Frankie Rose n’est pas exactement une inconnue. Jouissant d’une solide réputation au sein du microcosme brooklynien, la jeune New-Yorkaise exploite le minimalisme de Maureen Tucker et joue de sonorités modernes pour construire sa propre identité musicale. Une présence emblématique qui vient naturellement habiter les cocons de Crystal Stilts, Dum Dum Girls et Vivian Girls. Fers de lance d’une scène indie en effervescence, ces groupes usent de tout matériau pour tisser un univers onirique : un son garage lo-fi, une réverbération additive, une expérience ‘spectorienne’, une esthétique sonore empruntée à Jesus And Mary Chain, un esprit ‘velvetien’… Et, surtout, une solide éthique DIY (NDR : l’étiquette ‘Do It Yourself’ englobe les formations musicales qui assurent la réalisation d’un disque dans son intégralité, de la production au concert). Démarche artistique qui a influencé toute une génération de groupes à travers le monde (NDR : en particulier The Raveonettes). Similitude inquiétante que l’on retrouve d’ailleurs sur « That’s What People Told Me ». Titre dont la ligne de basse et les guitares frôlent incestueusement le « Gone Forever » du groupe danois.
Le premier opus de Frankie Rose and The Outs est éponyme. Et la dream-pop n’a jamais aussi bien porté son nom. Un voyage hautement atmosphérique qui se projette bien au-delà du mur du son. Une traversée épique qui oscille entre rêve et nostalgie. Entre hier et demain. Epoque atemporelle qui ne se borne pas à ressasser les airs sur lesquels vos parents ont perdu leur virginité mais les réinvente. Un non lieu aux paroles énigmatiques : ‘Bordel ! Parfois, je ne sais même pas ce que signifient mes chansons !’
Lorsque « Candy » et « Girlfriend Island » revisitent les fantomatiques golden-oldies, le battement des pédales de « That’s What People Told Me » nappe le ciel de sons à vous couper le souffle. C’est comme si Cocteau Twins et Shangri-Las étaient montés, ensemble, dans une machine à remonter le temps pour réaliser un elpee fraîchement produit par Phil Spector.
Frankie Rose and the Outs (guitare : Margot Bianca – basse : Caroline Yes – batterie : Kate Ryan) parviennent globalement à ériger de splendides cathédrales de dream-pop sombre. Onze titres totalement voilés de reverb qui transcende le genre et s’enrichit d’une juxtaposition complexe d’influences. Des pistes ornées de claviers éthérés, de grelots frissonnants et de mélodies mélancoliques (« Hollow Life » et « Lullabye For Roads and Miles ») croisent des ballades étrangement désincarnées (« Save Me » et « Memo »). Le quatuor féminin réussit alors à créer une atmosphère aseptisée, une imagerie mentale qui ouvre les portes d’un no man’s land onirique que nulle âme n’habite.
Un bricolage savant qui passe facilement des symphonies de réverbération de « Little Brown Haired Girls » aux élans garage tordus de « That’s What People Told Me » et « Don’t Tread ». Soulignons, pour finir, l’excellente reprise de « You Can Make Me Feel Bad » d’Arthur Russel.
Un long playing que tout amoureux de musique indépendante peut dégoter dans les bacs depuis le 11 octobre 2010. Aux amateurs du genre, je conseille vivement de se hâter car aucun concert n’est prévu en Belgique pour promotionner ce disque.