Larman Clamor, c'est le projet d’Alexander von Wieding, un artiste allemand établi à Hambourg. Paradoxalement, sa musique est imprégnée du climat torride et terriblement humide des marais. Elle baigne même dans une atmosphère propice au swamp boogie, irrigué par le blues et le rock, mais également par un psychédélisme singulier. En outre, ce chanteur/musicien voue une grande admiration au blues primitif du Delta (Robert Johnson, Mississippi Fred McDowell, John Lee Hooker). "Frogs" n’est ni son premier ni son dernier essai. Il avait publié un Ep ("The Lonely Pendulum") et deux elpees en 2011 ("Altars to turn blood" et un éponyme) en 2011. Et en 2013, il a gravé "Alligator heart". Ce "Frogs" remonte donc déjà à 2012.
Alexander joue aussi bien de la gratte acoustique qu’électrique, mais a aussi recours aux percus. Sa voix est caverneuse, ténébreuse et semble communiquer le même mal de vivre que Tom Waits.
Boogie primaire, le titre maître ouvre le long playing. La voix semble venir voix d'outre-tombe. Clamor crée des effets sonores à l’aide de ses instruments basiques, que ce soit des percussions des percussions fugitives ou des rythmes saccadés produits par la guitare. "Seven slugs O'mud" a changé l’or en boue. Instrumental, "Mill wheel alchemy" concède des accents orientaux. L’attaque sur les cordes est quasi permanente. Et cette menace se traduit par une brèche hypnotique. Des rythmes spasmodiques secouent "The mudhole stomp". Les éclats de la voix sont au bord de la rupture. Les pensées les plus sombres sont difficiles à évacuer… Autre boogie, "Undead waters" adopte un profil plus chaotique. La marée ne cesse de monter. "Mine to grind" hésite entre le blues en transe et le périple psychédélique ; mais il ne mène qu’à une impasse. Ce sorcier des sons de l'étrange nous entraîne au cœur d’un autre trip instrumental acide, "Potions & secrets". Alexander frappe sur tous les objets qui l'entourent. Angoissé, il cogne même sur ses cordes lors d’un autre boogie, "Black cylinder". Introduit par un clavier lointain, "Gorgon's gold" est peu à peu envahi par les cordes. Elles prennent même possession de l’espace sonore à travers une fusion de blues et de rock. Malgré le chant âpre et vindicatif, la compo est plus accessible. Tourmenté, acide, presque envoûtant, "Within temples of mold" demeure néanmoins agréable à l’écoute. "Frogs" est une œuvre qui mérite une écoute attentive. On y rencontre une multitude de sonorités inattendues. L’elpee s’achève par "Journey of the serpents". Ces marais sont décidemment bien dangereux à traverser…
Et pour que votre info soit complète sachez qu’Alexandre confectionne personnellement les illustrations de ses pochettes. Celle de "Frogs" est particulièrement colorée de vert et de jaune, laissant apparaître un soleil levant au ton blafard…