Juillet 2001, Eurockéennes de Belfort.
J’ai seize ans et j’assiste au concert de Yann Tiersen, sous le Chapiteau. C’est un grand moment, le public est dans ses petits souliers à l’écoute des accords de piano, accordéon et violon, et à la vue de l'artiste virtuose. Les pieds dans le sol boueux, chacun retient son souffle. L’archet fou use ses crins qui se détachent et dansent frénétiquement. Tiersen est là, dans une densité de concentration assez époustouflante.
La chanteuse qui l'accompagne, Claire Pichet, pose sa voix, visiblement émue et impressionnée par la foule. Ce concert restera gravé dans mon esprit, comme une grande émotion musicale. Des sensations que je peux éprouver de nouveau en réécoutant l'album « Le Phare ». Ensuite, il y a la B.O. d'‘Amélie Poulain’, qui l'a révélée à un public beaucoup plus large. Egalement une franche réussite, même si à force d'écoute et de médiatisation, on a pu s’en lasser.
Que dire aujourd'hui de Dust Lane, sorti fin 2010 ? Tout d'abord, on ne reconnaît pas Yann Tiersen. L’innovation est louable ; il n'est pas si courant qu'un artiste bien assis s'aventure dans une direction inconnue. Tiersen a manifestement le désir de changer, de s’orienter vers des pistes plus électroniques. Dans « Dust Lane », les couches se superposent, créent des ambiances cycliques qui rappellent la B.O. des Virgin Suicide, signée par Air. Des chœurs étoffent le tout, dans des accents parfois médiévaux. Des bruits de petits instruments se mêlent aux enregistrements de l'océan, rappellent Arcade Fire. Mais ces couches de poussière s'amalgament et forment une matière qui manque de pureté, un peu comme lorsque l'on mélange trop de couleurs et que l'on obtient un gris-marron.
Il m'est assez difficile de faire la part des choses, vu la haute estime que je porte à Yann Tiersen. Alors… je m'arrêterai ici, en souhaitant qu’il se remette vite en route, vers d'autres horizons.