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RIVE

L’objectif du couple est de créer une relation dans laquelle chacun peut s’épanouir tout en permettant à l’autre de garder une certaine forme de liberté…

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Deux albums encensés par la critique, des clips léchés, une esthétique soignée, un duo sexué et une pop organique envoûtante. Ce sont quelques superlatifs résumant parfaitement la culture de ce binôme convaincu et convaincant.

Derrière cet idiome, se cachent Juliette Bossé, féministe assumée, et Kévin Brieuc, le rêveur mélomane. Ils sont issus de Bruxelles et sont venus défendre les couleurs de « Collision », un prétexte pour se plonger dans les entrailles d’une rencontre amoureuse passée, le besoin de liberté et l’évolution de chacun des protagonistes, sous un angle lumineux et plein d’espoir. Un conte chanté entre rêve et réalité…

Sans doute, faut-il y déceler un enjeu féministe de taille, l’objectif de la demoiselle étant de retrouver sa place dans la société et de faire écho auprès de toutes celles qui vivent une situation identique.

Bénéficiant d’une production musicale audacieuse, grandiloquente, mais orchestralement portée par une émulsion artistique spectaculaire, la musique de RIVE s’inscrit dans l’air du temps en abordant des thématiques universelles et intemporelles.

Pour ce second elpee, RIVE change de ton et gagne encore en crédibilité tout en s’imposant de plus en plus comme une valeur sûre de la scène francophone.

Juliette et Kévin se dévoilent en toute intimité au travers un jeu de questions/réponses.

Le fil rouge de votre nouvel opus, « Collision » raconte l’histoire d’une relation amoureuse passée, le besoin de liberté et l’évolution de chaque individu. Alors qu’il est difficile de parler d’une liaison qui est terminée, vous avez réussi de la traduire en disque plutôt lumineux et plein d’espoir. Comment avez-vous abordé l’angle créatif ?

Juliette : Je suis contente de t’entendre dire que cet album est lumineux. Il était important pour Kévin et moi de conserver cet aspect lumineux dans notre musique. En réalité, il a été conçu en deux temps. J’ai rompu durant la période de confinement. Nous disposions de chansons très intimes liées à ce que je vivais personnellement et plus généralement au contexte global. Je me suis reconstruite ensuite petit à petit. « Rêver grand » et « « Sole rosse », par exemple, ont été écrits durant cette seconde phase, alors que des ballades telles que « Polaroid » avec Sofiane Pamart ou « Manque moi » font écho à la tristesse profonde que j’éprouvais. Le disque reflète donc ces deux atmosphères.

Avez-vous travaillé de la même manière que sur « Narcose » ?

J : Non, à l’époque, j’étais davantage dans la composition. Kévin s’est chargé ici de la production des musiques.

Nous vivions en colocation. Lorsqu’il me proposait des compos, il devinait immédiatement mon état d’esprit. Il existait une vraie interaction. Lorsque nous étions sur la même longueur d’onde, je posais des mélodies de voix et des paroles. Par rapport au premier album, l’approche était donc différente.

Kévin : Sur le premier, Juliette se chargeait des accords de guitare et de piano. Les arrangements étaient réalisés ensemble. Lorsque nous avons commencé à construire ce nouvel album, Juliette n’était pas au mieux de sa forme, alors je me suis consacré à la production. Je lui proposais des idées et nous discutions quant à l’opportunité de les garder ou non. Elle avait ensuite carte blanche pour les voix et mélodies de voix. C’est de cette façon que « Collision » est né.

J : Kévin et moi avons toujours eu recours à ce type de collaboration, que ce soit sur les paroles ou la musique d’ailleurs.
K : Lorsque ton morceau n’est qu’instrumental, tu peux le faire claquer. Ce n’est pas un problème. Mais lorsque la voix s’y pose, tu es obligé de le faire évoluer différemment, une adaptation s’impose.

Juliette, à l’écoute de tes chansons, je déduis que les échecs amoureux transportent autant que les réussites, voire plus. Est-ce la réalité ?

J : Tout dépend des personnes ! En ce qui me concerne, j’étais tellement triste que je ne pouvais écrire que sur cette thématique. En même temps, il était difficile d’imposer à Kévin des textes liés à des chansons d’amour. Mais, j’étais vraiment dans cet état d’esprit. Comme je l’ai abordé tantôt, j’ai vécu cette phase obligée de reconstruction, raison pour laquelle le disque contient des plages comme « Rêver grand » qui aborde l’ambition et le fait de vivre ses rêves. Oui, effectivement, le chagrin rend créatif, je dirais qu’il s’agit d’une obligation, d’une urgence. C’est ‘cliché’, mais je crois qu’objectivement, transformer ce chagrin en musique a été salvateur et révélateur.

Au fil des compositions, tu sembles partagée entre l’envie de poursuivre cette relation amoureuse ou retrouver ta liberté. Y a-t-il une résolution féministe dans cette décision ?

J : Totalement ! Parfois, nous vivons des relations qui ne nous conviennent pas. Mais aussi, au sein desquelles on peut être hyper amoureux. D’un côté, ces relations rendent malheureux, alors que de l’autre on a envie de vivre intensément cette passion amoureuse. En filigrane, se pose alors la question de cette liberté. Les chansons abordent cette émancipation, cette lutte permanente entre cet amour tout puissant, la souffrance et cette envie de retrouver cette liberté perdue.
En ce qui me concerne, je l’ai enfin retrouvée. Lorsqu’une relation ne fonctionne plus, il faut fuir. C’est difficile, mais il faut trouver la force et le courage de le faire.

Fusionnel ou très indépendant, chaque couple a sa propre notion de la liberté, finalement. J’estime qu’il est difficile, voire malaisé d’établir une norme dans le fonctionnement d’un couple…

J : Je vivais avec une personne très différente de moi. Nous nous étions enfermés dans une relation assez toxique. La seule issue est alors de la fuir. L’objectif du couple est de créer une relation dans laquelle chacun peut s’épanouir tout en permettant à l’autre de garder une certaine forme de liberté. Construire un couple dans lequel les deux individus restent libres constitue pour moi la plus belle preuve d’amour.

La thématique des relations n’est pas neuve chez vous puisque « Fauve », un titre issu de votre opus précédent, traitait déjà du désir et de l’alchimie des corps qui s’étiole, même si l’amour perdure. Il est de coutume aujourd’hui que les artistes se dévoilent voire se mettent à nu. L’intime est-il politique et doit-il être dévoilé ?

J : Je le pense, effectivement ! Dans le milieu féministe, on dit souvent que l’intime est politique. En exprimant ce qui se passe au sein du couple, le rapport aux corps, la relation, l’amitié ou encore la famille, on touche aux dimensions universelles. A partir de là, on peut être à même de comprendre d’autres situations. L’intime est politique parce qu’il est universel effectivement ! Il faut en parler. C’est d’ailleurs le comportement adopté par de nombreuses féministes, en révélant les rouages de la sexualité. Ce sont des sujets qui concernent tout le monde.

En abordant des sujets aussi personnels, ne craigniez-vous pas que ce disque soit perçu comme très autobiographique ?

K : La voix à elle seule porte le message. Lorsque je compose un morceau en instrumental, l’émotion est créée par la musique. On est alors envahi de joie, de tristesse ou de nostalgie. Tout va passer par une série d’accords. Le chant appartient à l’intime parce qu’on va s’identifier à la chanteuse.
J : Kévin et moi sommes très proches. Il a toujours été très présent dans toutes les étapes que j’ai vécues. J’ai fait de même pour lui en ce qui concerne ses relations. Il est donc tout à fait naturel que Kévin partage musicalement cette intimité. Ce qui me touche, le touche aussi. On est suffisamment proches que pour porter à deux un projet aussi intime.

« Dictaphone » clôture l’album. L’histoire de ce titre est cocasse. Tu te trouves en Bretagne, il est six heures du mat et tu enregistres, sur ton dictaphone, les derniers moments d’une relation toxique en t’éloignant définitivement de la maison où tout s’est déroulé. Dans quel état d’esprit te situes-tu à ce moment très précis ? Le fait de pouvoir poser ces mots a-t-il été libérateur ?

J : Exactement ! Une rupture est forcément quelque chose de compliqué à gérer. C’est un moment de solitude extrême. Disposer d’un téléphone et lui parler était en quelque sorte une manière de communiquer avec la Juliette du futur. Une façon de me dire que je n’étais pas la seule. Je me suis permise d’exprimer mon départ, valise à la main par un beau matin glacial de Bretagne. Je crois que c’était une manière de conjurer ma solitude. J’ai souhaité poser ce message sur l’album parce qu’il colle parfaitement à l’histoire. Il s’agit d’un moment fort. Il faut y voir une délivrance. J’aurais été touchée si j’avais pu entendre quelqu’un s’exprimer de la sorte. Sans doute que ce message aurait fait écho en moi. On a tous vécu des tristesses amoureuses, des déceptions, des engueulades. Dans ces situations, on a tous l’impression d’être la personne la plus seule au monde.

Justement, vous avez commencé le concert par ce morceau. Est-ce une manière de boucler la boucle ?

J : Oui, évidemment ! J’adore la relation entre la tristesse de « Dictaphone », qui annonce le départ en plage de fin et « Rêver grand », en ouverture du disque. En concert, nous enchaînons les deux. On passe de la tristesse à la magnificence de la vie, l’espoir et l’ambition. Les deux titres vont très bien ensemble car ce sont des volets de la vie. D’un côté, celui de la joie, de l’émotion et du merveilleux et de l’autre de l’intime et de la souffrance. Ces émotions forment un joli panel d’extrêmes.

Ressasser les mêmes histoires à tout bout de champ, de concerts en concerts, ne risque-t-il pas de te cloisonner émotionnellement. Et si au lieu de tourner la page, tu la déchirais ?

J : La page est tournée et bien tournée ! Parfois, en concert, j’aime me replonger dans ces sentiments de l’époque, des sentiments forts, de tristesse et de joie intense issus d’une passion amoureuse. Le fait d’y retourner me rend vivante. Je suis parvenue à prendre du recul. Aujourd’hui, ce sont des chansons qui appartiennent aux gens. Je communique un message qui doit les toucher. Enfin, j’espère…

Sais-tu si la personne à qui tu t’adresses a écouté l’album et compris les messages qui lui étaient destinés ?

J : C’est le but ! Certaines chansons ont été écrites lorsque nous étions encore ensemble. Oui, effectivement, cette personne a écouté le disque et l’a même apprécié. Elle nous a félicité aussi pour le travail effectué. Aujourd’hui, c’est loin tout ça. Pour être franche, je ne crois pas que cet individu soit capable de livrer son intimité à l’heure où nous parlons. Qui sait dans 20 ans… Je suis en tout cas vaccinée contre les relations passionnelles. Cependant, je suis très heureuse de l’avoir vécue. Elle m’a fait rêver. Mais, en même temps, j’étais triste aussi. C’est très dangereux finalement parce que, selon moi, ce genre de relations peut mener à la mort de soi, voire la mort concrète. Il y a cette dualité extrême de joie et de tristesse. C’est également un apprentissage car on expérimente quelque chose de très intense. De l’exploration de soi et de jusqu’où on peut aller par amour pour quelqu’un. Le plus important reste de s’en sortir. Mais beaucoup de personnes n’y parviennent pas, malheureusement.

« Narcose », votre premier opus, baignait dans une veine électro. Ici, la ligne artistique diffère puisque « Collision » met davantage l’accent sur le côté organique. En opérant ce choix, n’y avait pas un risque d’altérer la nature même de RIVE ?

K : Ce n’est pas par dépit que nous avons opéré ce choix. C’est délibéré. Comme nous avons débuté l’écriture de l’album durant le confinement, nous recherchions des instrumentaux un peu plus sensibles. Pour y parvenir, le piano a été un allié de taille. Il est devenu un fidèle compagnon de choix, de vie et de route durant tout le processus de création. Il correspondait aussi avec l’état d’esprit dans lequel Juliette se trouvait à ce moment-là. On a voulu garder cette atmosphère organique, l’orchestration, l’ambiance du piano et du violon. Des compos comme « Obsession » ou « Orage » baignent plutôt dans cette veine néo-classique. Le côté électro est effectivement moins présent comparativement à notre premier opus. En tout cas, on y a recours de manière plus sensible et plus subtile.
J : On aime bien explorer et changer de direction. C’est un exercice que l’on pourrait réitérer à l’avenir. On ne voulait pas faire la même chose.
K : Oui, nous nous refusions à un bis repetita. Nous voulions surprendre, même en ce qui concerne les textes. Ici, ils sont moins imagés, la musique n’a donc pas besoin d’artifices. On a davantage misé sur l’intime et les messages véhiculés.

Oui, effectivement les textes sont plus que jamais ciselés et mettent en exergue la justesse du propos. Faire passer autant d’émotion aurait été plus compliqué dans une autre langue ?

J : Nous ne sommes pas fermés à l’écriture d’une chanson en anglais dans le futur. Le français est la langue dans laquelle je m’exprime le plus. Avant ce projet, nous avions un projet rock dans lequel l’anglais primait. Depuis que nous chantons dans la langue de Voltaire, nous n’avons jamais autant voyagé. Le réseau de la francophonie est assez développé. Paradoxalement, en Chine ou au Brésil par exemple, il existe un vrai public pour la chanson française. Il y une forme d’aura autour de ce style musical.

RIVE, c’est évidemment la musique, une prose poétique, mais aussi une esthétique et une culture à l’image très imprégnée, notamment à travers ce nouvel artwork (NDR : réalisé par Laetitia Bica) qui montre le reflet transformé de ton visage. Référence à cette transformation où on se découvre soi-même ?

J : L’album s’intitule « Collision ». La collision peut naître de l’affrontement vécu dans une relation difficile avec quelqu’un de très différent. Ce genre de relations nous oblige aussi à nous confronter avec d’autres facettes de nous-mêmes. On peut évidemment entrer en collision avec soi. C’est l’image reproduite par la pochette. Le reflet renvoie une photographie différente, un peu difforme, celle d’une femme qui a changé à la suite de cette expérience. Celle d’une femme qui se redécouvre en quelque sorte.

Temple Caché à qui vous aviez fait appel dans le passé, notamment pour « Vogue », « Justice » et « Fauve », a de nouveau participé à cet elpee.

J : Oui, effectivement. Nous avons une confiance totale en Temple Caché. Nous avons beaucoup bossé avec cette équipe. On adore leur univers magique qui fait rêver. Nous sommes très contents d’avoir pu collaborer à nouveau avec eux et plus particulièrement la réalisatrice Clara Liu.
K : Cette collaboration permet de créer un lien entre les deux albums. « Narcose » date de 2019. Quelque temps après, nous avons été touchés de plein fouet par la COVID et ses périodes successives de confinements. Temple Caché a donc créé cette passerelle pour le retour de RIVE. Nous avions besoin d’un visuel fort.
J : Nous avons aussi reçu le concours d’autres artistes, dont Super Tchip pour le clip « A-m-o-u-r » ou encore Jean Forest pour « Obsession ». Nous sommes impatients d’en découvrir d’autres et il n’y a aucune raison d’agir autrement si l’occasion devait se représenter.

Lors de vos tournées précédentes, vous vous produisiez à deux sur scène. Un troisième vous a rejoint ; il se charge du piano et de la basse. On en a parlé tantôt, cet LP est davantage organique, alors que le précédent était davantage focalisé sur les arrangements. Entre production et émotion, où se situe le juste milieu ?

K : Les arrangements étaient nettement plus présents sur le premier album parce qu’il revêtait un caractère nettement plus instinctif. Nous nous étions présentés à un concours avec trois titres et nous l’avons gagné. Au départ, nous devions tenir vingt à trente minutes sur scène pour basculer ensuite à soixante. Nous avons donc conçu ce disque en fonction de celles et ceux qui en voulaient toujours plus. Il a été réalisé de manière progressive et instinctive. Il en résulte un produit fignolé, mais avec des choses qui partent dans tous les sens. La musique prenant l’ascendant, la voix importait moins, raison pour laquelle elle était plus imagée.

Puisqu’on parle de concours, quelques années plus tôt, avant de participer à ‘Du F. dans le texte’ vous déclariez n’avoir aucune dynamique de travail particulière et de prendre les choses comme elles venaient. Comment abordez-vous aujourd’hui votre travail ?

J : Nous bossons tranquillement depuis la maison. Le travail de production est réalisé via nos ordinateurs et le piano sur place. J’enregistre les voix chez moi. La colocation facilite les opérations. Le mix, quant à lui, est réalisé en studio. C’est notre manière de fonctionner. Pour le live, nous participons à pas mal de résidences, ce qui nous permet de travailler en profondeur et de préparer la scène.

Vous avez reçu le concours du pianiste Sofiane Pamart et de la chanteuse suisse Sandor, pour enregistrer ce long playing. Vous les aviez rencontrés auparavant ?

J : Nous avions croisé Sofiane au Canada, à Québec plus précisément, où nous avons fait un gros plateau. Le courant est relativement bien passé. J’ai collaboré avec lui et Scylla sur l’album « Pleine Lune 2 ». Par la suite, je l’ai sollicité afin qu’il me propose un morceau au piano ; j’y ai ajouté une mélodie de voix et des paroles.
Quant à Sandor, nous nous sommes rencontrés à Québec, en Suisse et en France. Nous nous intéressions à son parcours. Et c’était réciproque. Comme on se voyait très peu, les réseaux sociaux restaient notre meilleur allié pour communiquer. Nous avons ensuite composé un morceau ensemble. Cette artiste est mon alter ego suisse. Nous avons une trajectoire parallèle. Je suis très contente d’avoir pu échanger avec elle.

« Collission » a été mixé par Lionel Capouillez (Stromae). Pourquoi l’avoir choisi précisément et quelle est la plus-value apportée ?

K : Notre album était déjà produit à la maison. Nous voulions que Lionel puisse faire ressortir la voix un maximum et que la musique reste un support. Nous souhaitions un travail différent du premier album. Nous avions cette volonté d’expérimenter un autre créneau.
J : Oui, c’est exact ! La priorité était de faire un gros travail sur la voix afin de la rendre dynamique. Lionel Capouillez est un mec très sympa et très efficace.

Vous faites de la musique ensemble. Vous vivez toujours en colocation. L’un de vous a-t-il un ascendant sur l’autre ? J’imagine que garder l’église au milieu du village, pour reprendre une expression populaire, ne doit pas être facile au quotidien…

J : Comme dans toutes les relations de couple, de famille ou d’amis, il y a forcément des moments où c’est orageux. Nous nous connaissons parfaitement et nous communiquons beaucoup. On rigole pas mal aussi. On se permet de dire les choses voilà tout.

K : Justement, on peut se permettre d’être très transparents parce que nous sommes des amis avant tout. Si cette amitié n’existait pas, on ne se dirait rien.
J : J’ai aussi un chat qui s’appelle « Bisous » (rire)

Juliette, dis-moi, as-tu enfin trouvé la paix intérieure aujourd’hui ?

J : Cette histoire a pris fin il y a deux ans déjà. La période de reconstruction qui s’en est suivie a été longue. J’ai appris énormément. J’ai également engagé un travail thérapeutique par le biais d’une professionnelle. Comme tout était détruit en moi, le fait de consulter m’a considérablement aidée. Aujourd’hui, je suis très heureuse d’être sur scène et de pouvoir me produire en concert. On s’en sort toujours en construisant des relations plus belles. C’est la morale de toute cette histoire. Et je ne regrette rien.

Et si la vraie thérapie résidait avant tout de la musique ?

J : C’est un mix des deux. La musique m’a aidé, mais le soutien de cette thérapeute a été également salvateur…

RIVE

Si on parle de l'égalité femmes-hommes, il y a encore beaucoup à faire…

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Un premier Ep, « Vermillon », encensé par la critique. Un album dans sa parfaite lignée. Des clips léchés, une esthétique soignée, un duo sexué et une électro pop envoûtante. De quoi résumer parfaitement le groupe RIVE.

Derrière cet idiome, se cachent Juliette Bossé en féministe convaincue et convaincante ainsi que Kévin Mahé, le rêveur mélomane.

Ils nous viennent de Bruxelles et assurent ce soir le supporting act de Clara Luciani, une artiste française très en vogue en ce moment, grâce à sa « Grenade », véritable misandrie.

Ils s’étaient produits il y a deux ans au festival ‘Août en Eclat’ au cours duquel, le jeu des questions-réponses de Musiczine, un des premiers médias à s’intéresser à leur projet, les avait séduits.

« Narcose », premier long playing aux sonorités à la fois contemplatives, précises et exquises, risque de faire un tabac…

En se produisant lors de dizaines de concerts et de festivals, le duo s’est forgé une expérience certaine. Il était intéressant de retracer le parcours des deux jeunes artistes au détour d’un concert, préambule à la release party qui se déroulera le 14 mars, dans l’enceinte de la Rotonde.

L’année 2018 a été prolifique pour Rive. Votre premier Ep, « Vermillon », vous a permis de décrocher des nominations aux Octaves de la Musique, aux Sabam Awards, et de tourner pas mal en Belgique et en France, mais surtout au Québec et en Chine. Si vous deviez jeter un regard critique sur votre parcours depuis 2015, quel serait votre point de vue ?

Juliette : Les trois dernières années ont été magnifiques. Prolifiques aussi puisqu’au-delà de tous ces concerts, nous avons été créatifs en concoctant de nouveaux morceaux. Vraiment une belle expérience !
Kévin : J’ajouterai que nous nous sommes nourris aussi de l’environnement immédiat dans lequel on vivait ; ce qui, d’une manière ou d’une autre, a causé un impact inévitable sur notre musique. Je pense notamment aux paysages.
Juliette : Oui, Kévin a raison. Durant tout ce temps, nous avons beaucoup tourné. Nous avons rencontré du monde. Nous avons joué avec d’autres groupes aussi. L’album est la résultante de tout ce vécu !

A propos de vos prestations en Chine, quelle expérience en retirez-vous et comment le public chinois vous a-t-il accueilli ?

Juliette : Nous avons tourné en compagnie de Français, de Suisses et de Québécois. Les salles dans lesquelles nous nous sommes produits, d’une capacité variant de 300 à 1500 personnes, étaient souvent pleines à craquer. Pour la Chine, les spectateurs ne nous connaissaient pas nécessairement, mais ils étaient intéressés par notre musique et la culture francophone. L’accueil a toujours été très bon. Dès qu’on arrivait sur scène, l’hystérie était palpable. Après les prestations, on signait énormément d’autographes et les demandes de photos étaient légion. Je crois que notre style a bien plu. Nous sommes revenus au bercail vraiment très satisfaits de ce séjour…

Il y a encore quelques années, avant de participer au concours ‘Du F. dans le texte’ vous déclariez n’avoir aucune dynamique de travail particulière et de prendre les choses comme elles venaient. J’imagine que le succès, la sortie d’un disque et les tournées qui ont suivies modifient la manière de concevoir les événements…

Juliette : La pression, c’est nous qui nous la mettions ! Lorsque nous avons sorti « Vermillon », il y a deux ans, nous savions que nous ne devions pas attendre trop longtemps pour graver ce nouvel album. En réalité, nous avons enregistré un nouveau morceau tous les deux à trois mois. Les dates de réservation du studio étaient programmées à l’avance. Une manière d’être contraints de bosser en amont pour arriver le jour ‘J’ avec de la matière sous le bras. C’est vraiment notre technique de travail.

L’expression graphique est très présente chez vous. L’artwork d’abord et ensuite les clips créés par l’équipe du Temple Caché pour lesquels vous avez remporté des prix internationaux. Je pense à « Vogue », « Justice » ou encore ici à « Fauve ». Si l’esthétique est importante à vos yeux, n’avez-vous pas peur qu’elle prenne le pas sur le son et que l’on parle de Rive essentiellement pour l’image ?

Kévin : La musique a toujours été ma passion. Que ce soit dans le domaine des films, de la littérature ou encore de la bande dessinée, un milieu où nous avons beaucoup d’amis, nous aimons travailler avec ceux qui possèdent un univers fort et créatif… Il est important pour nous de soigner cet aspect visuel et esthétique, tout comme le son, dans ses moindres détails. Ce mélange de genres nous passionne véritablement.
Juliette : Oui, l’identité visuelle fait partie intégrante du projet depuis le début parce que nous y sommes sensibles. Elle constitue même une part importante de la culture de RIVE. On le ne reniera jamais…

A propos des clips, étrangement, vous n’y apparaissez jamais …

Juliette : C’est un choix ! Le but était de laisser libre cours à l’imagination des réalisateurs. Pour l’instant, nous nous en contentons. C’est très bien ainsi ! Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on n’y apparaîtra pas un jour, mais ce sera à travers une esthétique particulière, je pense.

Pour beaucoup, la musique est souvent juste un produit de consommation marketing qui n’existe que pour satisfaire un besoin immédiat. Pensez que Rive puisse traverser les âges et les générations ?

Juliette : Avons-nous un futur sur cette planète fatiguée et malade ? L’idée est de poursuivre notre chemin, c’est-à-dire créer une musique qui nous touche. J’estime que c’est ce qui est le plus important. On verra si dans le futur, le public continuera à être sensible à cet univers de la même manière. Nous restons très influencés par le passé, mais nous écoutons pas mal de musiques actuelles. Nous sommes attentifs à tout ce qui se passe aujourd’hui. Si besoin, nous nous adapterons musicalement car nous sommes très ouverts à ce sujet. Mais, dans milieu, tu sais comme moi, que l’on ne peut rien prédire…

Chez Rive, il y a peu d’instruments organiques. Juste un peu de gratte électrique, du synthé, du piano et la rythmique de Kévin. Vos chansons apparaissent donc en grande partie en fonction des arrangements. N’avez-vous pas peur que le travail de production tue l’émotion ?

Kévin : C’est une bonne question ! Nous nous la posons aussi lorsque nous élaborons les morceaux et que nous les enregistrons. Nous sommes attachés aux mélodies. On les retrouve souvent dans la pop. Lorsque Juliette compose un morceau au piano, la difficulté est d’atteindre le bon équilibre entre les arrangements et la voix. Nous aimons nous surprendre, mais au fond que faut-il ajouter pour avoir un son 100% RIVE ? L’objectif premier de la formation est de ne pas s’arrêter sur une esthétique simpliste, même si elle plutôt agréable à l’oreille. Et puis, ce travail de recherche nous amuse beaucoup. Après, libre à chacun de savoir s’il s’y retrouve ou pas.

Le féminisme et les thématiques liées à l'égalité femmes-hommes appartiennent, depuis longtemps, à votre identité. Le morceau « Nuit » abordait déjà le sujet (avec en voix off, les extraits d’une conférence de la féministe américaine Andrea Dworkin). "Filles" revient sur la troisième vague féministe et évoque le réveil du mouvement. Ce dernier a-t-il aujourd’hui toujours une raison d’exister, qui plus est en Europe occidentale ? Les femmes n’ont-elles pas la place qu’elles ont toujours voulu obtenir dans cette société moderne ?

Juliette : Quand on commerce à s’intéresser à cette question, on se rend compte qu’il y a encore énormément de travail. Ne serait-ce qu’en termes d’inégalité salariale ou de violences faites aux femmes par exemple. Ce combat est encore légitime aujourd’hui. A vrai dire, le féminisme a commencé à couler dans mes veines lorsque j’étais adolescente. Très longtemps, j’étais seule au front et on me considérait péjorativement comme la peste de service. J’ai pris ce rôle très à cœur et tenté d’élargir mon cercle de sympathisants. Aujourd’hui, il y a ce nouveau mouvement et je crois que c’est ultra positif. Il suffit d’examiner les affiches des festivals d’été. Elles recensent 80% de groupes de mecs pour seulement 20% de nanas. En Chine aussi, nous étions quatorze musiciens pour seulement deux filles. Les inégalités sont encore d’actualité à tous les échelons de la société. Crois-moi, il y a encore beaucoup à faire…

On sait aussi que ce sujet appartient également aux revendications de Clara Luciani. Hormis sa participation au groupe emblématique La Femme, elle est l’auteure de « La Grenade » qui scande ‘Prends garde, sous mon sein, la grenade’ ou encore « Drôle d’époque » qui détaille le poids de la condition féminine et son désir de liberté. Est-ce la raison pour laquelle vous avez été choisis pour assurer de la première partie ?

Juliette : Non ! Je pense que ce qui nous rapproche est la manière d’aborder les événements et de les transcrire. Nous avons joué à Marche-en-Famenne avant-hier soir et le public, à priori venu pour Clara, a été très réceptif à notre univers…

« Fauve » avance : ‘Le temps brûle nos sens ; tant d’autres que nous s’aiment et ne se trouvent plus’. Ce titre traite du désir et de l’alchimie des corps qui s’étiole, même si l’amour perdure. Etrange vision de l’amour alors que vous êtes si jeunes…

Juliette : Est-ce une étrange vision ? Je ne pense pas ! Je crois surtout que c’est un sujet dont on parle peu. La question de la sexualité dans le couple de longue durée est finalement peu abordée de nos jours. Enormément de films et de romans parlent de la relation amoureuse sans retirer la moindre information sur ces couples. Je dois t’avouer que ça me fait rire. Comment faire pour entretenir la flamme ? Même en termes de désir charnel. Ce sont des questions qui m’intéressent et je sais que je ne suis pas la seule à me les poser.

« Croisades » quant à lui évoque la nostalgie de l’adolescence. Qui étiez-vous à cette époque ?

Juliette : J’étais la même qu’aujourd’hui. J’adorais la musique, je jouais dans des groupes et j’étais ultra féministe. J’espère que j’ai évolué un peu quand même…
Kévin : Je crois que j’étais celui que je suis. J’étais rêveur et je continue de l’être. C’est sans doute pourquoi que je suis là ce soir.

Les textes sont ciselés. Ils ont du coffre et de la puissance. Souvent, on aime revivre les compositions à travers les textes. Est-ce votre cas ?

Juliette : Oui ! Faire figurer les textes sur le vinyle et le CD était une décision importante. Nous avons d’ailleurs poussé cette réflexion jusqu’au bout en les publiant sur le net et youtube. En ce qui me concerne, j’éprouve souvent le besoin de lire les paroles pour les comprendre ; car en règle générale, je me focalise un peu trop sur la musique.

A contrario un texte, quand il est écrit, est parfois plus difficile à accepter que chanté…

Juliette : Effectivement ! Perso, j’aime qu’ils soient assez courts. Je cherche à faire résonner certaines expressions ou les mots. « Justice » scande : ‘Toi contre moi et le temps contre nous’. Si les gens ne se souviennent que de ce slogan, c’est en soi déjà suffisant. Ils peuvent ensuite s’approprier le contexte et y mettre ce qu’ils désirent en fonction de leur envie ou de leur désir. Raison pour laquelle, nous n’avons d’ailleurs choisi qu’un seul mot pour illustrer nos compositions. En fin de compte, si le support est important, il est peut-être inexistant afin de permettre à l’auditeur de se laisser emmener par les mots. N’est-ce pas là l’essentiel, finalement ?

RIVE

Complices dans la musique comme dans la vie…

Écrit par

Treize années déjà que le Centre culturel de Soignies organise son ‘Août en éclat’. Gratuit et pluridisciplinaire, ce sympathique festival se déroule dans le centre historique de la ville.
Un évènement qui fédère à lui seul une vingtaine de spectacles. Outre ceux consacrés à la musique, il accueille un village des enfants, un marché du monde et des saveurs ainsi que des animations de rue.
Votre serviteur se dirige tout droit vers les loges de Rive, binôme électro pop sexué, découvert en novembre 2016 à Frasnes-lez-Anvaing dans les locaux de la Cense de Rigaux, un ancien corps de ferme gracieusement réhabilité, avec goût et raffinement…
Un véritable coup de cœur !
Formé en 2015, le tandem s’est rapidement illustré en décrochant des prix au dernier Franc’Off de Spa ainsi qu’au Bota, dans le cadre du concours ‘Du F. dans le texte’…
Plutôt populaire dans le plat pays, le tandem vient tout juste d’achever une prestation dans le cadre du festival ‘Les Solidarités’, à Namur… Il reste très en verve malgré une fatigue légitime…

Vous avez l’un et l’autre évolué au sein de projets plutôt rock. On pense notamment à ‘Juke Boxes et Arthur’. Aujourd’hui, vous formez un binôme éléctro pop en proposant des textes dans la langue de Molière. C’est un sacré changement, non ?

J. : Notre projet a pris forme, fin 2015. Nous écoutions pas mal d’électro auparavant comme celle proposée par Moderat ou Breton. Virer vers ce style musical s’est opéré assez naturellement. Quant aux textes, ils sont dans notre langue maternelle, parce qu’elle est agréable autant à parler qu’à écouter. Elle offre une palette de nuances tant dans le sens, que dans l’interprétation. Je pense que c’était un bon choix. Nous n’en retirons que du positif !

Si cet idiome permet d’insuffler davantage de subtilités dans le texte et le chant, il est plus difficilement exportable que l’anglais… Est-ce une manière de privilégier l’artistique au détriment du marketing ?

J. : Je partage ton avis ! Le français permet effectivement de faire passer davantage de subtilités. Chanter dans la langue de Voltaire nous a probablement ouvert plus d’opportunités. Nous avons ainsi joué en Suisse. Les gens ont accroché assez vite au concept. C’est très agréable. Je suis à chaque fois surprise d’un tel engouement ! Nous devrions décrocher quelques dates au Québec. En France également. Il n’y a aucune préméditation de notre part. Nous avons mené à bras le corps ce projet, sans penser une seule seconde à l’aspect stratégique ou marketing. Ne perdons pas de vue que le français s’exporte aussi. Tu sais, nous ne sommes pas les seuls à avoir fait ce choix. J’ai même l’impression que, depuis quelque temps, une nouvelle scène francophone prend progressivement forme. La Femme, en est un bel exemple. Je suppose que la formation parvient à tourner dans des pays non francophones…
K. : Personnellement, je m’en fous complètement. J’ai la chance de pouvoir faire de la musique que j’aime. Le reste n’a pas d’importance…

Lorsqu’on choisit de chanter en français, il est souvent aussi difficile de trouver un compromis dans la manière de poser les sons, la musicalité et les textes. Or, à l’écoute de votre Ep, l’équilibre est atteint. La patte de Rémy Lebbos ? Comment cette collaboration est-elle née ?

J. : Nous avons coopéré sur d’autres projets auparavant. Nous avions apprécié sa vision du travail. Nous lui avons apporté nos arrangements et lui est parvenu à magnifier le tout intelligemment. Que demander de plus ? Il est très précis et rigoureux dans son approche. Il comprend très vite le niveau d’exigence des artistes. C’est aussi un personnage haut en couleur, humainement. Nous sommes vraiment satisfaits du produit fini. Et pourquoi pas une nouvelle collaboration dans le futur ?

Il y a quelques années, Kévin, tu t’es rendu en Angleterre pour y monter un projet. On ressent dans la musicalité de Rive des relents anglo-saxons. Est-ce que ce voyage a façonné la façon dont tu conçois la musique ? Cette filiation s’est-elle dessinée naturellement ?

K : J’ai découvert la chanson française pratiquement à la naissance de Rive. J’en écoutais très peu. J’ai baigné dans la culture anglo-saxonne grâce à cette sonorité particulière et l’émotion qu’elle véhicule à travers l’instrumentation. Si tu écoutes attentivement nos compositions, tu te rendras compte de la dualité permanente entre la puissance de l’électro et la douceur des mélodies. Les textes ont du sens et recèlent ci et là quelques jolies métaphores. Juliette a énormément de talent !
J. : Les textes poétiques et ouverts étaient notre leitmotiv. J’ai par contre remarqué qu’ils pouvaient connaître parfois un double sens, ce qui n’était absolument pas prémédité. Par exemple, « Nuit » parle de toutes celles qui ont mené des combats féministes dans les années 70 afin de se réapproprier la sphère publique. Pour moi, le message est très clair. J’en ai parlé il n’y a pas très longtemps dans une interview. Des amis l’ont écoutée et m’ont avoué n’en avoir pas saisi le message. Mais, tant mieux ! Au final, chacun crée sa propre histoire.

Les événements se sont précipités pour vous. Rive est né en 2015. Vous remportez douze prix au dernier Concours ‘Du F. dans le texte’ en mars 2016. Un premier Ep est salué par la critique. Est-il plus stimulant d’avancer dans un projet en réalisant des objectifs à court terme ?

K. : Participer à ce concours a été le détonateur de notre carrière. Nous venions de réaliser un titre en studio. Nous l’avons envoyé et avons été sélectionné à notre grande surprise. Même si nous en rêvions, nous ne nous y attendions pas. Nous nous sommes retrouvés au pied du mur en quelque sorte. Nous n’avions d’autres choix que d’avancer. Et pour y parvenir, il fallait bosser dur. Les efforts ont payé ! Nous avons gagné les demi-finales et ensuite la finale. Nous avons raflé douze prix au total, ce qui n’est pas mal quand même. Nous étions assez fiers de nous. Ce succès inespéré nous a encouragés à poursuivre encore et toujours dans cette voie. Ce concours nous a permis aussi de rencontrer du beau monde avec lequel nous travaillons et de te parler, par exemple, aujourd’hui. Cette aventure est merveilleuse…
J. : Aujourd’hui, la dynamique de travail que nous nous sommes fixée nous permet d’anticiper. Nos échéances restent sur le court et le moyen terme. Pas le long terme, car le monde de la musique est tellement instable qu’il est difficile de s’y projeter dans le futur. On essaie d’avoir un maximum d’actualités aussi. Ce qui nous permet au moins de rester positif par rapport à ce que l’on fait et de continuer à travailler le plus fidèlement possible !

Vous venez de m’expliquer que participer à un concours, comme celui ‘Du F. dans le texte’, sous-entend un investissement personnel important : l’enregistrement d’une démo, tenir vingt minutes devant un jury d’experts et trente pour la finale. Aviez-vous une ligne de conduite tracée en terme de dynamique ?

J. : Pour être franc avec toi, nous n’avions que peu de dynamique de travail. On s’intéressait aux sorties d’albums et aux concerts. Nous avons connu des hauts et des bas. C’est le propre de tous les musiciens, je crois. Ce qui est chouette dans ce projet, c’est que nous n’avons pas eu de temps mort jusqu’à présent. A vrai dire, nous avons toujours vécu dans l’urgence. Produire un set de vingt minutes, de vingt-cinq ensuite, de trente et enfin de quarante-cinq. Ici, on sait qu’on doit tenir au-delà d’une heure. Ce n’est pas évident. Il n’y a pas vraiment de latence. Il y a toujours du travail et du coup, on garde toute l’énergie nécessaire… 

Le contraste est étonnant. Juliette incarne le côté ouaté de la formation par la douceur dans le grain de voix, une ligne mélodique sulfureuse et une pointe de mélancolie. Et Kévin, ton drumming est plutôt tribal. Sur scène, la magie opère. Comment vous définiriez-vous l’un par rapport à l’autre ? Complices ou complémentaires ?

J. : Pour moi, il y a les deux sans aucun doute !
K. : Je pense qu’effectivement, il existe de la complicité et de la complémentarité. Ca ne fait aucun doute. Rive est un projet commun ! On compose ensemble, on s’occupe des arrangements, des mélodies, etc. Nous avons chacun un rôle à jouer sans la moindre rivalité. Juliette et moi avons vécu nos chansons en amont au moment de leur confection dans notre home studio. Tu nous as déjà vus en concert, tu as donc remarqué que c’est sur scène qu’elles s’expriment véritablement. Ma batterie me procure un côté instinctif, voire animalier. Lorsque je suis face au public, je vis pleinement les compositions. J’ai parfois l’occasion de voir mes prestations en replay, je le conçois, j’exécute de drôles de gestes. Et alors ? Ca me fait plutôt rire ! Je te rassure, dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un de très calme et posé…
J. : Nous sommes assez complices dans la musique, mais aussi dans la vie. Il y a plus de dix que l’on se connaît. Ici, on vit en colocation, c’est pour te dire… On se voit donc tous les jours. Ca aide ! C’est même plutôt une chance. Nous sommes assez complémentaires aussi. Je m’attache aux mélodies, aux paroles et à l’aspect des chansons. Kévin, lui, se consacre davantage aux arrangements. Il n’y a aucune compétition entre nous. Les tâches sont bien réparties. C’est très agréable de travailler de cette manière…

A votre avis, la mouvance electro pop/dream pop dresse t-elle un pont entre les musiques du passé et une véritable modernité ou alors doit-elle être perçue comme un fossoyeur du rock’n’roll ?

K. : Je ne pense pas qu’il faille voir les choses sous cet angle. C’est l’époque qui veut ça. Aujourd’hui, il y a plus de techniques et de technologies qu’auparavant. Les musiciens aiment expérimenter. Certains de nos titres regorgent d’arrangements, d’autres moins. En tous cas, nous pouvons sans problème les adapter en piano/voix.
J. : Sur les planches, il y a une batterie, une guitare et un piano. Nous restons attachés aux instruments. Nous aimons en jouer, c’est sûr ! Je partage l’avis de Kévin, quand il affirme que tenter de nouvelles expériences peut devenir très vite agréable. A la maison, nous disposons de matériel assez minimaliste qui ne nous coûte pas très cher. Juste un ordinateur et une carte son. Ce qui nous apporte plus d’autonomie. On prend le temps de chercher et de composer à notre rythme. On reste assez libre…

« Vermillon » a été financé par la plateforme de crowdfunding ‘Kiss Kiss Bang Bang’. Est-ce que le financement participatif est devenu une formule inéluctable aujourd’hui ?

J. : Non, ce n’est pas un passage obligé. Chacun finance ses projets comme il le sent. Ce métier est difficile. Des moyens financiers importants sont exigés. Pour ma part, je crois qu’il faut vivre avec son époque. J’estime qu’il faut considérer cette démarche comme une prévente, nous assurant au moins d’écouler quelques albums.
K. : Se produire en duo rend forcément la part contributive de chacun plus importante. Lorsque tu milites au sein d’un quintet par exemple, ce sera de facto plus facile parce que l’investissement par tête de pipe sera moins important mathématiquement. D’où cette idée du crowdfunding.

Sur cette plateforme, le don maximal (850€ ou plus) donnait droit notamment à un concert privé chez le donateur. Avez-vous obtenu le succès escompté ? Dans l’affirmative, combien de concerts ont été accordés sous cette forme ?

J. : Nous n’avons pas eu cette chance (rire). Le projet était encore peu connu. Nous n’avons donc pas eu le succès escompté (rire).

A propos de l’artwork, que représente la symbolique du corps modelé ‘Renaissance’ et le bateau à la place de la tête ?

J. : Il faut appréhender ces éléments sous l’angle du contraste. Le corps de cette femme au buste corseté représente l’enfermement, tandis que le bateau, lui, tend vers l’imaginaire et le rêve. Tu as envie de crier ‘Allons à l’attaque, larguons les amarres’. Une jolie manière d’aborder la vie en quelque sorte…

Le clip de la chanson « Vogue » vous a propulsés auprès du grand public en cumulant plus de 115 000 vues sur Vimeo. Le clip réalisé par Julie Joseph évoque le même contraste que la chanson. Aviez-vous des idées bien définies sur le sujet ou lui avez-vous laissé carte blanche ?

K. :  Julie était notre colocataire. Nous avons vécu ensemble et sommes restés très proches. Nous avons vraiment démarré le projet ensemble. Nous à la musique et elle à la réalisation du clip. C’était une chouette collaboration !

Vous étiez déjà bookés dans certains festivals avant même la sortie de votre premier Ep. Au final, vu la crise que traverse l’industrie musicale, les concerts ne sont-ils pas plus un environnement et le disque un prétexte ?

K. : Les programmateurs avaient écouté les morceaux préalablement. Je pense que le disque est important en tant qu’objet. Nous y avons mis tout notre cœur. Il s’agit donc d’une carte de visite à ne pas négliger. Lorsque nous jouons en live, la dynamique est différente. Les gens qui ne te connaissent pas nécessairement viennent te voir et apprécient ou pas, l’univers musical dans lequel tu tentes de les porter. Je dirais que le disque et les concerts se complètent assez bien. Quitte à choisir, nous préférons quand même la scène…

Vous êtes d’origine française ! La Belgique est souvent perçue de l’extérieur comme un pays surréaliste à bien des égards. Comment percevez-vous cette assertion ?

K. : C’est drôle que tu poses cette question parce que nous en discutions justement tout à l’heure dans la voiture. La Belgique est un pays qui accueille énormément de festivals. Le public est réceptif et sympa en général. Il existe aussi pas mal d’échanges entre les groupes. Nous avons découvert de belles choses depuis que nous y sommes. Je trouve qu’on a beaucoup de chance de vivre et de jouer dans ce pays…

La mode est aux reprises iconoclastes. Il y a quelques minutes, sur scène, vous avez formidablement repris un titre de Léo Ferré. Là maintenant, si vous deviez tenter à nouveau le coup, quelle chanson choisiriez-vous ?

K. : En ce qui me concerne, j’aimerais reprendre un titre de Françoise Hardy. J’adore cette artiste. Juliette l’ose parfois et sa version lui va très bien.
J. : Avant de reprendre un morceau, il faut déterminer ce que l’on peut y apporter. Il faut pouvoir accomplir les tâches étape par étape, sans se précipiter. D’abord l’aimer et ensuite lui apporter une plus-value, sans quoi l’exercice risque d’être inutile…

Kiss & Drive

Vouloir c’est pouvoir…

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Elle a gagné l’édition 2010 du Concours Circuit. Haut la main. Qui ? Elisabetta Spada, alias Kiss & Drive. Elle est italienne, mais s’est établie en Belgique, il y a 6 ans. La musique ? C’est une passion qui vit en elle depuis qu’elle est toute petite. Mais avant de pouvoir s’y consacrer pleinement, elle a longtemps rongé son frein. Elle s’explique…

« Quand j’étais enfant, la musique était déjà en moi. Toute petite, je dansais et chantais. J’imitais Maria Callas. A l’âge de 12 ans, je souhaitais apprendre à jouer du saxophone. Mais ma mère n’a pas voulu. Elle justifiait son veto par ma trop grande distraction à l’école. Pour elle, il ne fallait pas que j’ajoute une activité supplémentaire susceptible d’accentuer cette tendance à la dissipation. Sa décision a été pour moi une grande frustration. Mais à un certain moment de mon existence, j’ai eu l’opportunité de prendre mon destin en main ; car il était évident que c’était la musique qui me parlait et me permettait d’exprimer un tas de sentiments profondément enfouis en moi. Elle devenait même totalement libératrice… » Gagner le Concours Circuit a donc conforté sa décision. Elle ajoute : « J’avoue que personnellement, cette victoire légitime ma détermination à quitter le Parlement. C’est arrivé au bon moment. J’ai le sentiment d’avoir opéré le bon choix. Et cet événement va me rendre plus forte encore par rapport aux personnes qui s’inquiètent de mon sort ou me posent des tas de questions sur mon avenir, craignant que ce soit trop risqué d’abandonner mon job, doutant de ma réussite ou me louant pour mon courage. Un peu de courage, oui, mais aussi du réalisme. Car ce que j’entreprends, j’essaie toujours de le réaliser du mieux que je peux. Or, pour l’instant, mes chansons touchent les gens. Aussi, c’est dans cet esprit que je vais continuer à travailler. Aujourd’hui, c’est mon dernier jour de prestation. Je dois vider mon bureau. C’est un moment un peu particulier, surtout après avoir bossé ici pendant 5 ans… » Un pause-carrière, je suppose... La réponse fuse : « Non, je quitte mon emploi. Parce que je n’étais pas fonctionnaire. Donc, je n’ai pas le droit de prendre une pause-carrière. Mon contrat se terminait à la fin de l’année, et je l’ai laissé s’achever, sans le renouveler. Et puis on verra. Si je ne parviens pas à vivre de ma musique, je trouverai bien des petits boulots complémentaires. J’ai toujours le temps d’y penser… »

Avant de se lancer dans une carrière (presque) individuelle, Elisabetta à participé à l’aventure Hands Up Boys, en compagnie de Cloé Defossez. Les deux filles sont toujours très amies, mais Elisa n’a pas encore eu l’occasion d’aller voir la nouvelle formule du groupe de Cloé. « En fait, le groupe a surtout joué à l’extérieur de Bruxelles ; et pour moi, c’était assez difficile de me déplacer, car j’était engagé dans les éliminatoires du Concours. » Kiss & Drive, un drôle de patronyme. Et un choix qui méritait une explication. « C’est un nom très évocateur pour moi. En fait, je me suis inspiré d’une inscription figurant sur un panneau installé en face de l’aéroport de Zaventem. Je voyage beaucoup. Je rentre régulièrement en Italie, pour voir ma famille. J’ai trouvé la combinaison des deux termes plutôt amusante. Une connexion entre l’amour et l’aéroport au sein d’un endroit institutionnel. Pas dans un bistrot ou quelque chose du style. Et comme je vis en Belgique, je ne voulais pas utiliser mon nom de famille. Il est naturellement italien ; et comme mon projet est en anglais, c’était préférable. Et puis j’aimais bien la formule : ‘Kiss & Dive’. Un nom destiné à devenir celui de mon parcours artistique. Pour cacher mon identité derrière mes chansons. En outre, on peut lui attribuer un tas de significations : ‘Embrasser et puis conduire. Embrasser en conduisant’ ». C’est dangereux ! « Oui, c’est dangereux ! Et toutes les fantaisies qu’on peut imaginer dans cette association de mots… » Parallèlement à ce projet, Elisabetta milite également chez Bend It. Les deux projets ont-ils compatibles ? Elle s’explique. « Oui, j’y joue encore. Et je compte même mener les deux carrières en même temps. Parce que les deux groupes attirent des publics très différents. Enfin, aussi, en fonction de la facilité ou la difficulté de se déplacer. Ainsi que l’éventail de concerts proposés. Car Bend It est un big band de 6 musiciens. Chez Kiss & Drive, je suis seule ou accompagnée par Raphaël Dodement, au piano. Ce qui nous permet de décrocher plus de dates. Et puis de bénéficier d’une plus grande liberté pour voyager. L’organisation au sein d’une formation nombreuse est plus difficile. Donc on se produit moins souvent en ‘live’. Maintenant, on verra si Kiss & Drive exige plus de temps disponible. Alors, je devrai peut-être mettre Bend It un peu de côté, pour ne pas freiner leur progression. Pourtant, j’aime bien ce concept. Leur son. L’intensité musicale libérée. Elle est très énergisante. Une expérience très distrayante aussi, car il y a une chouette ambiance dans le groupe. D’autant plus que mon esprit et également marqué par la soul. J’aime beaucoup la danse. Le rock’nroll, les années 60, la danse de couple… »

Le répertoire de Kiss & Drive est partagé, pour l’instant, entre covers et compos personnelles. Vu les circonstances et l’opportunité d’enregistrer un album, il faut croire qu’Elisabetta va se mettre à en écrire de nouvelles. Elle paraît surprise de la question. « Oui, bien sûr. Mais, j’ai éliminé progressivement les reprises de mon répertoire. Début 2010, il était équitablement partagé. Puis, au fil du temps, je l’ai étoffé de nouveaux morceaux et j’ai éliminé les reprises. Je n’en ai conservé qu’une seule, celle de Kylie Minogue (NDR : ‘It’s in your eyes’). Et c’est tout. Mon set s’étale, pour l’instant, entre 45 minutes et 1 heure » Mais sera-ce suffisant pour enregistrer un long playing, car très souvent, à l’issue des sessions, un tri est nécessaire pour n’en conserver que la quintessence. Il ne faut pas oublier que parfois, un titre qui passe bien en ‘live’, coince sur disque. Elle réfléchit : « Je n’y avais pas pensé. Tu poses des questions judicieuses. Ca m’interpelle… »

Sur scène, Elisabetta jongle avec ses pédales pour créer des boucles (NDR : ou des loops, si vous préférez). Qui lui a donc donné l’idée de se produire avec une telle machine ? Dominique A ? Elle rétorque : « Non, j’avoue, je ne le connais pas. Je dis la vérité. Je n’ai jamais entendu qu’une seule chanson, celle qu’il interprète en compagnie de Katerine. Il y a six ans que je suis en Belgique, et ici on n’écoute pas autant de chanson française, qu’en France. Car là-bas, il existe une loi qui impose aux radios de diffuser un quota de musique du terroir. Je ne sais plus exactement. 40 ou 50% de la programmation ; et j’avoue que je ne suis pas très branchée sur la chanson française. Camille, oui, je connais. Je possède plusieurs de ses albums. Une de mes amies aussi. Et puis, j’avais vu une de ses vidéos au cours de laquelle elle avait recours aux boucles. A cette époque, elle les créait pour ses vocaux. Aujourd’hui, elle est accompagnée de collaborateurs qui font du beatbox. En direct. J’ai également assisté à un concert de Cibelle. Une Brésilienne. Elle se sert également de cette machine. Donc, j’ai voulu aussi m’y mettre, parce que cette technologie permet d’apporter un plus, quand tu es seule. De ne pas seulement se contenter de chansons calmes et sentimentales, mais également rythmées. Ah oui, il y a aussi Anaïs, une autre Française qui a recours à ce système. Dominique A ? Tu es la seconde personne à me parler de lui, mais je n’ai jamais assisté à un de ses concerts… »

Elisabetta reconnaît pour influences majeures Aretha Franklin, Camille et puis les artistes folks anglo-saxons ; et en particulier Damien Rice. Etonnant qu’on n’y rencontre pas d’artistes italiens… « J’aime beaucoup Mina et toute la production de la musique italienne des années 60. Bien sûr les années 80 et 90 ont également leur richesse, mais les 60’s, c’est une époque au cours de laquelle l’esprit mélodique de la musique italienne était au sommet de son art. Des artistes que j’écoutais quand j’étais plus jeune et que mes amis ou ma famille appréciaient. Des chansons qui m’ont marquée. Mais comme il y a six ans que j’ai quitté mon pays natal, je ne suis plus très informée de ce qu’il s’y passe. » Bon c’est vrai que la scène musicale italienne se résume le plus souvent aux variétés, à l’opéra et au metal. Quant à la pop rock, elle est plus qu’alternative. Enfin, il me semble… Elisabetta argumente : « Elle existe. Mais elle n’est pas très florissante. Elle ne dispose pas d’espace. C’est un public de niche. Et le mot est faible. Il communique uniquement via internet. Mais tu sais, l’Italie est un pays où la télévision est un média incontournable. C’est un grand catalyseur d’opinion. Et évidemment, les courants alternatifs ne passent pas à la TV. Ils restent donc marginaux… » On en arrive donc à Damien Rice. « J’ai toujours apprécié les chansons guitare/voix. J’ai appris à en jouer seule. Il était plus facile pour moi d’imiter ou de reproduire des accords à l’aide de cet instrument. Mais j’aime aussi reprendre de belles chansons qui n’ont rien avoir avec ce style. Les compos de Damien me touchent beaucoup. Elles sont dépouillées, mais uniques en leur genre. Pas purement folk. Car elles évoluent dans un style particulier. Simple mais aussi très riche… »

Sur internet, on peut voir un clip vidéo de Kiss & Drive, intitulé ‘Le blues de la poule’. On y aperçoit une mascotte. Qu’est-elle devenue ? Elisabetta répond après avoir pouffé de rire « Je l’emmène partout, mais je suis un peu confuse, car j’ai oublié de la faire monter sur le podium du Botanique. Elle me soutenait, mais elle est restée cachée dans mon sac. ‘Le blues de la poule’ ? Je ne le joue presque plus… »

 

Okkervil River

L'autobiographie imaginaire

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Okkervil River nous vient de New Hampshire. Fondée à la fin des 90’s, cette formation est drivée par Will Sheff. Il en est le compositeur, le chanteur et le guitariste. Leur cinquième album vient de paraître. Il s’intitule « The stage names » et fait suite à « Black sheep boy », un disque qui avait reçu une excellente critique de toute la presse. Plus pop, le dernier opus n’en est pas pour autant moins intéressant. D’autant que ses textes sont toujours aussi inspirés, à la limite de l’autobiographie. Will nous en explique la raison…

« L’autobiographie ? Je l’adapte. J’y inclus de la fiction. Ce qui est intéressant dans cette démarche c’est ce qu’elle te procure. Beaucoup d’autobiographies se complaisent dans l’apitoiement ou à la complainte. Par contre, si tu lui apportes de l’imaginaire, tu enrichis ton récit. Et cette pratique devient une opportunité. L’opportunité de te sublimer. On arrive ainsi finalement à une autobiographie factice. Depuis l’album ‘Back sheep boy’, je parviens à écrire comme je le souhaite. C’était alors la première fois. Et lorsque nous avons commencé à enregistrer ce nouvel album, j’avais la sensation de pouvoir m’adapter. En très peu de temps je me suis senti pousser des ailes, parce que j’étais dans mon trip. » Tout au long de cet opus, on rencontre des références au cinéma, au théâtre et à la littérature. Mais finalement, Sheff, c’est un réalisateur de film, un poète ou un musicien ? « Je suis musicien. Je n’ai pas envie de devenir réalisateur de film. Oui, il est vrai que j’ai effectué une tentative dans cet univers, mais c’était un challenge. Ce n’est pas ce que je recherchais. Au départ, j’étais même intimidé. Pourquoi ? Parce qu’il faut de l’argent. Et beaucoup de temps. Et pour arriver à un résultat, des années de travail sont nécessaires. Ce job exige trop de dépense d’énergie et entraîne si peu de satisfaction. Finalement musicien me convient mieux. Ce qui n’empêche pas que je sois tombé sous le charme du cinéma. Mais ma préoccupation première, c’est d’écrire des chansons… Ce nouvel album, je le voulais différent. Lui conférer une tonalité moderne. Et le meilleur moyen d’atteindre ce but était de le plonger dans le monde du divertissement. C'est-à-dire la TV, le cinéma et en particulier les films d’horreur, les chansons pop qu’on entend à la radio. Tout en le rendant intemporel. Archaïque. Comme dans l’univers du conte… » On en vient enfin à la littérature. Ainsi Sheff aurait vécu son enfance comme un solitaire entouré de davantage de livres que d’amis. Il confesse. « J’ai dit ça moi ? Probablement que c’est vrai. Je me sens souvent proche des écrivains qui sont partis dans l’autre monde. C’est émouvant. J’ai toujours eu ce sentiment de partage et de proximité avec eux. Mais finalement, tu te sens bien auprès des personnes que tu ne connais pas. D’ailleurs, lorsque tu as l’opportunité de rencontrer des personnes que tu admires, tu es souvent déçu. A cause de la différence entre l’image que tu projettes et la réalité. Mais tu peux aussi rencontrer des êtres humains malheureux, perturbés. Il y a quelque chose de touchant, de bouleversant et de triste de se dire qu’on est plus proche d’auteurs et d’écrivains et de films que de la réalité présente. C’est ce sentiment de proximité (film, auteur, etc.) que je voulais introduire dans mon album… » Mais qui est la principale source d’inspiration de ses lyrics ? Henry Miller ? « Pas la principale. En fait, je partage chez Miller, et beaucoup de monde pense la même chose, son aptitude à brosser un portrait susceptible d’embrasser toutes les facettes de la société. Depuis le beau jusqu’au laid. Il les dépeint avec un caractère joyeux. Dans la laideur, il trouve quelque chose de beau. Il existe un espace de langage surréaliste, flamboyant, dans ces descriptions. Les émotions qu’il recherche sont destinées à ouvrir l’esprit. Que tu sois intelligent, stupide, beau ou sale. Et tout ça dans l’allégresse. Entre la beauté et la laideur, il existe quelque chose de commun. J’aime ce manque de rigueur, cette absence de structure, ce désordre… » Et pourtant, certaines compos de Will sont devenues des prédictions. Il s’explique : « Il est vrai que j’ai écrit des chansons à propos d’événements qui se sont déroulés par la suite. En quelque sorte, j’ai anticipé sur le futur. Et pour pimenter le tout d’un peu d’humour, j’ai annoncé à mes potes que j’allais consacrer une compo à ma future notoriété. Donc, c’est devenu une plaisanterie entre nous. Mais cette situation est quand même curieuse. Tu projettes un événement dans ton esprit, alors qu’il n’existe pas. Et puis il se produit. C’est très excitant pour moi… »

Quelques chansons de son denier album ont suscité la controverse. Tout d’abord ‘Plus ones’, un fragment au cours duquel Will utilise des titres de chansons célèbres écrites notamment par les Commodores, REM, Paul Simon, ? & The Mysterians et les Zombies. « Pas tellement une controverse, mais disons qu’elle a fait couler pas mal d’encre. En fait, il s’agit d’une chanson radicalement différente de ce qu’on avait pu faire jusqu’alors. Nous voulions réaliser une compo à la fois amusante et légère. Qui tranche avec tout ce qu’on avait pu concocter dans le passé. Un peu idiote même. Ce n’est pas de l’humour très subtil, mais il a le mérite de faire rire. Tu sais Dylan avait ouvert la voie sur ses albums ‘Blonde on Blonde’ et ‘The Basement tapes’. Ce sont des albums bourrés d’humour mais qui dissimulent un message. Et un gag peut aussi cacher une idée très sérieuse… » A l’instar de ‘John Allyn Smith Sails’. La formation y pastiche ‘Sloop John B’, un traditionnel immortalisé par les Beach Boys mais aussi les Byrds de Roger McGuinn. Et Will y a intégré des textes du poète américain John Allyn Smith. La version est tellement sinistre, qu’elle en devient hilarante (NDR : évidemment, pour percevoir ce type d’humour, il faut bien comprendre la langue de Shakespeare). « Tiens c’est curieux, la plupart des journalistes me parlent des Beach Boys et peu de Roger McGuinn. C’est une chanson célèbre. Au départ, je n’avais pas l’intention de la reprendre. Mais j’ai changé d’avis. Parce que c’est comme si je pénétrais dans une pièce et que je rencontrais quelqu’un que je n’attendais pas. C’est ce qui s’est produit pour ‘John Allyn Smith Sails’. Et j’entre dans la chanson. Ce sont deux compos qui s’entremêlent et finissent par fusionner… »

Les arrangements opérés sur ‘The stage names’ sont assez riches. Parfois tapissés de cordes et même de cuivres. Un peu comme chez Calexico et Arcade Fire. Will ne partage pas cet avis : « Je connais trop peu ces groupes. J’apprécie Calexico, mais si leurs cuivres sont stimulants,  ils appartiennent à l’univers des mariachis. En ce qui concerne Aracade Fire, enfin de ce que j’ai pu en écouter, nous n’évoluons pas du tout dans le même registre. J’ai parfois l’impression que la formation canadienne superpose tout. Elle amoncèle une quantité d’ingrédients de haute qualité, mais sans en soigner les arrangements. Et à la longue, ça devient ennuyeux. Je n’aime pas trop cette technique. Et leur ‘Neon bible’ m’a fortement déçu. Dans ce domaine, je préfère Scott Walker à Arcade Fire… » A ce jour, Will a pu réaliser ses rêves. D’une part, il a échangé un duo avec Daniel Johnston sur ‘Don’t fall in love’. Et puis il a joué en première partie de Lou Reed, un des artistes qui constitue une de ses influences majeures. Il a même pu le rencontrer. « Oui, c’était absolument génial de pouvoir parler avec lui. C’est un type extraordinaire. J’adore sa manière d’écrire, son œuvre. Il est difficile de parler de choses qui nous rendent heureux, parce que vous ne pouvez qu’utiliser des termes dithyrambiques… » Par contre, il ne faut pas lui parler d’alt country. C’est un sujet qui fâche. « J’aime la musique country, mais aussi la soul et le rock’n roll. En fait, je joue de la guitare acoustique, et il y a neuf ans, lorsque tu jouais de la sèche, de la steel ou du banjo, les médias te collaient cette étiquette. Le pire, c’est qu’à cette époque, ce mouvement alt country était détestable. Aussi je refuse d’y être associé. Je n’ai jamais rien eu à voir avec cette scène. Je ne suis pas allergique à la country, je l’apprécie même beaucoup, mais Okkervil River ne joue pas de la country… »

Will n’est pas toujours satisfait de sa voix. Pourtant, parfois, ses inflexions peuvent rappeler Robert Plant. Surtout lors des ballades. Mais n’a-t-il jamais pensé à partager un duo avec une voix féminine ? « J’adore le Led Zeppelin et cette comparaison me flatte. Tu sais, notre musique a quelque chose de rock classique (NDR : il aime Dylan, Leonard Cohen et Joni Mitchell, entre autres). Ce quatuor mythique n’est pas une influence, mais il est vrai que nos compos les plus paisibles peuvent rappeler le climat d’un ‘Going to California’… Maintenant, ma voix n’est pas très puissante ni accessible, pas comme celle de Bono ; et c’est peut-être un problème. Une faiblesse. Donc on s’est cassé la tête pour qu’elle puisse s’intégrer dans notre musique. Pour que le groupe l’accepte. Mais quelque part cette faiblesse est une force en soi… En ce qui concerne un duo avec une artiste féminine, c’est une idée qui me plait beaucoup. C’est une formule élégante et romantique. Mais par convention, mon entourage me déconseille vivement de la concrétiser. Donc je vais m’y risquer, parce que si l’idée est ringarde, c’est un défi à relever… »

Merci à Vincent Devos.