Il faut avouer qu’après avoir écouté une première fois le douzième elpee studio de la formation d’Oklahoma City, j’étais un peu décontenancé. En fait, il y a un bon bout de temps que le groupe n’avait plus commis de disque aussi alternatif. C’était en 1997. Un drôle de projet baptisé « Zaireeka » et subordonné à la technique du ‘surround sound’. Pour la circonstance, les quatre cds devaient être écoutés en même temps sur quatre systèmes sonores différents. Mais en se grattant un peu la tête, il faut reconnaître que la discographie antérieure, commise à cette période était encore plus aventureuse et audacieuse. A l’instar de celle du Mercury Rev originel. Donc finalement, la surprise n’en était finalement pas une. Mais un juste retour aux sources…
« Embryonic » est double. Et recèle 18 plages. Après avoir lu de nombreuses chroniques rédigées par toute une série de magazines spécialisés, j’ai presque cru que les Flaming Lips s’étaient contenté d’écouter en boucle l’œuvre complète du Pink Floyd, pour concocter un tel opus. Conclusion facile lorsqu’on sait que Wayne Coyne a déclaré vouloir enregistrer une nouvelle version du « Dark side of the moon ». Mais largement insuffisante, lorsqu’on analyse soigneusement le contenu de ce disque.
Du Floyd, on en retiendra « Evil » et « If », interludes empreints de douceur, réminiscents de « The Wall ». Le torturé et lugubre « See the leaves », manifestement inspiré par « More ». Et puis l’une ou l’autre trace ‘floydienne’ disséminée aux quatre coins de l’œuvre. Dont les harmonies vocales éthérées, sinusoïdales, si caractéristiques de « The Piper at the gates of dawn ». Et puis d’inévitables envolées semi-spatiales, semi-psychédéliques, tentaculaires, rencontrées sur « Animals ». La trame est posée. Reste maintenant à en déceler les subtilités. D’autant plus que la solution sonore emprunte autant au free jazz (Miles Davis, Coltrane), à la noisy (Sonic Youth), à l’électro (Kraftwerk), au krautrock (Can) qu’à la prog (King Crimson et les ‘frippertronics’ du tandem Brian Eno/Robert Fripp, mais également Todd Rundgren). J’allais oublier : et le psychédélisme. Sous toutes ses formes ! Wayne refuse de reconnaître avoir concocté un concept album. Mais quand on traite tout au long d’une même œuvre, de la force, de la faiblesse, de la liberté, de la responsabilité et du chaos (NDR : tiens, un thème auquel se réfère également Mercury Rev), on est en droit de se poser des questions. Une philosophie développée par le mathématicien Thorsten Wörmann, particulièrement branché sur le sujet ; et dont un discours est collé sur « Gemini syringes ». Bref, Coyne a peut-être envie de brouiller les pistes pour mieux nous mener en bateau (NDR : ou en vaisseau spatial, si vous préférez !) Mais bon, c’est aussi une belle manière de ne pas dévoiler toutes les facettes de son imagination débordante. Lors des sessions d’enregistrement, Karen O des Yeah Yeah Yeahs est venue poser quelques feulements sur deux titres, alors que MGMT a participé à la confection de « Worm mountain », une chanson atypique, tour à tour hymnique et participative (Arcade Fire ?), furieuse, puis menaçante. Afin de ne pas vous noyer de références, je ne vais pas décortiquer chaque compo. Je vous laisse le soin de découvrir, plage après plage, un des albums les plus complexes et créatifs de l’année. Peut-être de la décennie…