Dans l'univers aseptisé du hip hop, les deux DJ-producteurs de Techno Animal font figure de dissidents, préférant le beat crade au sample bien léché, l'offensive industrielle aux poses ridicules. A l'instar de groupes comme cLOUDDEAD, Cannibal Ox ou Anti-Pop Consortium, Techno Animal serait la bête d'une foire qui aurait tourné au vinaigre, terrifiant les fans de R. Kelly de ses disques assassins balancés en pleine poire. Cela fait dix ans que ces moutons noirs du hip hop pour midinettes larguent leurs bombes soniques sur le terrain miné du rap abruti de P. Diddy et compagnie, creusant avec leur musique explosive des sillons inaltérables dans le paysage du rap contemporain. Aux commandes de cette machine infernale milite trouve Justin Broadrick, ex-Napalm Death et Godflesh, autres groupes malades qui n'hésitaient pas à mélanger les styles, dans une agressivité souvent morbide mais salvatrice. On reconnaît ici cet indus-rock marteau-piqueur, mais cette fois trempé dans la marmite d'un hip hop coriace et sauvage, comme si les rappeurs de Death Row se cognaient aux beats convulsifs d'un Alec Empire. De ce chaos tellurique, on ne sort pas indemne, perdu sous une chape de gros sons terrifiants nous empêchant de voir la lumière d'un jour plus serein (mais plus morne). Adhérer à la " Fraternité de la Bombe ", c'est donc se battre pour un hip hop authentique, sans concessions, plus proche de Company Flow et d'Aesop Rock que de Will Smith et Ja-Rule. Et même si nos tympans tentent parfois de résister à ces décharges magnétiques de breakbeats retors et de freestyle hardcore, on signe les yeux fermés. Mais vous êtes fous ? Oh, oui !