Lex incarne un peu la branche hip hop de Warp : comme la maison-mère, son leitmotiv serait donc de conjuguer expérimentation et goût des mélodies, à la sauce black, rap, trip hop. Cette compilation de compilations (les trois premières du label, sorties en catimini) s'avère une excellente introduction à l'univers décalé du label, situé à la croisée des chemins des délires d'Anticon, de l'abstract hip hop de DJ Krush et des vannes old school de Quannum. En ouverture, Lex sort direct le grand jeu, avec le trip-hop malade de Boom Bip, cousin fantôme de DJ Shadow… Le rappeur Tes (son dernier album, " X2 ", vient de sortir) accélère la cadence par un rap ravageur et futuriste, mais jamais élitiste. A peine a-t-il fini de débiter ses invectives qu'une troupe de joyeux drilles (les Mummy Fortuna's Theatre Company) déboule sans crier gare, avec leur flow mitraillette sur fond d'ambient à la cLOUDDEAD. Puis c'est Sage Francis (ici avec Joey Beats), pensionnaire d'Anticon, qui reprend la barre : couché sur un piano branque qui lui donne le mal de mer, il conduit le navire sans éviter les vagues. Plus loin, Edan nous gratifie d'une instru chaleureuse à la RJD2, tandis que Kid Acne joue à Dracula, jonglant avec les samples et les scratches. Peaches et Mignon, perdues dans cet univers de mâles, tentent d'attirer l'attention en singeant Afrika Bambataa. Mais les hommes (Jamie Lidell sans Super_Collider, Dose One avec Subtle) sont encore là avec leur rap mutant : " On n'est pas chez Colette ! ", crient-ils à ces deux ingénues… A la fin ça se calme ; place alors aux ritournelles atmosphériques de Tacteel (de TTC !) et de Supersoul, et toujours le gros barbu Sage Francis (avec Dangermouse), qui décidément n'en rate pas une. Lex, c'est un label un peu surréaliste. Une auberge espagnole de rappeurs en marge, un centre (mal) fermé de malades du beat épileptique. Pour eux la camisole de force, pour nous le bonheur. Car en écoutant tous ces beaux diables, on se dit quand même que le hip hop n'est pas encore prêt de se mordre la queue. Qu'on les garde donc encore un peu sous traitement (un Lexoleum/jour), le temps d'une autre compile. Après, faudra les relâcher… Puff Daddy n'a qu'à bien se tenir. Et engager plus de gorilles.