« Leaving meaning » constitue déjà le quinzième album de Swans, et suivant son habitude, Michael Gira et sa troupe se sont montrés généreux. Très généreux, même, puisque cet elpee est double et propose une heure trente de musique en 12 morceaux. A propos de troupe, le New-yorkais, outre son backing group et plusieurs membres d’Angels of Light, a reçu le concours de toute une volée de collaborateurs. Dont son épouse Jennifer et les sœurs Anna et Maria von Hausswolff, aux chœurs, ainsi que Jeremy Barnes et Ben Frost, ce dernier assurant également la mise en forme. Soit 18 musicos, en tout !
A l’instar de l’œuvre de Michael Gira, et tout particulièrement chez Swans, les compos sont ténébreuses, angoissantes, hypnotiques, reptiliennes, parfois propices à la transe. Un sentiment de fausse quiétude envahit cependant le plus folk « Annaline », une plage trempée dans le minimalisme atmosphérique. Mais également « Amnesia », un morceau au cours duquel les voix féminines semblent pousser des cris de chauves-souris. Incantatoire, « The hanging man » réveille le souvenir du « Whatevershebringswesing » de Kevin Ayers, mais parcouru de volutes bouddhistes psalmodiées, alors que des sonneries de passages à niveau accentuent la perception d’angoisse. Des voix (les sœurs von Hausswolff, bien sûr et celle shamanique de Gira) qui entretiennent un climat gothique, tout au long de « Sunfucker », malgré la présence discrète de cuivres jazzyfiants, assurés par le trio de jazz noir The Necks, une section de cuivres australienne notoire pour ses impros. Elle est bien plus présente tout au long de « The Nub », une compo à la progression sinueuse, latente et lugubre. Valse mid tempo, « It's Coming It's Rea » est littéralement porté par les chœurs chatoyants et lumineux des frangines von Ausswolf. Paru en single, ce titre est également le plus accessible. Ritournelle quasi-liturgique (NDR : cet orgue !), « Cathedrals of heaven » s’enfonce progressivement dans le psychédélisme éthéré du « More » de Pink Floyd. Un rayon de soleil éclaire quand même « What is this ? », une composition atmosphérique qui nous entraîne au cœur d’un Mercury Rev. L’album s’achève par « My phantom limb ». Cette finale réverbère des échos spectraux et des harmonies vocales désynchronisées qui finissent par se démultiplier jusqu’à l’infini.
Fallait quand même en parler, mais existentialistes, les lyrics traitent du chaos et de l’effondrement du monde contemporain. Pas une surprise, puisque Gira revient régulièrement sur le sujet. Bref, les aficionados d’Angels of Light et de Swans devraient être aux anges (?!?!). Pour le mélomane lambda, l’écoute de cet album risque d’être épuisante et déprimante, à moins que vous ne l’abordiez avec un sens du 2ème voire 3ème degré. Une chose est sûre, on ne peut pas dire qu’au cours de sa carrière, Michael Gira (NDR : il est aujourd’hui âgé de 65 balais) ait accepté le moindre compromis. C’est tout à son honneur, même si le personnage est plutôt hermétique, quand on s’intéresse à son discours…