Qui aurait pensé après une victoire décrochée au concours circuit en 1997, que David Bartholomé deviendrait une figure incontournable de la scène belge ? 10 ans après leur premier album « Feuded », David, Teuk Henri et Charly De Croix (nouveau batteur) nous invitent à danser et à célébrer la bête sur leur cinquième opus « Dance on the Beast ».
Coréalisé durant l’été 2008 en compagnie du tyrannique mais non moins talentueux Dimitri Tikovoi (Goldfrapp, Placebo, Horrors…) et enregistré entre les studios londoniens de Flood (producteur de U2, Depeche Mode, PJ Harvey, Soulwax…) et Bruxelles, ce dernier album gagne en maturité et professionnalisme.
Le journal, rédigé lors de la production de l’album (www.sharko.be), nous apprend beaucoup sur les intentions du leader du groupe. L’esprit de « Dance on the Beast » se présente comme l’évolution logique de « Molecule ». Un album qui s’interroge sur le futur, sur les angoisses et les joies de l’auteur.
Plongé dans ses éternelles et instinctives (in)certitudes, David Bartholomé nous invite à un voyage initiatique visant à dompter, dominer et épuiser la bête. Exorciser et danser sur les fantômes, les monstres qui l’habitent, qui nous hantent tous. Faire resurgir les peurs et les ombres du passé pour les combattre et leur rire au visage. Expérience au cœur de ses paradoxes, de ses stigmates en voie de guérison. La mise en mélodie de son hypersensibilité nous enivre d’influx hypnotiques. L’impression de découvrir la lune à vélo dans un mouvement qui le soulève lentement de son plancher peuplé de souris noires. Onze morceaux évoluant entre anxiété et optimisme! Le clown triste de la formation bruxelloise n’est ‘pas toujours sagesse et maturité’, mais se rend compte, au fil du temps, qu’il ‘aime la vie finalement’ et compte la célébrer à travers ce dernier opus.
A l’image du leader du groupe, « Dance on the Beast » se présente comme un album aux mille facettes : complexe, dense, aux influences éclectiques. Paradoxe et diversité dans lesquels le groupe parvient à trouver un certain équilibre. Sharko s’arrache au confort du coton et opte pour un changement et une évolution sonore. Cette métamorphose représente souvent une prise de risque et la formation bruxelloise marche sur ce fil onduleux sans jamais chuter.
Le dernier elpee s’ouvre rapidement à de nouvelles sonorités davantage électro-dance et ludiques. « Yo heart » et « Rise Up » se veulent plus dansants. Une sorte de ‘happy-happy / show-biz strass’. Morceau aux allures doucement disco-pop qui évoque parfois Zita Swoon. Une harmonie entre ombres et lumières réussie.
L’album se nourrit de sonorités diverses conjuguant la basse ronflante de Bartholomé et les riffs orageux de Teuk à d’autres instruments plus inhabituels. Ainsi, les compos sont colorées d’un vieux synthé Roland de 1971 et d’un Solina vintage. Le tout nous offre des sonorités nostalgiques et démodées aux couleurs ‘hypesques’.
« Horses », morceau inclassable, illustre bien le nouveau visage Sharko. La plage prend sa source sur un petit thème ‘Electro-Atari’ (NDR : intro ressemblant à s’y méprendre au générique du jeu télévisé Motus sur France 2) placé sous une grille d’accords gores et sombres. Après quelques percussions indiennes, viennent se greffer des claviers introduisant une langueur ‘lynchéenne’. Puis se terminent sur des impressions post-new wave. Etonnant ! La touche excentrique de Dimitri Tikovoi se fait ici lourdement entendre. Pour définir cet ovni, la description la plus fiable restera cependant votre oreille.
On remarquera également « Never the same » aux airs groovy couverts d’un synthé grinçant proche du bruit strident de la scie.
Malgré ces quelques innovations musicales et le très commercial « Since you called » aux guitares white funk, Sharko gagne globalement en maturité sans perdre de son âme.
Le superbe « 23 find we belong », suite de « Sweet Protection » présent sur « Molecule », et « Mouse/Animal/Facebook/Danger » posent un regard serein et critique sur l’avenir tout en préservant l’esprit initial du groupe.
La sensibilité cinématographique de David Batholomé et la patte d’Henri Teuk restent présentes sur « Head » et le très orageux « Cinema Tech ». Remarquablement mixé par Peter Crosbie, ce délicieux côté bancal, bricolo, naïf propre au groupe demeure bien présent. Cet aspect se retrouve également sur « I’m so stupid… the things I did, I regret it ».
“Dance on the Beast” s’impose globalement par la plénitude acquise par la formation bruxelloise mêlant naturellement et astucieusement l’ancien au nouveau.