Avant de fonder American Blues Box, le chanteur/compositeur Derek Davis et le batteur James Pacheco militaient au sein de Babylon A.D. Nous sommes alors du côté de San Francisco, en 2004, et le duo ambitionne jouer du hard rock largement teinté de blues, à la manière d’Aerosmith, consentant une large part à guitare slide et à l'harmonica. Ils aiment d’ailleurs définir leur style comme une rencontre entre l'Aerosmith des débuts et le blues d'Elmore James. En véritable leader, Davis chante, compose, joue des guitares, de la slide et du piano. Kyle Bates est également préposé à la six cordes. Eric Pacheco se réserve la basse. Et invité, Charlie Knight se consacre à l'harmonica et au piano!
Un bottleneck apparemment distant ouvre le bal. Mais le volume sonore de ce "Mississippi Mud" augmente progressivement. La voix de Derek s'inscrit parfaitement dans ce décor. Tous les instruments se conjuguent à l’unisson. Même l'harmonica fantomatique baigne au cœur de cet univers malsain, fangeux. Derek chante –il est vrai– à la manière de Steven Tyler d'Aerosmith, d’un timbre assez ‘zeppelinesque’. La slide n'attend guère longtemps pour se libérer. Les deux gratteurs s'entendent comme larrons en foire. Ils entretiennent une densité sonore impressionnante. ABB demeure davantage accroché aux blues que ses aînés d'Aerosmith et pourtant les ressemblances sont évidentes. Davis est un vocaliste idéal pour ce type de répertoire. Les deux gratteurs ne cessent de s'affronter ; mais également de se rejoindre. Révélant même un flux et un reflux de guitares acoustiques tout au long d’"Unconditionnal love". Leur reprise de "Some kind of wonderful" ne souffre d’aucune concession. Le vocal de Derek est très proche de Robert Plant. Il chante face à un mur de cordes menaçantes, contenues. L'harmonica de Charlie tente de se frayer un chemin au sein de ce puissant édifice sonore. Le reste de l'opus est de la même veine. Un hard blues rock fort bien ficelé caractérisé par une voix sauvage mais suffisamment maîtrisée ainsi qu’une combinaison de cordes électriques et acoustiques. Cette musique popularisée au début des années 70 bénéficie cependant ici d'une production résolument contemporaine (technologie oblige !) Parfois l'ABB baigne au sein d’une atmosphère plus sereine, tissant une ballade aux lignes mélodiques bien marquées. A l’instar de "Killing time", même si les guitares continuent de jouer à l’intimidation. L'apaisement ne transparaît guère que sur "When you were young". Lorsque l’exercice se résume à une simplification du blues rock, l’expression peut paraître banale, mais sous un profil électro-acoustique enrichi par l'harmonica, le résultat est beaucoup plus séduisant. Et je pense ici tout particulièrement à "Rattle my bones" et surtout au sémillant "Biscuit baking Mama", me rappelant quelque part l'Irlandais Rory Gallagher. Les musiciens aiment le blues. Et c’est à cet instant qu’ils se révèlent au sommet de leur art. Comme sur "Half the man", une plage totalement acoustique qui met en exergue piano, bottleneck et un harmonica dont l’aventure dans les aigus est proche du délire. La dernière plage a été immortalisée ‘live’. La cover d’un canon d'Elmore James : "I can't hold out". l'American Blues Box sort ses tripes sur les planches. Puissante, la slide hurle et gémit, pendant que nous nous surprenons à reprendre en chœur avec Derek, "Talk to me baby". Quelle santé!