Alina Orlova est une petite bombe venue du froid : 22 ans, lituanienne, dont le disque « Laukinis Suo Dingo », déjà sorti en 2008 en Lituanie, arrive enfin près de chez nous grâce au label Fargo. Si la chanteuse jouit déjà d’une belle popularité dans son pays et en Russie, elle n’est pour le moment pas très connue chez nous. Une quinzaine de dates sont prévues en France d’ici décembre, et l’on espère que les oreilles belges succomberont à son charme.
Alina Orlova chante en russe, en lituanien, en anglais. Pourtant, même si on ne comprend pas les mots, le sens est là, l’intensité, les accents incroyables et surtout l’expressivité du chant. Egalement pianiste, Alina Orlova est soutenue, pour ce disque, par un accordéon, un violon dont les glissandos mélancoliques donnent la chair de poule, un carillon, et quelques basses de cuivres. Une économie de moyens et une facture décalée rappellent Pascal Comelade et quand l’accordéon et le violon s’emballent, on pense à Yann Tiersen. Les ivoires se font ‘sautillantes’ ou inquiétantes, et la voix, haut perchée, entre Björk et Regina Spektor, est un peu animale.
De l’album tout entier émane une odeur de forêt, peuplée d’animaux et d’arbres centenaires. Visaginas, la petite ville d’où vient Alina Orlova, qui abritait jusqu’à l’an dernier une centrale nucléaire, est d’ailleurs entourée de forêts. C’est assez frappant de constater la cohérence dans le travail de cette jeune artiste. Elle dessine, des petites scènes colorées, hantées de personnages mystérieux qui ont l’air désespérés. De grands arbres mangent les nappes, les hommes-animaux enlacent des humains vêtus à la mode Peau d’âne. Un univers de Princesse Mononoké empreint de beaucoup de naïveté. Sur sa page Myspace, dans la case ‘influences’, il est écrit : les oiseaux et les loups. Mais revenons à la musique, car là aussi tout est si cohérent, mûr, délicieusement lyrique et écorché, que l’on ne lasse pas de réécouter ces 16 titres, comme autant de haïkus énigmatiques. La voix est sur la corde raide, prête à basculer, on dirait un petit cri sorti du ventre. Pour un premier disque, c’est étonnamment inventif, intelligent, particulier. Un talent qui ne s’arrêtera pas à la frontière…