Deux premières parties avant le concert d’of Montreal, c’était assurément uns soirée qui allait nous mener tard. Et en ce qui concerne le premier groupe, Recorders, on n’aurait pu vraiment faire l’impasse. Enfin, ce n’est sans doute pas l’avis de la famille et des amis venus en nombre pour les applaudir chaleureusement. Ils devaient bien être 150, et la plupart se sont barrés après leur prestation. Bref, le chanteur/bassiste porte un beau masque de plumes, comme les mayas, mais il manque de voix. Le guitariste dispose d’une belle panoplie de guitares, mais on n’entend guère de notes sortir de son manche ; et si le claviériste se débrouille plutôt bien aux backing vocaux, ses interventions sont noyées dans l’ensemble. Seul le drummer assure. Mais gros problème, la section rythmique est beaucoup trop puissante, si bien que le volume monte en décibels pour aboutir à un résultat sans grande consistance…
Yip Deceiver, c’est le projet de Davey Pierce, qu’a donc rejoint Nicholas Dobbratz, deux musiciens qui militent également chez of Montreal. Au sein du duo, le premier se réserve les claviers et bidouille à l’aide d’une boîte à rythmes hi-tech. Quand au second, il joue également des claviers mais aussi parfois de la guitare. Les deux musicos chantent et leurs voix se conjuguent parfaitement en harmonie. Curieux, leurs deux claviers sont placés face à face, nous montrant le plus souvent le tandem de profil. Leur musique est excitante et dansante et campe une électro-pop directement inspirée par la face la plus disco de la new wave. Pensez à Depeche Mode, Human League, Soft Cell et même à Yazoo. Un set ma foi bien agréable et qui finalement nous a réservé une bonne surprise…
On installe quelques panneaux à la trame semi-transparente, mais de couleur blanche, au bord de la scène. En fait, ils sont destinés à recevoir des projections d’images psychédéliques, tout au long du spectacle. Tout comme ceux placés au fond de la scène en hauteur, à gauche et à droite. Des projections nées des élucubrations de Kevin Barnes, le leader d’of Montreal ; à tel point qu’on se demande si on n’assiste pas à une version détraquée du « Yellow Submarine » des Fab Four. Et le graphisme de ses pochettes, qu’il prend soin de réaliser personnellement, en est certainement la plus belle illustration. Faut dire aussi que les thèmes développés par ses chansons traitent le plus souvent de désespoir, de paranoïa et de défiance. Enfin, tout au long de ce show coloré, on aura droit aux interventions de deux personnages déguisés en rat d’hôtel. Au début, ils sont vêtus de noir, puis de blanc, prennent finalement quelques couleurs, mais jouent aussi aux fantômes, déploient de grandes ailes, font tournoyer des parasols, se déguisent en fœtus monstrueux, portent des masques diaboliques, projettent des petites bandelettes de papier ou balancent des grappes de ballons blancs dans la foule, et j’en passe… on aura même droit à une séance de crowdsurfing accomplie par un de ces figurants.
Le décor planté, venons-en aux musiciens. Ils sont huit sur l’estrade. Une claviériste, un violoniste/guitariste, un drummer, un saxophoniste/flûtiste/guitariste, un guitariste soliste (NDR : les cheveux roux, des rouflaquettes impressionnantes, il aurait pu militer au sein d’un groupe garage des sixties !), sans oublier les deux musicos de Yip Deceiver, l’un aux percus et aux bidouillages, l’autre à la basse et parfois aux claviers. Et enfin Kevin Barnes, tour à tour derrière son piano portable en front de scène ou debout derrière son pied de micro, s’accompagnant alors régulièrement à la guitare. En début de parcours, Kevin porte une veste, qu’il va ôter après quelques morceaux, pour laisser ensuite apparaitre une chemise de couleur rouge vif, garnie de dentelles. Il s’est maquillé les yeux de fard bleu et porte de longs cheveux tirés d’un côté, obscurcissant partiellement la face droite de son visage. Une tenue finalement bien adaptée à la flamboyance de sa musique.
Le set s’ouvre par les deux premiers morceaux du dernier elpee, « Gelid ascent » et « Spiteful intervention ». La musique navigue entre pop, psychédélisme, disco, glam et prog. Les changements de rythmes sont réguliers. Parfois même au cours d’un même morceau. Le falsetto de Kevin me fait quelquefois penser à Prince ou alors à Todd Rundgren. Surtout lors du slow « Exquisite’s confessions ». Les compos les plus sauvages sont également celles au cours desquelles le groupe a recours au plus de grattes. A un certain moment, ils sont 4 sixcordistes ; et on peut dire que l’intensité est alors à son comble. Sur les morceaux les plus dansants, Barnes se met aussi à remuer le corps lascivement, déboutonnant sa chemise et… Bref, c’est un véritable showman. Le public est réceptif. Il danse, chante, balance les bras ou frappe dans les mains. Et impossible de résister lors de l’allègre « Heimdalgate like prome thean curse ». Le set s’achève par « April », sous les acclamations nourries du public.
L’attente est longue pour obtenir le rappel. Soudain, nos deux figurants déguisés en porcs montent sur le podium. Ils débranchent le piano et font mine de l’emporter sous les huées de la foule. En posant l’index sur la bouche, ils nous demandent de nous taire. J’entends un spectateur lancer : ‘Ils vont nous jouer un tour de cochon’. Puis les deux énergumènes invitent les spectateurs à lever les bras et à les balancer en cadence, tout en appuyant ces gestes de leurs clameurs. Moment choisi par le groupe pour remonter sur l’estrade. Of Montreal va alors nous accorder un long rappel, interprétant au passage « Kissing in the grass ». Nos deux intervenants décident alors de soulever Kevin et de le hisser sur leurs épaules. Le temps de redescendre sur le plancher des vaches, et le band vide les lieux, sous un tonnerre d’applaudissements. Mais la musique de fond est rapidement rétablie tout comme les lumières. Il y a des bandelettes de papier partout. Demain, le service de nettoyage va pester. Mais, ce soir on s’est bien amusé. Oh, bien sûr, certains diront peut-être que le set était décousu. Mais ce spectacle, ce véritable show était très riche, coloré, imprévisible, excitant et à la limite fascinant. Et on en a eu autant pour les yeux que pour les oreilles.
(Organisation Botanique)
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