Thierry Crommen est un harmoniciste belge. Agé de 52 ans, il s’est forgé une belle notoriété au sein du milieu particulier de la musique à bouche. Il est vrai qu'en Belgique, est né l’un des plus redoutables souffleurs contemporains : Toots Thielemans. Il est d’ailleurs devenu une légende vivante, dans l’univers du jazz. Thierry est lui aussi un instrumentiste pur et dur. Il ne chante pas et se concentre donc sur ses harmonicas. Psychologue de formation, il est un parfait autodidacte et a librement choisi d’embrasser une carrière de musicien professionnel, revendiquant des références plus que respectables : Toots bien sûr, mais aussi Stevie Wonder. Et puis Jean-Jacques Milteau. De nationalité française, ce dernier est un brillant disciple du blues. Thierry a longtemps bossé en compagnie de Michel Fugain et, par la suite, côtoyé tout ce que la Belgique possède comme musiciens réputés. Sa carrière solo, il l’a entamée auprès de l'excellent gratteur Jean-Jacques Stotzem. Ensemble, ils ont publié l'album "Different ways". En 1997. Il monte ensuite son trio, impliquant Erno au piano et Chris De Pauw aux guitares. Le groupe grave "La nouvelle donne", en 2004. Le line up passe à un quartet, lors de l’arrivée du bassiste Achim Tang. Sous cette formule, le combo sort alors "Versions originales", en 2007. Le même band s’est donc réuni, en studio, dans la bonne cité ardente de Liège, pour nous délivrer cette nouvelle collection instrumentale, intitulée "Diversions".
"Sortilège" ouvre l’elpee. Une compo qui baigne au sein d’un climat paisible. Les cordes acoustiques, le piano et la contrebasse –responsable d’accords particulièrement graves– prennent leurs quartiers avant que ne pointe l'harmonica de Thierry. Son jeu est original, subtil et empreint de fraîcheur. Les climats se succèdent, des climats au cours desquels chaque instrument a sa place. La virtuosité de TC est naturelle. Sa musique de racines est traversée d’éclairs jazz. Tang signe "So long", une compo très dépouillée, plongée au sein d’un océan de mélancolie ; mais cette tristesse est toujours parfaitement contenue, autorisant circonstanciellement les accès hispanisants des cordes, bien mis en valeur par Chris. La démarche opérée sur "What changed?" n'est pas vraiment différente. La ligne mélodique est infaillible. L’harmonica peut disserter sur ce canevas très cohérent. Ce sens mélodique est aussi présent sur "Undercover", une compo issue de la plume de Pierre Van Dormael. Jolie ballade, "The substitute" aurait pu être soulignée de vocaux ; mais il revient à l’harmonica de remplir ce rôle. Il évolue bien à l'avant-plan, tandis que cordes et ivoires se délectent en toile de fond. Un climat latino envahit "Rumores de tormenta", un tango dynamique soutenu par les cordes aux sonorités graves et épaisses de Tang. "A.B.O.F.A" est un nouvel exercice de style manouche. D’une grande virtuosité ! Chargé de swing. Très climatique. Au cours duquel, Chris de Pauw s’autorise une escapade très fringante dans le monde du blues. Ce dernier apporte également sa touche personnelle à "Ma confidence", une plage dont la beauté naturelle procède de son feeling mélodique contagieux. L'harmonica se multiplie tout au long de l'intrigant "Le Chercheur d'ombres". Et cette fresque éclatante s’achève par "Back to Bach", un titre paradoxalement classique et détonant.