Il y a maintenant six ans, Mass Hysteria opérait un virage musical plus sombre et plus mature, en publiant l’album « Faille », virage confirmé en 2012 par un excellent « L’Armée des Ombres ». La barre était donc mise très haute, en attendant la sortie du troisième opus, mystérieusement intitulé « Matière Noire ». Pari relevé ?
Avant toute écoute, penchons-nous sur l’artwork. Très épuré, il affiche un visage féminin quasi-intégralement recouvert d’une substance épaisse et sombre, une obscure et goudronneuse ‘matière noire’ (un détail exploité dans la version limitée de l’opus, car il est emballé dans un fourreau insérant une pochette translucide de liquide noir). Une ligne graphique qu’on retrouve tout au long du livret, réunissant les paroles des onze pistes. Inimaginable en effet que le groupe n’y insère pas ses lyrics tant Mass Hysteria symbolise autant une puissance musicale que lyrique. La verve engagée, révoltée et progressiste de Mouss, vocaliste de la formation, est en effet une des clés de la réussite du quintet français.
« Chiens de la casse », titre d’ouverture de ce huitième elpee, ouvre la brèche. Les premiers riffs, typiquement colorés Mass Hysteria, sont suivis d’une déferlante de batterie amplifiée par des effets sonores dramatiques. ‘Vous avez pris notre tolérance, pour une faiblesse ! Souffrez que votre impatience, vous blesse !’, clame vindicativement Mouss. Le doute n’a été que bref : les Français sont de retour, remontés à bloc. Une nouvelle cuvée marquée par un changement de line up à la guitare, Nicolas Sarrouy annonçant son départ l’été dernier pour vaguer vers d’autres cieux (NDR : un nouvel élan bien malheureusement terni par un grave accident, plongeant le musicien dans le coma ; oscillant entre la vie et la mort, la force de vivre a finalement pris le dessus et Nicolas est actuellement en centre de revalidation). C’est Frederic Duquesne, connu notamment pour avoir milité chez Watcha et Empyr, qui se consacre à présent à la seconde gratte. Un proche du combo, vu qu’il est également leur producteur depuis huit ans. On reste en famille.
Comme évoqué un peu plus haut, cet LP est la suite logique du précédent (et c’est tant mieux !) ; mais il recèle son lot de petites perles. En témoigne l’intervention totalement inattendue de sonorités d’harmonica sur « Vae Soli », conférant à la piste une profondeur mélancolique non négligeable. Ou encore « L’enfer des dieux », à l’architecture atypique et à l’ambiance lourde, autant musicalement parlant que par le message véhiculé, à l’éternelle relation ambivalente entre déité et humanité.
Redoutable parolier, Mouss offre une fois de plus son lot de ‘punchlines’ positives, où il tente, bien souvent avec succès, d’insuffler une énergie positive afin de sortir d’un merdier poisseux. S’extirper tant bien que mal d’une matière noire ?
‘Je suis donc je pense. J’ai choisi la joie comme vengeance, vae soli’ ou encore ‘Soit tu votes blanc, soit tu restes à la maison, matière noire, masse manquante dans le débat, je ne vois aucun nouveau Jaurès à l’horizon, où sont les vrais hommes venus d’en bas ?’ Deux flèches décochées parmi d’autres, terminant généralement leur course au cœur de la cible.
En vingt-deux années d’existence, Mass Hysteria a pris plaisir en goûtant à différents styles. Mais le message semble à présent clair : les Français comptent plus que jamais jouer la carte du Metal. Preuve en est lors de l’hymne « Plus que du Metal ! », véritable plaidoyer pour les amateurs de la note du diable. Nul doute que ce morceau a été taillé pour être joué en live et provoquer, comme est scandé ‘L’unité dans l’ivresse…’ Car même si ce long playing constitue certainement une des plus grosses sorties cette année dans l’univers du Metal français, il sert surtout de tremplin à Mass Hysteria pour décupler en live la puissance de ses compositions. Ce n’est plus un secret pour personne : les musicos sont devenus, au fil des années, d’incontournables bêtes de scène.
Un petit bémol pour la forme ? On regrette parfois l’une ou l’autre instru un peu trop ‘foraine’, comme par exemple ce bruit de flipper sur « Vae Soli » ou cette sirène qu’on pourrait retrouver en boîte, tout au long de « L’espérance et le refus ». Mais c’est bien là un des seuls points faibles de « Matière Noire ». Une étoile de plus sur leur maillot, qui ne fait que confirmer leur aura, travaillée au corps depuis plus de deux décennies. Car outre sa capacité à envoyer généreusement des giclées d’adrénaline salvatrices, Mass Hysteria suscite la réflexion et la remise en question, tout en poussant à l’émancipation. Compte tenu du contexte sociétal actuel, cette impulsion positive est tout, sauf dérisoire.