Onze années déjà que notre ami Bill s'en est allé. Mais Jeannette Lodovici Clarke, la veuve de William, a décidé de lui rendre un hommage permanent. En alimentant régulièrement sa discographie posthume. Ce concert a été enregistré live en Allemagne. Le disque est sorti depuis un certain temps déjà mais il mérite le détour. Nous retrouvons William Clarke lors de l'une de ses nombreuses tournées européennes accomplies à la fin du siècle dernier. Très probablement en 1988, quelques jours avant ou après qu'il soit monté sur les planches du Handzame Blues Festival, événement organisé ici, dans le plat pays qui est le nôtre. Il était pour l'occasion accompagné de sa fidèle section rythmique composée du bassiste Willie Brinlee et du drummer Eddie ‘Lips’ Clark, ainsi que du fabuleux John ‘Marx’ Markowski à la guitare. Maître incontesté du swing, ce musicien inventif était aussi à l'aise dans l’univers du jazz que blues. Alors, pour les nombreux amateurs d’harmonica blues, cet opus est indispensable! William est le souffleur que je préfère. Je le considère comme le meilleur de tous les harmonicistes. Il n’a certes pas tout inventé, mais ses sujets étaient maîtrisés par une technique irréprochable. En outre, il manifestait une vitalité débordante, une puissance de feu, un souffle incroyable, une inventivité inégalable. La prise de son est impressionnante et nous nous retrouvons au cœur du public en compagnie de musiciens extraordinaires.
"Blowin’ like hell" ouvre l’elpee. Un instrumental qui préfigurait déjà son futur premier elpee pour Alligator. C’était également son titre maître. Ce brûlot incandescent porte, en outre, très bien son nom. Clarke avait la voix de son souffle : intense et modulée. Le "She's dynamite" de Tampa Red nous emporte dans un tourbillon. "Lookin' in the future" est un brillant Chicago shuffle. La puissance rythmique de l'ensemble soutient l'instrument diatonique et pousse le leader vers les sommets. Marx est un musicien talentueux. Il anime depuis longtemps les jam sessions du club Cozy, dans la San Fernando Valley, à Los Angeles. "I cried all last night" lui est réservé lors de ce concert. Une compo signée Charles Brown. Très jazz, la guitare manifeste beaucoup de douceur, de quiétude et de fraîcheur. Marx se réserve également le chant, mais c’est son travail sur les cordes qui nous séduit. Il nous plonge ainsi dans un bain de west coast inspiré par T-Bone Walker. William revient des loges, les poumons bien aérés. Il s'attaque à deux titres de Muddy Waters. Tout d’abord, le classique "All night long". Le public teuton est pris à la gorge, mais il participe. Le WCB ralentit le tempo et dispense un "Iodine in my coffee" très ‘west coast’. La dose de jazz inoculée est évidente. Tout en donnant une nouvelle leçon sur l'instrument chromatique, il adresse un clin d'œil à son vieil ami George Smith. La machine bien huilée poursuit sa démonstration. Une nouvelle intervention de Marx irradie "Educated fool". Et elle est brillante ! Elle est suivie par l'envol de William dont la montée sur les planches se soldait irrémédiablement par cette manière très caractéristique de jouer tout en rythmique. Très entraînant, le "Been around the world" de Big Walter Horton est un autre Chicago shuffle. Le swing n'est jamais très loin. Et bien ancré dans le style jump pratiqué dans l'état californien, le cœur de la musique bat au rythme de "One room country shack". Lors de finale, William reproduit ses inévitables cris de guerre, sorte d’aboiements volubiles et détonants. Les musiciens nous réservent cependant encore quelques exercices de haute-voltige instrumentale tout au long de la cover du "Lollipop Mama" de Roy Brown. Un excellent album.