Ce "Going back home" constitue sans aucun doute le meilleur album de blues paru en ce début 2007. Phillip Walker est aujourd’hui un vétéran. Il fêtera, en effet, bientôt ses 70 ans. Né à Welsh en Louisiane, il a passé sa jeunesse à Port Arthur, au Texas. Il a accompli ses premières sessions en compagnie de Roscoe Gordon et de Clifton Chenier. Depuis 1959, il vit à Los Angeles où il a acquis une réputation internationale et enregistré un bon nombre d'albums. L'idée maîtresse de ce "Going back home" impliquait un retour de l’artiste à ses sources. A la musique de la Louisiane et du Texas qui l'ont tant inspiré. Randy Chortkoff a mis tous les meilleurs musiciens de son écurie Delta Groove à sa disposition : les Hollywood Blue Flames, le drummer Richard Innes, le pianiste Fred Kaplan ainsi que l’harmoniciste Al Blake ; mais également les excellents Jeff Turmes et Rusty Zinn, respectivement bassiste et guitariste.
Phillip ouvre l’opus par le "Lying woman" de Percy Mayfield. Un démarrage dans le plus pur funk, digne d’un big band. Rusty se charge de la rythmique tandis que David Woodford et Turmes se réservent les saxophones. Phillip chante d'une voix émouvante mais décontractée. Il prend son envol, en économisant les notes qu’il arrache littéralement au couteau de ses cordes. Pour attaquer le "Mama bring your clothes back home" de Lowell Fulsom, il passe alors au plus pur style west coast. Une adaptation très sophistiquée, très swing, au cours de laquelle sa guitare, plongée dans une ambiance cabaret parfaitement restituée, se révèle absolument délicieuse. Les musiciens se procurent leur ticket de chemin de fer et s’embarquent vers le Sud. Le rythme est saignant tout au long de "Mean mean woman". Fred Kaplan se démène au piano tandis que la guitare largement amplifiée de Zinn prend le large. La voix de Walker est absolument superbe. Il la module, la force, lui fait vivre son texte. Elle se révèle même audacieuse et irrésistible tout au long du "Blackjack" de Ray Charles. Il chante alors sur un tempo très lent, dialogue avec sa guitare, la fait hurler, agoniser, éclater. Du grand art! Randy Chortkoff a signé trois chansons pour Phillip. Notamment "Honey stew". Un boogie blues vivifiant. Zinn s’y déchaîne pendant que Rob Rio assure aux ivoires. "Lay you down", également. Un R&B bien cuivré destiné à servir de théâtre aux joutes en relief opérées entre les deux gratteurs sortis de leur réserve. Une émotion pure nous envahit, lorsqu’il fait revivre Sam "Lightnin' Hopkins sur "Don't think 'cause you're pretty". La version est poignante, saisissante. L'harmonica d'Al Blake y apporte une pointe de tristesse évidente. Un très grand moment ! Nous nous attardons dans le sud profond pour le "Leave my money alone" de Lonesome Sundown. Une plage subtilement rythmée, imprégnée par ce son Excello rencontré à Baton Rouge. Jeff Turmes trace une ligne de basse imparable. Cette situation a le don d'exciter Mr Walker qui se déchaîne sur ses cordes. Retour à la douceur pour la cover de "Bad blood". Rob Rio y cajole son piano. On s’imagine pénétrer dans l'ambiance enfumée d'un joint de New Orleans. Champion Jack Dupree est le créateur de ce titre menaçant. C'est quand il joue le blues lent que Phillip vit le plus sa musique. Il la sent, la ressent, la respire à travers tous les pores de sa peau. Ses cordes et lui ne font plus qu'un. Alors il peut hurler le blues qui le hante. Et le merveilleux "If you see my baby", un morceau à nouveau signé Lonesome Sundown, en est la plus belle illustration. Flanqué d’Al Blake, il chante son "Sweet home New Orleans". Encore un blues paresseux embourbé dans les marais de la Louisiane... Cet album de grande classe s’achève par un hommage à Frankie Lee Sims, un long et majestueux boogie intitulé "Walking with Frankie"...