Un premier pied dans l’eau, puis le second, une lente immersion jusqu’à la taille, puis jusqu’aux épaules, seule la tête est à présent hors de l’eau. Un dernier regard appuyé vers l’horizon ténébreux avant d’entamer une longue apnée, qui se prolongera pendant un peu moins d’une heure, secourue par de brèves respirations. Tel pourrait être le pitch d’ « Aether », premier album studio des Français de Déluge. Rien que par son titre, « Avalanche », le premier morceau de cet opus annonce la couleur : une grêle de doubles pédales accompagnée d’une lourde guitare viennent directement vous écraser. Sans aucun avertissement au préalable, vous êtes directement rincés. De la tête aux pieds. Le rythme ralentit quelque peu avant que la vague ne revienne à l’assaut, emportant avec elle la voix hurlée au timbre Hardcore de Maxime Febvet, vocaliste du groupe. Les Acteurs de l’Ombre, label du band, présente ici une fois de plus une formation qui ne craint pas de mélanger les substances dans le compost, pour finalement parvenir à une solution dense : une base de Black Metal atmosphérique martelée au fer rouge par d’intenses lignes vocales tirées du registre Hardcore.
Tout au long de ce disque, Déluge prend soin d’instaurer une ambiance de fin du monde, où l’élément eau, qu’il provienne du ciel ou de la terre, aurait décidé d’avoir finalement le dessus sur l’espèce humaine. Une bataille perdue d’avance, où il ne restera plus à l’homme qu’à compter les heures avant de se faire liquéfier. ‘Alors étanchez vos soifs tant qu’il est encore temps, De l’autre, de vaincre et d’illusion, Alors abreuvez-vous, De cette pluie d’Ego’ . Menaçant, « Avalanche » sort vainqueur. Tel un tsunami, Déluge lance à intervalles réguliers des vagues destructrices. Neuf en tout ! Elles emportent tout sur leurs passages, avant de contempler de manière lancinante les dégâts qu’elles ont causés. Une lutte impossible à gagner mais où une mince marge d’espoir est néanmoins laissée à l’espèce, sournoisement, afin d’éteindre petit à petit ce feu de vie et de conclure par « Bruine » : ‘Tout est pourri, que reste-t-il de sain ? Rien’.
Vous l’avez compris, ce premier LP est riche à plus d’un titre. Outre sa construction atypique, le quintet accueille sur sa troisième composition, « Mélas|Khōlé », l’artiste Stéphane Paut, mieux connu sous le pseudonyme de ‘Neige’ responsable du projet solo Alcest. Mais « Aether » est également surprenant par sa présentation. A l’opposé de l’image-type du CD de Black Metal, cette première offensive des Français propose un digipack aux couleurs bleu-outremer, blanc et or, des teintes qui ne sont pas sans rappeler des motifs typiquement helléniques. L’intérieur de l’LP s’ouvre en deux volets et offre à l’auditeur les paroles des morceaux, apport à ne pas négliger si on désire pleinement s’immerger dans l’ambiance de l’oeuvre.
Autant ne pas passer par quatre chemins : Déluge met ici la barre très haute et offre un vent de fraîcheur dans le milieu, où parfois certaines recettes ont tendance à être trop utilisées jusqu’à la nausée. Les Français entretiennent une ambiance lourde, détaillée et dévastatrice, sans pour autant en oublier la face violente et rentre-dedans. Autrement dit : un minutieux équilibre entre une face atmosphérique qu’on pourrait croire tirée d’une B.O. et une rage qu’on aurait canalisée trop longtemps avant qu’elle ne déferle tel un indomptable torrent. Une claque !