Le dernier disque de Thomas Fersen (son neuvième hormis les live), intitulé « Je suis au Paradis » est une suite de portraits farfelus de personnages et de contes macabres et fantastiques, connus ou inventés. S'y côtoient ainsi Dracula, Barbe Bleue, un loup-garou, Sandra (jeune fille fantôme qui hante la maison et l'esprit du narrateur-chanteur), le Balafré (joueur de scie musicale aimant fermer les yeux pour mieux la faire sonner, se mutilant par mégarde), le squelette du train fantôme de la Foire du Trône, l'enfant sorcière, la vieille momie égyptienne du musée...
Un univers drôle, comme toujours chez Fersen, sur des thèmes plutôt sombres et morbides, empruntés à un imaginaire d'enfants pas sages.
« La Barbe Bleue » est un dialogue entre le fameux tueur de femmes et... sa régulière, qui lui demande pourquoi ‘ça sent bizarre dans ton placard, ça sent le pourri dans ta penderie’. Pour rassasier sa curiosité et l'empêcher de voir (les cadavres des épouses précédentes qui commencent à sentir fort), Barbe Bleue cherche à détourner son attention en faisant l'inventaire de sa garde-robe, donnant l'image d'un personnage très coquet.
Dans « Félix », troisième titre du disque, un centenaire nous chante son appétit de vivre et de profiter des plaisirs de la vie, en entonnant ce petit refrain ‘Je jouis, je jouis c'est inouï’ auréolé d'envolées angéliques de chœurs et de carillon. L'orchestration est agrémentée d'un violon, de sonorités celtiques, sur lesquelles se pose la voix, au flegme habituel.
Les textes sont amusants, toujours bien écrits (en alexandrins), mais on pourrait regretter que tout l'album soit empreint de la même mélancolie monotone. Les rythmes sont plutôt lents et la voix ne fait pas d'excès.
Fersen a toujours eu cet accent nonchalant dans la voix, ce n'est pas un hasard s'il a composé « Dugenou », mais on l'a tout de même connu plus énergique (citons seulement « La chauve-souris » et « Ne pleure plus »).
« Je suis au Paradis » a certes bien des qualités, mais s'il ne sent heureusement pas le pourri, il sent peut-être un peu la naphtaline.