En 1983, le soir des funérailles célébrées à l’occasion de la disparition de leur premier groupe, répondant au patronyme ‘Bérurier’, François et Laurent se méconduisent ‘une dernière fois’ sur les gravats d’une usine désaffectée, empruntant pour l’occasion un nouveau patronyme : Bérurier Noir. Noir pour le sale et le deuil. Issus de la culture ‘squat’ et défenseurs d’une action ‘autonome’, les deux larrons y projettent ce soir-là le théâtre funeste de la vie en donnant forme, sous la noirceur de leur musique et de leurs paroles, au reflet d’une vérité dérangeante. Ne se doutant pas à l’avance de l’impact qu’ils occasionneront, le groupe pourfend de sa rage et de ses textes, la politique, les hôpitaux psychiatriques, et le bien fondé de pas mal d’institutions. Le succès immédiat les poussera à poursuivre la route du rock dit alternatif. Les Bérus (pour les intimes), harangueront sans relâche, une masse de jeunes et moins jeunes (le ‘troupeau d’rock’…) à faire valoir leurs droits, les poussant à se rebeller et à créer des structures libres. Structures où l’indépendance et la prise de conscience sont les seuls maîtres. Six ans après le début de leur hérésie sociale, rattrapés par les mass médias, poursuivis par les majors qui les guettent comme des vautours et subissant les pressions de toutes parts, ils se suicideront scéniquement. En 1989. Sur les planches du Zénith.
Dix-huit ans plus tard, paraît ce ‘tribute’. « Manifest Electronique » est un salut, un hommage aux ‘guerriers’ qui ont ouvert la brèche, non négligeable, des artistes dégoûtés des grosses maisons de production, du nucléaire, de la famine ou de la délinquance politique. Peuplées de guitares aux distos lancinantes et de battements répétitifs produits par une boîte à rythmes (baptisée Mémé), les chansons des Bérus semblaient inviolables. Les quelques artistes participant à ce manifeste ont décidé d’activer de nouvelles machines lors d’un exercice de remix, afin de traiter sous une forme électronique ces vieux souvenirs, et proposer une version décalée de l’histoire du rock libre. De la reprise de « Mineurs en Danger » par Le peuple de l’Herbe, en passant par « Les Rebelles » adapté par Manu Le Malin ou « L’Empereur Tomato Ketchup » version Micropoint, on s’aperçoit de la complexité à demeure crédible sur des compositions aussi sulfureuses. Souvent surprenantes, les reprises n’effacent absolument pas le cachet de la provocation, mais peinent à l’égaler dans la simplicité d’expression. L’ensemble assez indigeste est trop complexe pour en profiter pleinement. Les Bérus, c’était simple à écouter et à comprendre. C’est peut-être la raison pour laquelle je suis un fan de la première heure. A noter le surprenant « Vivre Libre ou Mourir » de Popf & Josselyn Sillard qui transforme en slow cette ode à la liberté. En mentionnant ‘volume 1’ sur la pochette, on doit s’attendre à une suite des hostilités.