Le rock français ne s’épanouit pas uniquement à Paris, Lille ou Bordeaux : Moonjellies est originaire de Tours et s’autoproduit depuis 2008. Après son premier Ep, Moonjellies publie « Inner Anger, Feather » qui conforte notre foi en la qualité du rock européen.
Amorçant sur des chœurs ostensiblement dignes des Beatles, l’album saute ensuite quatre décennies du british pop pour nous offrir la mélodie entraînante et le piano d’un vieux Hoosier sur « You don’t have to » (pareillement sur « Pauline »), avec la même crédulité. « Come across your shade » continue sur la même lancée à l’aide d’un son rétro plus brut pour nous emmener sur la Pacific Coast des années 90 (ou dans les petites salles belges, en fonction de ce qui aura imprégné chacun d’entre nous). On se sent bien, donc, au sein de cet enchevêtrement de guitares.
L’album s’effiloche ensuite sur quelques titres un peu moins accrocheurs ni novateurs sans pour autant désagréables, puisqu’ils rappellent Neil Young et Yes. La voix instable chancèle mais nous retombons sur nos repères ; des arpèges ‘radioheadiens’, des modulations ‘pavementiennes’… et le fade out tout en choral de « Sunrise » rappelle moins les Beach Boys qu’un optimiste Elliott Smith ; c’est-à-dire un Brendan Benson, analogie davantage valable pour « Black Cloud » et « Summer Dress », sorte d’hybride avec les Dandy Warhols. Plus de références américaines, alors, que de patrimoine britannique. L’album s’achève en beauté par le magistral « Whispering stone », un morceau étoffé de cordes et cuivres, suivi d’une intime ballade très proche de leurs compatriotes de Cocoon (glockenspiel inclus) qui confirme le potentiel compositionnel du groupe, et prouve que la naïveté ironique, si la mélodie solide est la pierre angulaire de l’édifice des arrangements, devient parfaitement crédible.
L’album fin et audacieux manque peut-être de carrure, mais incarne l’une des preuves que la scène pop rock française s’est émancipée et joue désormais dans la même cour que celle des Anglo-Saxons.