Bill Pritchard ne dira sans doute pas grand-chose aux plus jeunes lecteurs. Il évoquera sans doute plus de souvenirs aux amateurs d'indie-pop quadragénaires. Ce songwriter originaire de Birmingham connaît en effet son heure de gloire à la fin des années 80. Un succès qu'il rencontre surtout en France. Il est vrai que son adolescence est bercée par la littérature hexagonale et les cinéastes de la Nouvelle Vague. Et chose rare pour un jeune Anglais, ses idoles musicales sont Françoise Hardy et Véronique Samson dont les disques auront autant d'influence que les Kinks ou Tom Verlaine sur ses compositions. On trouve d'ailleurs dans chacun de ses elpees quelques morceaux chantés dans la langue de son cher Verlaine. Un amour de la chanson française qui se concrétise en 88 par l'album concept "Parce que" composé en duo avec Daniel Darc, puis l'année suivante, lorsqu’il reçoit le concours d’Etienne Daho qui produit "Three Months, Three Weeks and Two Days". Sans doute son LP le plus abouti, en tout cas le plus salué même si, personnellement, j'ai un attachement indéfectible pour le dépouillement acoustique de "Half A Million". On le retrouve également plus tard sur des compilations qui rendent hommage à Joe Dassin et Polnareff.
Le dernier opus qui élargit sa communauté de fans est "Jolie" en 91. Par la suite, les sorties se font plus rares et sont assez confidentielles. Un premier come-back est opéré en 2005 avant que ce long playing n’arrive un peu miraculeusement en 2014 sur le label Tapete. Une structure allemande qui aime, semble-t-il, sortir des oubliettes les dandys de la pop eighties puisqu'elle avait déjà signé Lloyd Cole il y a quelques années.
C'est l'occasion de redécouvrir l'univers romanesque de Bill Pritchard qui est à présent professeur (de français bien entendu) dans ses Midlands natals. Une vraie madeleine puisque son timbre n'a pas changé et que chaque morceau de "A Trip To The Coast" aurait très bien pu figurer sur les albums évoqués plus haut. Les compositions sont toujours aussi raffinées et léchées. Du travail d'orfèvre, tout en délicatesse et en sensibilité. Une pop sans artifice qu'on trouve peu de nos jours, pleine d'humilité. Celle des artistes qui n'ont jamais voulu se dévoyer. On épinglera l'entraînant "Yeah Yeah Girl" qui aurait pu figurer sur les premiers disques de Morrissey. L'élégance de "Posters", pop nonchalante et chaloupée éclairée par une délicieuse guitare americana. Citons encore l'enveloppante ballade "Almerend Road" ou le romantisme de "Polly". Simples et authentiques, les atmosphères de l'Anglais n'ont pas pris une ride. Elles semblent même intemporelles. Pritchard affiche cette sincérité désarmante qui touche notre part la plus sentimentale. Souhaitons que "A Trip To The Coast" signe le vrai nouveau départ de cet attachant poète. Le monde a bien besoin de ces petits îlots de pure humanité.