Je dois avouer que jusqu’à ce jour, les albums de Keren Ann m’étaient complètement passés au-dessus de la tête. Et pourtant, elle compte à son actif cinq opus solo et trois concoctés à travers différents projets. Née le 10 mars 1974, en Israël –à Césarée très exactement– elle possède des ascendances multiples : son père israélien est d’origine russe et sa mère est la fille d’une Javanaise et d’un Néerlandais. En outre, elle a vécu aux Pays-Bas jusque l’âge de 11 ans avant de s’installer à Paris. Aujourd’hui elle partage son existence entre New York, Paris et le nord d’Israël où elle a acheté une maison ; et bien sûr les villes qui accueillent ses tournées ou ses sessions d’enregistrement.
Bref, venons-en à son opus éponyme, dont le premier titre, « It’s all a lie », m’a immédiatement fait flasher. Et pour cause, brumeux, narcotique, il s’inscrit dans la quintessence des œuvres de Mazzy Star et de Cowboy Junkies. Il y a d’ailleurs un petit quelque chose de Hope Sandoval dans le timbre vocal de Keren ; mais aussi d’Ana Domino. Et tout particulièrement les inflexions jazzyfiantes. Pour enregistrer ce disque éponyme, elle n’a plus fait appel à Benjamin Biolay, mais bénéficié du concours de Joe Baresi (Tool, Queens Of The Stone Age) au mixing. Pas de panique, il n’a pas mis des guitares partout. Disons que sur certains titres elles sont plus présentes. Et en particulier tout au long du blues/rock « It ain’t no crime ». En fait, la mise en forme a surtout privilégié le raffinement et l’esthétisme des sonorités (elle avoue avoir beaucoup écouté Philip Glass et Steve Reich, au cours des derniers mois). Ce qui explique la présence régulière d’instruments à cordes : violon, violoncelle, etc. Et puis la nature luxuriante des arrangements. Impliquant également harmonica et claquements de mains, « Lay your head down » en est la plus belle démonstration. Si les lyrics traitent généralement du rapport entre la musique et le voyage ainsi que la mer, aucun titre n’est chanté dans la langue de Voltaire. Huit dans celle de Shakespeare et un instrumental : « Caspia ». Une compo electro/pop/rock dominée par les programmations et les chœurs. Des chœurs que l’on retrouve tout au long de l’elpee. Vaporeux, ils enveloppent « Liberty » d’un véritable voile de mystère, sensation accentuée par les gouttelettes de piano dispensées par Keren. Parmi les collaborateurs studio, on épinglera surtout la présence d’Albin de la Simone. Il partage parfois les ivoires avec Keren. Mais se réserve souvent les claviers. Tout particulièrement sur « Between the flatland and the Caspian sea », au cours duquel son ‘hammond’ nappe littéralement la mélodie à la manière du Band. Et paradoxalement, cette chanson exhale un parfum fort proche de « Blowin’ in the wind », une chanson de Dylan, artiste qu’elle apprécie énormément. En résumé, si cet album ne risque pas de révolutionner l’univers de la musique, il s’avère extrêmement agréable à écouter. Que demande le peuple ?