Plus qu’un album, « An Object » est un manifeste.
Contre le formatage, l’abrutissement des masses, l’uniformité, la monotonie. Une ode au son, aux sonorités, à un mouvement qui loin de se mordre la queue, avance, immuable, et rit à la face du temps.
Ce mouvement symbolisé par la révolte, s’est décliné de différentes manières à travers les âges, et s’est illustré, notamment avec vigueur dans le Punk comme une trique salvatrice.
En osant la question de l’objet, No Age pose avant tout les jalons d’une nouvelle orientation.
Le duo de la baie des anges n’abandonne pas pour autant le son abrasif qui le caractérise. Simplement, il le mâtine d’une certaine retenue, qui au lieu d’appauvrir ses compositions, les assombrit ; et ce processus contamine ce cinquième essai du groupe.
Cet objet a une forme (un packaging vert et orange fluo qui fleure bon le DIY) mais surtout un fond.
Un fond qu’on sillonne le mors aux dents ; et elles sont grinçantes.
Dans le delay de quelques notes éparses, la basse vient se frayer un chemin. Elle joue des coudes, quitte à malmener le reste de l’équipage. Avant qu’elle ne soit rejointe par une guitare contondante, dès l’entame de « No Ground », premier titre de cet elpee.
‘Who do you think you are ?’, ce sont les paroles de bienvenue.
Le ton est donné.
Syncopée, la rythmique ouvre la voie à une œuvre menée à vive allure, pense-t-on, bride abattue, la morve juvénile solidement amarrée à la commissure des lèvres.
Mais « I Won’T Be Your Generator » vient illico tempérer cette impression de tenir entre ses doigts un énième brûlot incandescent.
Pourtant, l’ensemble est chargé de nuances ; et de nuances, il va en être question tout au long de cette pépite.
Bien sûr, Dean Spunt et Randy Randall sont toujours capables de s’illustrer quand il s’agit d’envoyer la sauce. Et brillamment !
En affichant ce côté débonnaire, foutraque et impertinent qui les caractérisent.
Si vous y ajoutez une intelligence rare dans le milieu et une vision aventureuse, vous obtiendrez l’équation parfaite pour changer une œuvre en perle.
C’est ce pari audacieux que nos deux lascars ont réussi cette année.
Entre tensions palpables et questionnements permanents, obscures accalmies et atmosphères a(ba)ssourdies, No Age nous balade tantôt en nous guidant par la main, tantôt en nous bottant le cul.
Difficile de ne pas penser à Joy Division à l’écoute d’« An Object ».
Mais là où tant de groupes passent leur temps à chercher l’essence du groupe de Manchester, No Age se contente de la distiller, car il l’a assimilée depuis longtemps.
Ce qui transparaît n’est plus que la marque indélébile qui reste à la surface d’une musique affranchie de ses influences et responsable de ses propres codes.
Un album déjà majeur, juste situé entre l’index et l’annulaire.