Suintant de suspicion, de doute et de paranoïa, "Black love" constitue le dernier exorcisme d'Afghan Whigs. Une œuvre qui nécessite cependant plusieurs écoutes avant de véritablement exercer son envoûtement. La voix de Dulli y est toujours aussi mâle, écorchée, dramatique, sensuelle. Mais plutôt que d'épancher ses états d'âme phallocrates, les lyrics transpirent de colère, de passion sauvage, de vengeance. Greg s'y sacrifiant sur l'autel de l'émotion. Trêve de lyrisme, les onze fragments de ce morceau de plastique trempent dans la soul blanche, complexe, menaçante, meurtrie, capricieuse. Capable de pasticher le funk. Celui de "Superstition" de Stevie Wonder sur "Going to town". Ou de s'enrichir d'une délicate broderie de violoncelles ("Night by Candlelight"). A moins que ce ne soit pour craquer aux sonorités du piano égarées ("Bulletproof"). Renforcé par la présence de Shawn Philipps (Pigeonhed, Satchel) aux backing vocaux, le groupe de Cincinnati exsude un sens du drame, du désir et de la violence incomparables. Une rage qui couve et ne consume qu'à l'intérieur de sa propre intensité culpabilisée.