spectacles, il invite sur la même scène plusieurs souffleurs de talent. Ce double CD retrace les meilleurs moments de ces rencontres, depuis 1993 jusqu'à 2007.
Et tout d’abord, hommage au regretté William Clarke. Une session chargée d'émotion. Accordée en 1993. Pour la circonstance, le grand William est soutenu par ses musiciens dont le jeune Rusty Zinn aux cordes. Trois titres sont ici restitués. Tout d’abord le long blues lent "Lonesome bedroom blues". On y ressent le mal-être éprouvé par le musicien en tournée, forcé de loger dans les chambres banales des Motels 6. Il joue de l'harmonica chromatique à la manière de son maître, Georges Smith. "Stretch my money", ensuite. Un shuffle brûlant au cours duquel Bill est au sommet de son art. Et enfin "Chrome jumpin". Le swing libéré par l'instrument chromatique est aussi irrésistible que redoutable.
Deux autres grands musiciens disparus figurent également sur ce projet. Sam Myers nous a quittés le 17 juillet 2006 et Paul Delay le 7 mars de l’année suivante. Nous retrouvons Paul Delay pour trois plages. En 2003. "Blues and trouble" est illuminé de sa voix puissante, élimée. Il est épaulé par le génial Junior Watson à la guitare. Tout au long du slow blues, "Can't stand your evil ways", Paul nous communique une fameuse dose d’émotion. Dans son style si personnel. A en attraper des frissons. "Mean old Frisco" se révèle plus complexe. Il bénéficie ici de la participation du sorcier des cordes, Junior Watson.
Deux plages ont été réservées au géant texan Sam Myers. "I don’t quit getting sloppy drunk" et "Sweet home Chicago". Deux prises immortalisées au Sierra Nevada Brewery de Chico. En 2002. Son cher ami Anson Funderburh est bien entendu de la partie.
Carey Bell repose également au paradis des bluesmen. Il s’est éteint le 6 mai 2007. L'ex-souffleur du Muddy Waters Band nous communique son Chicago blues au Moe's Alley de Santa Cruz. En 2004. Steve Freund se charge des parties de guitare et Willie ‘Big Eyes’ Smith siège derrière les drums.
Et la suite du programme ne manque pas d’allure, non plus ; puisqu’on y remarque la présence des noirs Lazy Lester, Billy Boy Arnold et Johnny Dyer ainsi que des blancs James Harman, Rick Estrin, Magic Dick et Lee Oskar. Sans oublier notre maître de cérémonie, Mark Hummel.
C'est sans surprise que ce dernier ouvre le bal lors d’un instrumental percutant intitulé "Harpo-Ventilating". Il est épaulé par ses Blues Survivors : Charles Wheal à la guitare, Steve Wolf à la basse et Marty Dodsonaux aux drums. Ses fidèles compagnons –depuis neuf ans– ont été rejoints par le pianiste/gratteur Bob Welsh, pour la circonstance.
Sexagénaire, Lee Oskar est originaire du Danemark. Il a milité chez le groupe multiracial de funk rock, War. Comme harmoniciste. Et à ses débuts, il avait donc partagé la scène musicale auprès du chanteur Eric Burdon. Lee est également chef d'entreprise. Responsable de la fabrique d’harmonica. Si, si, un modèle diatonique baptisé ‘Lee Oskar’. Probablement le plus vendu dans le monde. Il donne la ligne de conduite à deux instrumentaux. Tout d’abord le tendre "In a sentimental mood", une plage au cours de laquelle il entre en symbiose avec le piano de Welsh. Puis "Lee's blues". Lee étale toutes ses capacités techniques et sonores tout au long de ce très long blues atmosphérique.
Richard ‘Magic Dick’ Salwitz, le souffleur du J Geils Band, refait régulièrement surface en ‘live’. Il n’a rien perdu, ni de sa verve, ni de son punch originel. Et il nous en fait une parfaite démonstration sur le très énergique "Pontiac blues", un fragment au cours duquel l’intervention de Charles Wheal aux cordes est percutante. Solide Chicago shuffle, la cover du "High temperature" de Little Walter célèbre une parfaite complicité entre Wheal et Bob Welsh.
Johnny Dyer fêtera ses 70 ans, cette année. Il est originaire de la Stovall Pantation, à Rolling Fork, dans le Mississippi. Tout comme un certain Muddy Waters, d’ailleurs. Mais il s’est établi, il y a bien longtemps à Los Angeles. Secondé par Rusty Zinn, le vieux musicien noir chante "You're sweet".
James Harman est considéré comme un des meilleurs harmonicistes issus de la West Coast. Il interprète le dynamique "Extra napkins". Junior Watson reste dans son ombre. Enfin, juste le temps de sortir de sa réserve, suivant son habitude… La classe!
Rick Estrin campe, sans aucun doute, un des meilleurs disciples du mythique Sonny Boy Williamson II. Le désormais leader des Nightcats lui rend ici un vibrant hommage tout au long de "Getting' out of town". L’exercice de style et le dialogue opérés sur l'harmonica sont impressionnants. Billy Boy Arnold nous réexpédie à Chicago lors d’un "Sugar Gal" caractérisé par l’excellent travail sur l'instrument chromatique et sur le piano de Welsh.
Enfin, le Louisianais Lazy Lester nous balance son inévitable "Sugar coated love". Tout en rythme, ce blues notoire macère dans les swamps marécageux. Ceux du Sud profond. Mark Hummel referme cette superbe collection par une relecture de l’immortel "Summertime". Quelle propagande pour le blues joué à l’harmonica !