Rod Piazza est un pionnier du blues, l'un des premiers harmonicistes blancs qui soit parvenu à creuser son trou dans cet univers, pendant les années 60, aux côtés de Paul Butterfield, Charlie Musselwhite et Alan Wilson. Il a milité successivement au sein du Dirty Blues Band, de Bacon Fat et en solo. Ses Mighty Flyers, il les a fondés, il y a déjà trente ans. Au fil du temps, ces ‘aviateurs puissants’ sont devenus ‘tout puissants’ ; et aujourd’hui prétendent que le dollar est ‘tout puissant’. Ce qui reste encore à prouver.
"Almighty Dollar" constitue déjà le quatrième elpee commis pour le label californien, depuis 2005. Rod est toujours soutenu par sa tendre épouse Honey Alexander aux claviers, le fidèle Henry Carvajal à la gratte et Dave Kida aux percussions. Pour enregistrer cet opus, le patron de Delta Groove, Randy Chortkoff, a fait appel a quelques invités.
Le disque démarre en force par le "Move out baby" de Jimmy Liggins. Du west coast jump pur et dur. Miss Honey est déjà bien échauffée derrière ses ivoires. Comme d’hab. Rod est brillant. Il a une pêche d'enfer sur son harmonica. Rod est entouré de voix féminines lors du blues gospel "What makes you so tough", une compo indolente. Et lorsqu'il prend son billet de sortie à l'harmo, c’est pour échanger un dialogue avec le sax ténor de Johnny Viau. "Blue shadows" marque un nouveau changement de style. La musique est bercée par les rythmes syncopés de la Nouvelle Orléans. Redoutable et talentueux à la six cordes, Rusty Zinn met la gomme. Il impressionne la galerie. Freddie King avait autrefois traduit "Ain't nobody's business" en classique. Excellente, la nouvelle version ne manque pas de subtilité. Honey siège derrière le piano et Hank Van Sickel se réserve la basse acoustique. Piazza sort son instrument diatonique de sa poche pour attaquer "That's it", un instrumental signé Little Walter. Il y brille de mille feux. On se croirait revenu au cœur des fifties, lorsque Walter était entouré de ses Aces au sein des studios chicagolais de Chess. Le coup de griffe d'un génie de cet instrument. Les Flyers déménagent toujours autant lors d’un remuant "Baby don't go", Zinn se chargeant à nouveau des cordes. Elles jumpent de ravissement! J'adore Rod quand il souffle dans son harmo chromatique. Sa performance est de très haut niveau! En route vers le Chicago Southside, lors d’une adaptation magique du "Loving man" de Muddy Waters, une compo à nouveau hantée par le fantôme de Little Walter. Ami d'enfance de Muddy, Johnny Dyer est aux vocaux. Tout comme sur "Confessin' the blues", une autre piste issue de la plume du même Walter. Rien désormais ne peut plus les arrêter. Ils attaquent la plage éponyme ; et pour la circonstance, c’est Carjaval qui se déchaîne. Un Carjaval qui interprète, d’un timbre empreint de nostalgie, "We belong together", une bien jolie ballade au parfum 50’s. Cet album d’excellente facture, s’achève par "Con-vo-looted", un instrumental de toute beauté signé Piazza.