Trente ans plus tôt Ray Norcia se produisait déjà à Rhode Island. Il y drivait les Blues Stompers en compagnie du percussionniste Neil Gouvin. Quelque temps et une page d'histoire plus tard, on le retrouve chez les Bluetones auprès du guitariste Ronnie Earl Horvath, du bassiste Mudcat Ward et du pianiste Anthony Geraci. Cette formation aura le privilège d’épauler régulièrement le légendaire harmoniciste Big Walter Horton. Mais également bien d'autres célébrités du style. Ronnie Earl quitte la Bluetones et rejoint le Roomful of Blues. Quelques années plus tard, Sugar Ray en personne rejoint le big band. Il y assurera le rôle de chanteur/harmoniciste entre 1991 à 97. Mais entre-temps, il retrouve Ronnie Earl et ses Broadcasters qui décident finalement de revenir à leur patronyme des Bluetones. D'ailleurs, au début de ce nouveau siècle, il ressuscite les Bluetones. La formation est signée par le label Severn et aligne quelques excellents elpees : "Rockin' Sugar daddy" en 2001, un opus éponyme en 2002 et "Hands across the table" en 2005.
Le big band au grand complet ouvre les hostilités. Sugar Ray chante "Oh, babe". Sa voix libère un maximum de swing. L'artiste est soutenu par des cuivres qui ont fait et font toujours la notoriété de Roomful of Blues : Doug James au sax baryton, Greg Piccolo au sax ténor, Bob Enos à la trompette et Carl Querfuth au trombone. De la pure dynamite ! Mudcat Ward secoue sa basse acoustique devant la machine à rythme métronomique de Neil Gouvin tandis qu'Anthony Geraci se déchaîne sur ses 88 touches d'ivoire. Norcia chante alors son "Little green talking frog". Puissamment et nonchalamment. Les cordes inévitables d’un seigneur se détachent face au mur de cuivres : celles de Duke Robillard en personne. Les lumières sont tamisées. Sugar est inspiré pour chanter, tel un crooner, "I want to be with her". Ce titre lent semble s’échapper d’un bar nocturne. Signée Dany Bartholomew, cette compo est parfaitement rendue, tout en finesse et délicatesse. Le sax de Piccolo et les cordes de Duke nous nous transportent jusqu’à l’extase! La première partie de ce set, accordée lors de ce festival sous la forme du big band, s’achève par "You better change your ways". Mr Robillard se retire sur la pointe des pieds pour laisser entrer son jeune collègue ‘Monster’ Mike Welch. Les cuivres s’accordent également une petite pause. Sugar Ray sort de sa poche son harmonica. Et quel bonheur! Il attaque "Money taking mama" sur un bon rythme. Geraci est très à l’aise au piano. Ray retrouve les grands jours des Bluetones et démontre son immense talent de souffleur. C'est le pied! Ray chante aussi remarquablement. Sa puissance est naturelle. Pas très éloignée de Kim Wilson. Et il le démontre tout au long de "Shut your face". Les cuivres opèrent leur retour. Carl, Doug et Bob ne tiennent plus en place. Ce qui a le don d'inspirer Mike Welsh dont l’envol dans le jump, style tellement prisé de nos jours, est remarquable. Très respectueux de son auteur, en l’occurrence un certain Sonny Boy Williamson II, Ray prend plaisir à interpréter "I don't know". Mr Norcia a écrit "No sorrow no more" dans un registre proche de Sonny Boy. Ray en remet une solide couche en soufflant rageusement dans sa musique à bouche. Et pourtant, l’accompagnement est acoustique et le rythme décontracté. Bon blues classique, "The last words of a fool" permet à la guitare de Welsh de se libérer. Norcia laisse repartir le jeune guitariste talentueux après lui avoir confié les rennes sur "Do you remember?", un dernier blues très roots au cours duquel il nous démontre que manifestement, son principal inspirateur est bien Rice Miller, Sonny Boy II. Duke Robillard et les cuivres rappliquent une dernière fois pour participer aux quatre plages finales. L’ambiance cabaret envahit doucement "Think it over again". Ray se met à nouveau dans la peau d’un crooner pour interpréter "I like my baby's pudding". L’atmosphère baigne intensément dans le swing. Indubitablement, c’est un chanteur d'envergure. "Until the real thing comes along" clôt cet opus de classe, mais dont le climat semble emprunté à une autre époque…