« Une affaire d'état » constitue le premier album du Tournaisien. Enfin, Pierre Surquin et son band, car il faut reconnaître que ses musiciens ont largement contribué à l'enregistrement de cet opus. Tout d'abord Cédric Delahaye. Le claviériste. Qui a compris le rôle fédérateur qu'il devait jouer au sein de la musique de Pierre. Un seul dérapage, " Une idée arrêtée ". C'est aussi le seul fragment faible de l'elpee. Mais aussi le plus complexe. Si Pierre a écrit la musique, les lyrics sont partagés entre Fabrice Delmeire et Jacques Godard. Des textes, ou plus exactement des poèmes baroques, composés dans la langue de Voltaire, qu'il chante de son baryton profond, intimiste. Sauf pour " L'écho du havre ", un fragment dont l'aridité des guitares sculptées dans le funk blanc est adouci par son exercice en falsetto. Un seul instrumental. Et très court : " Les titres parlent d'eux-mêmes ". Et puis un morceau caché. Probablement intitulé " D'étranges affinités ". Qui libère une électricité sauvage, décapante, dont l'intensité me rappelle… Sonic Youth. Mais venons-en au cœur de l'opus. Particulièrement riche, " L'été se termine " est agité par un psychédélisme ambiant, tramé entre les guitares et les arrangements particulièrement riches. Tribal, envoûtant, " Et ça en est là " aurait pu figurer dans le répertoire d'un Bernard Lavilliers. Nonobstant les guitares redoutables, les claviers aquatiques et le zeste de techno, " La forge " épouse un profil mélodique proche d'un Voulzy, mais un Voulzy qui se serait intéressé à la pop alternative. Pop, satinée, légèrement cuivrée, " De l'infini à zéro " constitue probablement la chanson la plus contagieuse de l'elpee. Imaginez qu'Ultravox se soit intéressé à la bossa nova, et ce n'est pas " Rien qu'un malentendu ". Chez " Ce compagnon qui filait doux ", le minimalisme est de rigueur, mais un minimalisme chatoyant, chaleureux, légèrement cuivré, saupoudré de percus élégantes, de claviers organiques ou en boucles, et d'accords de guitare délicatement reverb. Apparemment calme, intimiste, " Ma vision est trouble " s'agite en permanence, se tourmente au fond de l'âme. Enfin " Langue pendue " s'ébroue sous une forme paisible, avant de glisser progressivement vers une consommation électrique de guitares libérées, vivaces, vivifiantes, réminiscences d'American Music Club et de Wheat… Pour un premier album, Pierre vient probablement de réussir un coup de maître…