Mathew Sweet est persévérant. Depuis une grosse dizaine d'années, il ne cesse de publier cassettes, cd et vinyles sous différents pseudonymes. D'abord sur Blue Baby, le label qu'il a créé en compagnie de quelques amis et dont le catalogue va du heavy rock à l'électronique abstraite. Puis, est repéré par Kranky en 2004 qui craque sur une démo de son énième projet Boduf Songs, croisement d'expérimentations électroniques, de guitare acoustique folk et de post-rock. Le résident de Southampton va alors graver quatre albums sur la structure américaine entre 2005 et 2010. Le présent "Burnt-Up On Re-Entry" constitue le premier pour le label Southern.
Cet elpee est sans doute l'oeuvre la plus aboutie de monsieur Sweet. Car s'il conserve les atmosphères dark folk crépusculaires qui ont fait sa réputation, il les enrichit de quelques passages électrifiés aux frontières du doom. Il est vrai que l'artiste définit sa musique comme du death-metal acoustique et les paroles sinistres de ses textes sont bien dans la lignée de ce style. On appréciera également le remarquable travail sur les sonorités électroniques, rythmiques et drones, plus présentes que précédemment. Cet instrumentation plus fouillée, même si toujours aussi dépouillée, ne permet en tout cas plus de classer Boduf Songs dans la catégorie des projets lo-fi.
Tout au long des pistes, la voix feutrée, chuchotée de Mathew Sweet se pose sur des boucles de guitare agrémentées de drones tournoyants et d'une rythmique électronique légères. Si on pense à des compagnons de noirceur comme Michael Gira ou Matt Elliott, les expérimentations électroniques évoquent davantage Mount Eerie alors que ses ballades nocturnes auraient pu très bien être chantées par Mark Lanegan. Finalement, on pourrait loger les compositions de Boduf Songs entre celles de deux amis proches de Sweet, Aidan Baker et Nathan Amundson (Rivulets) avec qui il forme d'ailleurs le groupe Infinite Light Ltd.
"Burnt Up On Re-Entry" est un album sombre, hivernal, parfois un peu inhumain mais riche. Et lorsqu'au milieu de ces atmosphères glaciales et désolées, pointe une réelle émotion, comme sur "A Brilliant Shaft of Light", "Maggot Ending" ou l'excellent "Long Divider", on touche presque à l'excellence. Les amateurs de dark folk n'ont en tout cas aucune raison de bouder Boduf Songs. Peu d'albums aussi intéressants dans le style sont sortis en 2013. Et tant pis pour la joie de vivre...