Sous le pseudonyme quelque peu aguicheur de « Wild Flag », se profile un quatuor féminin originaire de Portland et de Washington DC. Engagé, aussi. Carrie Brownstein (guitare/chant), Marie Timony (guitare/chant), Rebecca Cole (claviers/chant) et Janet Weiss (batterie/chant) haussent fièrement le drapeau féministe et défendent, corps et âmes, ses couleurs par les voies d’un garage punk-rock. Un exercice auquel, du reste, elles s’étaient déjà livrées par le passé dans de nombreuses et honorables formations telles que Sleater-Kinney, Hélium, Quasi, The Minders et Stephen Malkmus & The Jicks (side-project articulé autour du leader de Pavement).
Si l’on trace rapidement le diagramme de « White Flag », on constate qu’il était presque inévitable que ces quatre Dames de la musique rock convergent un jour vers un projet collectif. Plus d’une décennie de collaborations indirectes et de tournées communes où Brownstein, Cole, Timony, et Weiss gravitaient inlassablement autour de la même sphère musicale.
C’est dans le cadre du documentaire ‘! Women Art Revolution !’ de Lynn Hershman, film dont les quatre artistes étaient chargées de la production instrumentale, que les quatre femmes bossent ensemble pour la première fois. Une coopération contagieuse qui donne naissance à « Wild Flag » : ‘Je pense que nous avons réalisé que nous pouvions être supérieures à la somme de nos parties, que nous n’étions plus simplement quatre pièces d’un puzzle disparate. Faire sens ensemble, mais le sens d’un ensemble cohérent et dynamique. Il s’agit encore de chimie, il est toujours exaltant et valorisant d’apprendre à jouer collectivement. Vous devriez essayer !’, s’explique Brownstein.
C’est donc sereinement que le quartet étasunien se dirige vers le studio Hangar de Sacramento pour enregistrer son album éponyme en avril 2011, bénéficiant de la participation de l'ingénieur Chris Woodhouse. Les voix exceptées, toutes les pistes sont enregistrées en direct.
Les premières impressions laissées par ce premier elpee reposent d’abord sur l’immédiateté, la spontanéité des mélodies renforcées d’une incroyable énergie, d’une joie de jouer et du pur délice inventif du songwriting. Une musique qui force le corps et le visage à s’exalter et frôle l’incandescence.
Les sons qui s’élèvent du morceau d’ouverture se revêtent très vite d’un jeu de guitare imbriqué et de rageuses mélodies vocales. "Romance" est un titre complet, un tourbillon radieux poignardé d’orgues sixties et d’une batterie percutante. Ensuite, « Future Crimes » (premier single de l’album), un rock classique et populaire merveilleusement interprété par Marie Timony. A la guitare et au chant. Et sa voix confère une dimension quasi épique à la composition initiale. Quant à "Glass Tambourine», il adopte une approche plus furtive, édifiant un crescendo puissant. Les harmonies douces cèdent progressivement l’espace musical à des sons tous azimuts et à une distorsion prégnante.
Un elpee qui s’écoute jusqu’à la fin et propose, à l’image des autres pistes, deux derniers titres de qualité. Tout d’abord, "Racehorse" et son groove furieux mené par Carrie Brownstein qui excite l'auditeur en murmurant ‘Je suis un cheval de course, oui, je suis un cheval de course, mettez votre lune sur moi !’ Et, franchement, qui déclinerait une aussi charmante invitation? Attisé par le piano de Cole et la batterie tonitruante de Weiss, ce final nous plonge dans les atmosphères sulfureuses d’un night-club miteux, bruyant et criard. Un tourbillon extatique qui ne peut ne pas séduire. Un dix titres qui s’achève par « Black Tiles ». Un ultime morceau aux guitares classiques décalées et aux vocaux subtils.
« Wild Flag », l’un des plus impressionnants albums punk-rock de l'année qui devrait certainement plaire aux mélomanes les plus exigeants.