Il a publié dix albums au cours des dix dernières années. Après avoir concocté « Le cours ordinaire des choses », en 2009, Jean-Louis Murat passe en mode biennal et nous propose, la plume gorgée de mémoire, « Grand Lièvre », un opus dont le titre signifie chez les Amérindiens ‘espèce menacée’ et ‘esprit farceur’... sans doute les deux sont-ils nécessaires pour franchir l’autre rive.
Epaulé par ses fidèles musiciens, Fred Jiminez et Stéphane Reynaud, Murat nous réserve 10 titres mélancoliques ‘amélodiques’ où la musique se fait toute petite au profit des textes, du timbre, du mystère et de l’homme.
Néanmoins, même après avoir intégré ce postulat, ce n’est pas gagné : ouvrir l’album par l’épaisse lenteur d’« Alexandrie » et d’une voix d’outre-tombe, on a beau apprécier Murat, le doute s’insinue. Impression fugace. Dès « Haut-Averne », l’auteur nous emmène dans ses coutumiers tumultes amoureux où ‘les cœurs se soignent à la torture’. A propos de chœurs, cet album n’en manque pas, et confèrent une certaine allégresse à l’ensemble. Et dès « La lettre de la Pampa », on se met à pister ce « Grand Lièvre » qui évoque la guerre (« Sans pitié pour le cheval » et « Rémi est mort ainsi ») sur un tempo décalé et bien balancé, ponctué de voix et de ‘didoudidas’ tellement improbables au vu du sujet, qu’ils en deviennent indispensables. Sont abordés par ailleurs la désertion des campagnes sur fond de piano bar (« Vendre les prés »), ‘où réciter par cœur est souvenir des lieux’, la petite reine (« Le champion espagnol ») et –fallait-il le préciser– le chaos des cœurs qui battent (« Alexandrie », « Je voudrais me perdre de vue »).
Souffles, bruissements, cris, chuchotements et hennissements viennent souligner l’univers musical somme toute prévisible mais ô combien rassurant pour quiconque apprécie Murat. Et pour ceux qui ne le connaissent pas, cet album constitue une belle entrée en matière. En cette saison où les petits frissons s’insinuent le long de l’échine, merci l’Auvergnat de nous avoir donné quelques bouts de toi quand dans nos âmes il faisait froid.