La machine Delta/Electro Groove est parfaitement huilée. Ce nouvel opus est habillé d’une superbe pochette. Dominée assez nettement par la couleur rouge flamboyante, elle s’ouvre sur un assemblage assez psychédélique. Et croyez-moi, la nouvelle musique de New Blood brûle de mille feux ! Elle est même incandescente voire incendiaire. Pourtant, si le blues est bien présent, l’expression sonore embrasse une multitude d’autres horizons, oscillant du rock au punk sauvage, en passant par la country et le jazz (NDR : s’autorisant même la liberté de création d’un John Coltrane ou d’un Charlie Parker). Nonobstant la complexité de sa musique, New Blood s’attaque à un public large. Pour y parvenir, les musiciens ont intérêt à se révéler de redoutables techniciens. Et c’est tout à fait le cas. Que ce soit le chanteur/harmoniciste Jason, le guitariste Shawn Starsky, le bassiste Todd Edmunds ou le drummer Ron Sutton. La production a été confiée au Britannique John Porter, réputé pour avoir mis en forme des œuvres de BB King, Buddy Guy, Morrissey ou encore des Smiths.
L’elpee s’ouvre par une plage cruciale intitulée "The rocker". Et il faut oser ! Une compo puissante, nerveuse, agressive, libérant une énergie très punk. La palette de sonorités dispensée inouïe. C’est le gratteur Shawn qui se met le premier en évidence. Les changements de rythme sont impressionnants. Le tempo cataclysmique laisse ainsi parfois la place au silence presque complet. Les références aux drogues sont claires. Jason chante en manifestant beaucoup de fougue et de colère jusqu’à ce qu’il laisse enfin éclater l’harmonica, serré rageusement entre ses doigts. Ballade R&B, "I’m a new man" rappelle les Rolling Stones d’une certaine époque. L’importance accordée au rythme est prépondérante ; mais ce sont à nouveau les éclairs des solistes, essaimés alternativement par Shawn et Jason, qui illuminent l’espace sonore. Ricci signe “Loving eyes”. Et il est particulièrement fier de cette longue épopée atmosphérique, née d’un croisement hypothétique entre Junior Kimbrough et des Byrds (NDR : c’est ce qu’il déclare !). Encore qu’au fil des écoutes, on se demande si elle ne s’inscrit pas davantage au cœur d’une démarche tardive des Doors. Sans la voix de Morrison bien entendu. Le New Blood se mue alors en jam band susceptible de donner libre cours à son imagination. A l’infini. Jason est capable de débiter un nombre impressionnant de notes, en utilisant cette fameuse technique de l’overblowing, à laquelle il a recours régulièrement ; et cette technique lui permet d’étendre l’échelle de son instrument sur trois octaves. Recherchée, sa musique laisse la porte ouverte aux invités. A l’instar de "Dodecamedron", une page instrumentale aux accents délibérément jazz, confiée au saxophoniste californien Michael Peloquin. Son intervention flirte magistralement avec celle de l’harmonica, pendant que Buck Weed se consacre à la basse acoustique. La musique balise la ligne mélodique du jazzyfiant "Mr Satan". Un hommage éclatant à l'un de ses maîtres : Adam Gussow, le partenaire de Sterling ‘Satan’ McGhee! (NDR : le duo Satan & Adam pardi!) Bien jolie ballade, "Deliver is" embrasse sa part de douceur et de mélodie. Les échanges entre harmo et cordes sont clairs et parfaits. Blues lent presque classique, "The way I hurt myself" adopte un profil texas blues à la Stevie Ray Vaughan (NDR : si vous voyez ce que je veux dire). Jason chante passionnément ce morceau imprégné par le feeling de Starsky. Ricci est également susceptible de laisser éclater ses émotions. A l’instar d’un Charlie Musselwihte, lorsqu’il est atteint par un sentiment de désespoir. Remake d'un titre composé par Ricci, en 1996, pour son album "Down at the Juke", "Snowflakes and horses" a conservé l’influence très palpable de David ‘Malon’ Kimbrough. Il est vrai qu’à l’époque, il a vécu à Holly Springs. La musique est coriace. Sans la moindre concession, le tempo écrase tout sur son passage. Instrumentaux, "The blow zone layer", "The eternal is" ainsi que "Sonja", un morceau empreint de douceur orientale, focalisent notre attention sur la virtuosité des différents musiciens. De très bonne facture, cet opus s’achève par une réécriture d'un titre de Sun Ra, un chantre du free jazz. L’approche est semblable à celle d’un Zappa. Le vocal agressif affronte la douceur et la légèreté de l’instrumentation. Une fresque musicale étrange, récréative et tellement différente. Le blues de demain?