Les couloirs du temps se rétrécissent et il n'est plus nécessaire, de nos jours, de posséder une Delorean pour en arpenter les longueurs, largeurs ou toutes autres dimensions.
En empruntant un des vecteurs les plus communs et des plus usuels, je fais route ce mercredi soir vers des contrées hors de portée des affres de la nostalgie, inoculant cette substance non prohibée que l'on nomme simplement bon temps.
Par contre, il serait plus qu'opportun d’enfin concevoir la téléportation !
À défaut de cette grande et belle invention future, j'arrive alors qu’Elephant Stone vient d'entamer son set.
Mince, il est déjà sitar ?
Ben oui, dès les premières rasades, il est évident qu’Elephant Stone n'a pas inventé la roue ; mais ces Canadiens, emmené par leur bassiste, Rishi Dhir, disposent d’un certain potentiel pour renouer avec les trames de motifs sixties tout en y incorporant des éléments de musique traditionnelle indienne.
Passant judicieusement de la basse aux cordes pincées de son noble instrument à manche long, l'ex-membre des High Dials fait valser les compositions outrageusement pop de son répertoire.
Le résultat est donc à ranger dans la catégorie Revival aux côtés de Miles Kane, par exemple, plutôt que sur l'étagère où trônait Cornershop.
Si une écoute distraite avant leur passage n'avait guère affolé les aiguilles de mes potentiomètres, leur concert m'a permis de revoir mes premières impressions à la hausse. Beaucoup moins niaises qu'il n'y paraît à premier abord, leurs compositions recèlent de fort bonnes mélodies, rehaussées de galvanisantes montées sonores assénées par un excellent guitariste.
Et à aucun moment, les ponts brodés au sitar ne viennent encombrer le sentiment de légèreté qui émane des titres proposés.
À l'aise dans son français (et pardon aux néerlandophones), Rishi et son band nous laissent donc sur une agréable impression, tout en sourire et remerciements sincères.
Finalement, la pertinence de cette double affiche apparaît sous la lumière nouvelle de ces quarante minutes, et l'on comprend l'engouement des Black Angels de les emporter dans leurs bagages.
Du bagage, les Texans en ont pris depuis la première fois où je les ai vus en concert.
En quelques années, ils sont devenus incontournables et malgré un crochet récent à la frontière hollandaise, dans le cadre d’un festival gratuit, il n'est pas étonnant que l'Orangerie soit comble ce soir.
Le public enthousiaste (dont certains énergumènes survoltés) ne s'y trompe pas et réserve à chaque titre un accueil chaleureux.
En une heure et demie de passage à la moulinette, de télescopage chromatique et de réverbération hallucinée, les sens tanguent sous la houlette d'Alex Maas et sa clique d'anges ténébreux.
Pas de temps mort. C'est pied au plancher que le groupe d'Austin emballe son auditoire.
Chant incantatoire, pop noyée d'effets multiples, orgue grésillant et assaut de noise, le tout précieusement enrobé du linceul de gloires éternelles, du Velvet aux Doors en passant par 13th Floor Elevators.
La tête dans le tambour d'une machine qui abriterait du beau linge coloré, mais dont le bruit de moteur pétaraderait jusqu'aux portes de l'enfer, nonobstant la dose nécessaire d'adoucissant ajoutée, afin que le groupe entre dans la légende.
Un bref aperçu des titres joués ce soir permet de se rendre compte de l'évolution du band, restant intègre et fidèle à sa ligne de conduite.
Une recette sans cesse génialement réinventée qui donne substance et matière à des morceaux devenant au fil du temps classiques du genre.
Bref, on n’est pas prêt d'arrêter d'en parler de ces anges noirs.
Après cette avalanche de morceaux imparables ponctuée par « Young Men Dead » en apothéose, je n'ai plus qu'à plier genou à terre, tirant ma révérence, définitivement aux anges.
(Organisation : Botanique)
Voir aussi notre section photos ici