Surnommé ‘Bontit’, Tohpati Ario Hutomo est originaire de Jakarta. Il est aujourd’hui âgé de 42 ans. Il a appris très tôt à jouer de la guitare. Mais dans des styles en constante évolution. Ainsi, il est passé de la musique classique au rock, avant d’atterrir dans l’univers du jazz. Il a fondé le Tohpati Band, en compagnie de ses deux frères. Il a enregistré ses deux premiers elpees, "Tohpati" en 1998 et "Serampang Samba" en 2002, sous sa propre identité. Depuis, il a milité au sein de différentes formations, et notamment Simak Dialog ainsi que Trisum.
Sous son nom, il publie encore "Tohpati Ethnomission". En 2010. Et enfin ce "Riot", il l’attribue à Tohpati Bertiga. Les sessions d’enregistrement se sont déroulées en Indonésie. Il a reçu le concours de musiciens locaux, en l’occurrence le bassiste Indro Hardjodikoro et le drummer Adityo Wibowo. Immortalisé live, mais en studio, cet opus était d’abord sorti en 2011, sur le label indigène Demajors. Il vient donc d’être réédité sur l’écurie américaine, Moonjune! Sa musique est le fruit d’une fusion entre jazz, rock et musique ethnique.
Dès les premiers accords d’"Upload", la guitare de Bontit est largement amplifiée. Il boute littéralement le feu à la compo. L’artiste indonésien est un brillant technicien et il aime nous en mettre pleine la vue (NDR : les oreilles ?). L'amplification est importante, car elle permet de multiplier les artifices. Sa vitesse d'exécution sur le manche est assez prodigieuse. Pendant près de 8’, son attaque est quasi permanente. Mais il s’exprime ici dans un registre davantage plus rock que jazz. Le dialogue de cordes opéré tout au long d’"I feel great" lorgne davantage vers le jazz, moderne bien sûr, même si l’esprit rock est toujours bien présent. A cause de ces changements de rythme et d'échelle qui plairaient sans aucun doute à Robert Fripp. Sur le titre maître, Bontit semble lancer des phrases sans véritable liaison entre elles. Cette forme décousue est sans aucun doute voulue, mais pas forcément facile à suivre pour la section rythmique. Adityo cherche à combler les espaces libres, à l’aide de ses percussions. "Middle East" est certainement la plage la plus remarquable. La guitare est constamment sur l’offensive. La rapidité reste primordiale. Les segments de connexion sont impeccablement combinés. Les motifs sont utilisés comme les groupes de jazz rock progressifs issus des 70’s, capables de faire sonner la guitare comme un orgue, dans l'esprit du jeu de David Greenslade chez Colosseum, par exemple. "Pay attention" mêle jazz plus classique et arrangements davantage ethniques via les percussions. Une liberté totale d’action est laissée au bassiste Indro, autonomie à nouveau accordée sur "Absurd". Quoique superbe exercice de style, "Rock camp" est un peu trop court à mon goût. Tout en développant son aspect rock, cette piste adresse quelques clins d'œil appuyés à Robert Fripp, Allan Holdsworth et Ollie Halsall. Quelques gadgets électroniques introduisent "Disco Robot". Une atmosphère s’installe, mais les parties de synthé ne sont pas ma tasse de thé. Je préfère la sagesse de "Lost in space", un morceau caractérisé par des interventions de guitare plus accessibles, proche de Jeff Beck et parfois de Bob Fripp, surtout dans la progression des climats. La finale "Bertiga" nous ramène dans leur style fusion, plus rituel chez ce trio.