Ecran noir. Le logo du groupe Satyricon fait son apparition. Il est sous-titré par la mention ‘With the Norwegian National Opera Chorus’. Des chuchotements se propagent, rapidement surplombés de notes au violon et piano. Lever du rideau sur un podium plongé dans l’obscurité, fumante en arrière-plan. Seules quelques lumières tamisées éclairent le plafond, permettant de deviner l’ombre d’un guitariste sur le côté droit de l’estrade. L’auditoire ne peut s’empêcher de lâcher un cri, suivi d’applaudissements nourris. Mais attention, en y mettant la forme. Opéra oblige. Des lumières rouges s’éveillent peu à peu, laissant percevoir une chorale d’une quarantaine de personnes. Sortant des abysses du plancher de la salle d’art norvégienne, Frost et son impressionnante batterie font irruption, sur les premières notes de « Voice of Shadows », titre d’ouverture de leur dernier LP en date, sobrement intitulé « Satyricon ». Des fumigènes envahissent à présent l’avant de la scène, avant que n’émerge Satyr, frontman du band, des entrailles de l’opéra norvégien. Deux spots éclairent en permanence les deux artistes, laissant le reste des musiciens dans l’obscurité, histoire de rappeler qui sont les deux seuls membres permanent de ce groupe phare du Black Metal. Le backing group est d’ailleurs toujours constitué de musiciens de session. ‘J’ai une longue histoire de coopération avec des musiciens de musique classique’, explique le vocaliste, avant de poursuivre : ‘Un violoncelliste du Trondheim Symphony Orchestra a notamment contribué avec nous sur l’album « Volcano ». Pareil sur « Now », « Diabolical » et sur « The Age of Nero », où c’étaient là des cuivres du Norwegian Radio Broadcasting Orchestra qui ont apporté leurs sonorités. Donc, au final, travailler avec le cœur de l’Opera Royal Norvégien n’a pas été quelque chose de nouveau pour moi mais bien une continuation d’expériences de ces vingt dernières années. Cela n’empêche, il s’agit là de notre plus grosse coopération’.
Cet enregistrement atypique, enregistré à la fin de l’année 2013, marquera certainement l’histoire du groupe norvégien. Non seulement le cadre est splendide, chargé d’histoire et de spiritualité, mais le cœur de l’Opéra Royal apporte une profondeur incroyable aux morceaux, une aura aux contours diffus mais belle et bien présente. Preuve en est, par exemple, lors de cet intermède qui précède « Die By My Hand », où le chœur seul vient annoncer le morceau dans une envolée lyrique, sobre et inquiétante, figeant Satyr à l’avant de l’estrade. Outre l’intéressant clivage visuel entre le cœur tiré à quatre épingles et un Satyr légèrement maquillé, cheveux longs emmêlés et tout de cuir vêtu, il est agréable de constater cette passion pour la musique qui unit les artistes. Une rencontre de deux mondes que, à première vue, tout oppose. Mais une année et demie de travail a permis d’explorer les compositions jusqu’à atteindre une essence commune. Une alchimie explosive qui vous transporte et vous prend aux tripes. On dépasse le stade du musical pour, de temps à autre, toucher du bout des doigts le monde du spirituel. Moment particulier lors de « Phoenix », tiré de leur dernier opus, où Satyricon est rejoint sur les planches par l’ex-Madrugada, Sivert Høyem (NDR : chanteur norvégien de rock). Les classiques barrières du Black Metal, pourtant bien enracinées, sont ici détruites pièce par pièce. Le public a de plus en plus de mal à rester assis. Faisant la part belle aux dernières compositions, ce ‘live’ va de temps à autre quand même puiser dans un répertoire plus ancien, et notamment « The Pentagram Burns », « To The Mountains », « Den Siste »… ou encore un des grands classiques, « Mother North ». Si vous n’avez pas les poils qui se dressent sur la peau, à l’écoute de ce titre, devenu un hymne de l’histoire du Metal, alors je ne comprends plus rien.
Que vous soyez fan ou pas de Satryricon, vous ne pouvez pas passer à côté de cet hybride musical. Une rencontre hors du commun qui creuse profondément au sein de vos entrailles et repousse encore un peu plus les murs de la création. A vivre!
Tracklist : Voice Of Shadows - Now, Diabolical - Repined Bastard Nation - Our Wold, it Rumbles Tonight - Nocturnal Flare - Die By My Hand- Tro Og Kraft - Phoenix - Den Siste - The Infinity of Time and Space - To The Mountains - The Pentagram Burn - Mother North - K.I.N.G