Quand l’évidence Pop tient la dragée haute à une esthétique intègre, qu’elle ose se désaper et laisser ses attributs faciles au vestiaire, elle nous apparaît alors dans son plus bel appareil.
Quand elle épouse les contours rugueux d’une pédale de distorsion, qu’elle écrase d’un pied sûr les conventions, elle sait nous aguicher.
Et quand elle surgit de derrière une tenture d’atmosphère sombre et soyeuse comme un velours usé, elle sait se montrer mystérieuse et nous entraîner.
C’est donc d’elle dont il est question sur ce six titres.
Cette Pop aux multiples facettes et aux multiples tenues de scène.
La scène, justement, parlons-en!
Un élément incontournable de la Pop créée par Matthieu Malon.
Mais nous y reviendrons.
Car avant tout, attardons-nous sur l’homme et revenons sur ses différentes identités.
Rencontré en 2002, au creux d’un univers sombre et mystérieux sous les traits opiacés de Laudanum et au travers de trois albums crépusculaires entre Electro et déclinaisons Wave (dont “System : On”, inclassable oeuvre d’une noirceur éclatante), on le perd ensuite de vue, malgré une activité jamais prise en défaut (notamment au sein de Ex Ex et sous son propre nom). Et aujourd’hui, Matthieu Malon nous revient à la face, tel un boomerang ivre.
Rapproché à juste titre de Daniel Darc, à qui il rendait un vibrant hommage au soir de sa disparition en publiant “28.02.2013”, il signait en mai dernier un retour remarqué aux affaires.
Ainsi, “Peut-être un jour” retraçait les points de suspension au dessus du vide laissé par “Froids”, son premier album paru sans l’artifice d’un pseudonyme au crépuscule du siècle passé, et ce malgré l’existence cachée du très beau “Les Jours Sont Comptés”, un disque oublié car jamais gravé.
Aujourd’hui sort donc cet Ep, “Une Deuxième Chance”.
Dont le titre éloquent tend les bras vers le ciel et nous invite à l’embrasser.
Une franche accolade au départ qui se transforme vite en virile et tendre empoignade.
“Je Veux Du Fric”, en effet, est une entrée en matière plutôt enjouée et un parfait contre-pied à l’univers de Laudanum.
Une déstabilisante incursion dans un registre sympathique sans être racoleur.
Mais bientôt l’étreinte se resserre à l’écoute de “L’Air De Rien”. A cause des sonorités saturées et des nappes synthétiques qui font valser les illusions.
Une électricité grésillante qui sert d’écrin à la voix de Matthieu Malon, celle-ci s’y logeant avec une élégante distance, susurrant les mots plus que les chantant.
“Loin” s’éclaire de choeurs féminins et de clappement de mains sans se départir d’une certaine urgence et “Une Deuxième Chance” retrace ce lien ténu entre cinéma et prose Rock par le biais d’un dialogue teinté de Diabologum.
Une version revisitée de “28.02.2013” souligne l’évidente influence de l’ex-Taxi Girl, mais sans révérence pompeuse et puis il y a cet extrait Live.
Caractérisé par sa trame opaque, “La Fin De mes Nuits” s’autorise une version lézardée d’éclairs électriques. Comme une nuit d’encre striée de flashes, offrant des images stroboscopiques à des paupières closes.
Une adaptation magistrale, tout en retenue, d’où s’échappe un flux résonnant et obsédant.
À l’instar de Matthieu Malon lui-même, “Seconde Chance” affiche donc sa dualité assumée, son envie irrépressible de défricher le paysage sonore et de s’aventurer sur des pentes escarpées comme sur des chemins d’apparence plus linéaires.
Une seconde chance qu’on aimerait voir ne pas filer.